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Biographie

Dope Smoker

Dope Smoker est une de ces formations exagérément discrètes comme il en éclot par dizaines chaque semaine aux quatre coins des internets. Peu d'infos si ce n'est que les gaziers sont originaires de Pembroke (Pays de Galles), sont fans de Black Sabbath (et de tout ce qu'ils ont enfanté), de fuzz et de fumette et qu'ils tiennent un rythme d'enregistrement élevé depuis leurs débuts courant 2014. Marijuana, leur cinquième méfait est sorti début 2016 alors que Legalize It parait en 2017. Le trio actuellement composé de Neil Gwyther (Basse), Andrew Woods (Baterie) et Gareth Hopkins (Guitare / Chant) sort Zeroine en 2020 chez Dense(s) Records.

Chronique

16 / 20
4 commentaires (14.5/20).
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Marijuana ( 2016 )

Cela fait mal de le reconnaître mais on s'emmerde parfois un peu ces derniers temps en terres Stoner/Doom. De pleines palettes de groupes ressassent, globalement, la même tambouille depuis des années avec juste ce qu'il faut de nuances de psych, de rétro-rock, d'occulte ou de riffing guerrier pour que la sauce prenne sur l'instant - car elle prend encore et même souvent, l'avantage des genres hyper codifiés - sans forcément laisser de souvenir impérissable dans les têtes ou même les catalogues des labels s'étant empressés de les signer. Résultat: les bons vieux parpaings de l'oncle Doom défoncé (Acrimony, SleepWarhorse, YOB, Electric Wizard pré-2005, Toner Low, Acid KingChurch of Misery...) reviennent invariablement squatter la platine, relayés par quelques "nouveaux venus" ayant à peu près tout compris (Windhand, With the Dead, Belzebong, DopethroneKult of the Wizzard...). Parce qu'ils y ont encore leur place et l'auront visiblement encore longtemps. Dope Smoker et son Marijuana (oui, vraiment, ils ont osé) ne viendra probablement pas les en déloger car ce n'est de tout façon pas le postulat de départ... mais son nouveau méfait pourrait bien finir par s'inviter dans la rotation plus souvent que ne laissent deviner ses airs entendus.

Dope Smoker est, il faut l'admettre, de ces formations qui n'en a un peu rien à foutre. Pas ou peu de communication, des sorties qui s’enchaînent dans l'anonymat mais pas un pet de jeu. Les gars tracent leur route quoiqu’il arrive et lâchent tout en name your price. J'en veux pour preuve que Marjuana débarquait récemment après déjà quatre sorties en deux ans (!) sans faire le moindre bruit et, qu'à première vue, ce dernier méfait en date ne dévie pas pas d'un iota de la formule explorée jusqu'alors par les gallois. Que la sauce ait pris ou non, le créneau reste ostensiblement le même: trois potes, des montagnes de fuzz, (des montagnes) de weed, du fun et du skate. La formule est d'une simplicité crasse, à des lieues des concepts alambiqués, postures sophistiquées et textes cryptiques dont semblent très friands leurs camarades de jeu ces dernier temps. La came de Dope Smoker c'est le Stoner Doom to the bone, pouilleux et fauché biberonné à Black Sabbath et Sleep envoyé pour le plaisir de générer du groove lent et du gras à des volumes indécents. La question du créneau réglée et celle des thématiques expédiée en un coup d’œil au visuel et un morceau pris au hasard ("Marijuana [...] All day!" pour toutes paroles sur "All Day" - le reste étant du même acabit) restait à savoir ce que Marijuana a dans le ventre.

Car de la simplicité de la formule évoquée plus haut découle souvent la difficulté pour ce type d'album de se démarquer par une patte singulière. Tout le monde met du Stoner partout actuellement. Ou tout du moins croit le faire mais c'est encore un autre problème. En cela Marijuana, sans en avoir l'air, réussit un drôle de numéro en récitant sans surprise tous les gimmicks du genre jusqu'à s'aventurer aux limites du plagiat ("Streets of Rage", exagérément Sabbathienne, "October" et ses vieux relents d'Electric Wizard) sans véritablement jouer plus d'une partition que de l'autre ni bouger de son postulat de départ. Attitude de sale Punk, rythmique lourde mais dépouillée, une ligne de basse et quelques riffs acérés noyés dans un nuage de fuzz et de distorsion: classicisme, sobriété, efficacité. Headbang incontrôlé, volutes de fumée d'une épaisseur à se cramer les poumons, relâchement et dérive psychotrope naturelle. 
Servi par un son plus massif et délicieusement crunchy, Dope Smoker a surtout affiné son approche - de même que ses compos, plusieurs morceaux étant déjà présents sur ses précédents enregistrements. La relecture de Dope Smoker, si elle passe toujours par le versant raw, Rock'n'Roll et déplumé du genre, se fait plus ronde et homogène en termes de production et fricote désormais ouvertement avec les frontières du Grunge. Un plus non négligeable qui autorise le trio à dynamiser des compos sous perfusion massive de DopethroneMaster of ReatlityBuse Woods ou encore Dopesmoker en lui offrant une certaine liberté ainsi qu'un peu de spontanéité et de fraîcheur dans un cadre pourtant contraignant au possible ("Natas" durant laquelle on s'attend presque à entendre surgir Layne Staley).

Au final bien plus proches dans leur démarche des discrets vétérans australiens de Budd qui mènent leur barque en vase clos depuis plus de vingt piges ("Legalize it", so 90's, l'emballement final du très lancinant "All Day") que les cohortes de clones appliqués des légendes citées plus haut que l'on se trimbale par les temps qui courent, les gars de Dope Smoker reviennent à l'essentiel pour le pire et surtout pour le meilleur. Le Rock, la dope et le fun d'abord: oui Marijuana est un cliché ambulant de quarante minutes mais serait-il honnête d'en attendre autre chose avec un nom pareil?Cela ne pose même aucun problème tant Dope Smoker remet le riff et la notion de plaisir immédiat au centre des débats avec trois bouts de ficelle. Une simplicité et un enthousiasme réels qui confèrent à l'album un coté très love it or leave it assez définitif mais aussi bienvenu que salvateur. Jouer les stoners, c'est sympa. Véritablement le mettre en musique c'est mieux (et plus honnête). Et cela s'entend immédiatement surtout lorsque c'est aussi bien fait, peu importent les moyens. 

A écouter : En boucle