Autant s'y faire. La tendance actuelle en matière de hardcore ou de métal se tourne méchamment vers le passé. Alors, bien évidemment, certains seront ravis de ce revival old school, d'autres, toujours en quête de nouveaux sons, pesteront contre ce qu'ils assimileront à un manque d'inspiration. Personnellement je n'y vois qu'une chose c'est que toute expérience est bonne à prendre, à plus forte raison lorsque celle-ci fait montre d'un talent certain. Death From Above 1979, les extraterrestres Big Business et maintenant Doomriders sont là pour le confirmer. Ces derniers viennent d'ailleurs de sortir leur premier skeud sur le label Deathwish, distribué par Reflections pour l'Europe.
Aussi, difficile de voir autre chose qu'un album hommage dans Black Thunder. Enregistré par Kurt Ballou (Converge) au studios Godcity de Salem, cette collection de treize titres explore le métal des années 70 et 80, reproduisant avec humour à peu près tous les clichés en vigueur à cette époque. Des titres à hurler de rire ("Black Thunder", "Ride or Die", Midnight Eye", "Voice of Fire"), une cover qui ne l'est pas moins - je vous laisse apprécier l'artwork de Ryan Patterson qui a également bossé avec Coliseum et Black Cross - digne des plus grandes productions suédoises de l'époque.
Pourtant ce serait une erreur de se laisser arrêter par ce premier constat. Car si la forme a toutes les allures d'une plaisanterie, le contenu est loin d'en être une. En effet, sous des dehors ultra ringards, ce Black Thunder est une véritable tuerie. Enregistré en une seule session live, ce qui explique ce son brut de décoffrage, Doomriders fait preuve d'une brutalité extrême dans l'exécution de ses morceaux qui le rapproche entièrement de l'esprit hardcore - la basse bulldozer de Jebb Riley et le chant guttural de Nate Newton y sont, certes, pour beaucoup. En s'inspirant du plus extrême qu'il pouvait y avoir à l'époque dans chaque style, Doomriders passe en revue avec talent la période hard rock sur "Black Thunder" et "Listen Up", proche de Thin Lizzy, prolongée par "The Long Walk" et "Ride or Die", grosses tirades heavy metal dont les soli rappeleront le Paradise Lost de l'époque Gothic. Loin de s'arrêter en si bonne voie, Doomriders propose même une incursion punkisante sur "Deathbox" et "Fuck This Shit", qui atteint son apogée sur les supersoniques "Worthless" et "Drag Them Down", à mi-chemin entre Motörhead et Entombed.
Bien que brut et radical quasiment de bout en bout, Black Thunder offre toutefois une petite touche d'étrangeté avec le sublime "The Whipcrack", mêlant accords dissonnants et rythmique primaire, un peu à la manière de Tad ou du Ministry de 88-89. La voix de Nate Newton sait également se faire plus suave sur la ballade stoner "Midnight Eye", et le très bluesy "Voice of Fire" amène un calme bienvenu dans ce déluge de feu.
On ressort indemne mais épuisé de ce Black Thunder qui apparaît, finalement, beaucoup plus nostalgique et respectueux des Anciens qu'irrévérencieux. Mine de rien, en voulant rendre hommage sans prétention aux héros musicaux de leur enfance, les membres de Doomriders signent là une production de qualité, d'une rare explosivité dont les coreux et les métalleux devraient s'accommoder sans aucun problème.
A écouter : "Deathbox", "The Whipcrack", "Fuck This Shit"