Comment amorcer la suite de Wings Of Lead Over Dormant Seas, une pièce maitresse de 2h qui fait encore trembler les murs ? Sans doute en continuant la route, en embarquant pour une nouvelle exploration, cette fois réduite de moitié. Elysian Magnetic Fields, comme si Dirge, après s'être enfoncé dans les racines du Monde, s'attaquait à l'Enfer, plus particulièrement l'Elysée, lieu de repos pour les héros symbolique de la mythologie grecque. Les Français n'ont pourtant pas allégé leur musique, car avec 8 titres, le combo se plie encore à l'exercice d'un PostCore (ou PostMetal) toujours aussi massif. En l'apparence, rien n'a changé dans le son de Dirge : obscur, moite et lourd, mais en profondeur, Dirge évolue à travers des titres dont la variation se fait plus rapide, avec un chant beaucoup plus présent s'il ne devient par la même occasion l'un des éléments majeur de ce disque (entre chuchotements sur Cocoon et tonnerre grondant sur le morceau-titre).
L'approche musicale n'en est pas moins viscérale au possible, prenant aux tripes sans discontinuer alors que l'on aurait pu attendre une musique plus intellectualisée au vu du précédent opus. Même si tout s'avère pensé et réfléchi (Sandstorm en est le parfait exemple grâce à ses samples), les titres de Elysian Magnetic Fields ne sont qu'une succession de sensations, d'atmosphères comme le sont The Eye Of Every Storm et Given To The Rising de Neurosis ou Tellurique de Kill The Thrill (Nicolas Dick vient d'ailleurs poser sa voix sur ce nouvel opus). On pourrait presque s'attendre à un disque cauchemardesque, dantesque, mais Elysian Magnetic Fields a un côté presque naturel, n'usant pas d'horreur mais berçant plutôt l'auditeur dans des atmosphères grondantes et orageuses.
Qu'en est-il réellement de la musique de Dirge ? Des montées en puissance, des riffs abrasifs (Falling), un océan de sensations (les mouvements de Apogée) qui ne sont en rien fades face à Wings Of Lead Over Dormant Seas. Ce disque est à la fois très proche sur ses sonorités mais totalement différent dans son approche : moins terrestre au sens primaire (pensez aux premiers Cult Of Luna) mais tout aussi sombre (Apogée, Cocoon), comme si les éléments n'étaient plus terre et eau mais air et feu, plus volatiles en étant aussi destructeurs.
Difficile de ne pas se faire happer dès le premier titre et d'imaginer arrêter la lecture du disque. Disque intense, troublant, Elysian Magnetic Fields s'avère riche en ambiances et ne se mord jamais la queue. Si l'association avec Neurosis peut sembler assez réductrice, elle n'en est pas moins éloquente : même manière de travailler les riffs, d'agencer les morceaux ou simplement constat final similaire, à un tel point que le dernier titre, Apogée, se mêlerait sans problème à la disco des Américains. Dirge n'est heureusement pas un ersatz de ses aînés et le montre sur le puissant Morphée Rouge ou le pachydermique Obsidian.
Chaque titre se rapproche d'un élément physique ou culturel : Elysian Magnetic Fields et la mythologie grecque (en sus des phénomènes Magnétiques), Obsidian, Cocoon et Sandstorm aux phénomènes naturels (Roche et Faune), Apogée à l'astronomie (encore un point qui amène à penser que les derniers opus de Dirge sont un voyage sensoriel et physique). Pourtant, chacun de ces morceau peut être caractérisé en quelques mots : la noirceur de l'Obsidienne, la transformation du Cocon, l'élévation et la chute sur Apogée et Falling, ... Impossible de passer outre ces sentiments lors de l'écoute de ce disque, même si ces principes para-musicaux ne sont qu'une infime partie de ce qui caractérise Elysian Magnetic Fields.
Dirge avance encore et toujours dans cette association de lieux et de musique. Elysian Magnetic Fields enfonce le clou, et même si l'exploit des 2 heures de Wings Of Lead Over Dormant Seas n'est pas réitéré, ce nouvel opus n'en est pas moins une œuvre majeure du combo dans le paysage musical français qui, on l'espère, ne s'arrêtera pas là.
A écouter : 1
Une merveille !
Des heures d'écoutes sans jamais me lasser.