Dir En Grey

Visual Kei

Japon

Dum Spiro Spero

2011
Type : Album (LP)
Labels : The End Records

Chronique

par Coleslaw

Dir En Grey s'adonne avec une grande ferveur aux ambiances sépulcrales et ce n'est pas avec Dum Spiro Spero qu'on aura droit à des cantates de Noël. Au menu : un passage à tabac de 67 minutes. Peu ragoûtant, me direz-vous. Eh bien sachez qu'on en redemande ! Avec cet album les hauts dignitaires du visual kei sont plus énervés que jamais et il est clair que l'agressivité a monté d'un cran par rapport aux précédents opus sans pour autant être dénué de nuances, au contraire !

D'ailleurs, la production n'y est pas pour rien. Là aussi, par rapport aux précédents efforts, le son est plus enflé (les basses sont nettement amplifiées). Pourtant, loin d’être nuisible à l'écoute et, plutôt que de lisser les aspérités, une certaine chaleur et profondeur s'en dégagent. Cette épaisseur sonore englobante a pour effet de nous absorber davantage dans l'univers musical du groupe.

D'entrée de jeu Kyoukotsu No Nari nous immerge dans une atmosphère macabre. Des touches de piano dissonantes, des cris mélangés à des sortes de régurgitations, un son qui grésille...bref, le ton est donné. Suit The Blossoming Beelzebub, temps fort de l'album et véritable ode à la langueur. Ce titre, tant par la façon dont il a de planer au dessus de nous que par la manière dont il se déploie, crée une pesanteur saisissante. Très volatil, il se propage et nous envenime insidieusement sans nous achever. Dir En Grey parvient à alimenter une tension omniprésente en laissant en suspens sa résolution: un coup de maître !

De manière générale, il est assez impressionnant de voir avec quelle aisance ils parviennent brusquement, en plein jeu, à changer de tonalité. Ils ont cette capacité à rebondir à chaque instant et nous surprendre malgré une approche un peu répétitive sur certains morceaux plus tapageurs tels que Decayed Crow, Rasetsukoku ou encore Juuyoku. Diabolos (bon condensé de ce qu'ils savent faire) témoigne de cette faculté à ricocher et à transporter l'auditeur avec lui. Là où le risque est de tomber dans la facilité ou de se viander, ils se faufilent habilement entre ces deux écueils et arrivent à maintenir l'attention. Presque chaque titre est un savant dosage d'errances et de péripéties, de passages tantôt bouillonnants tantôt pleins de sinuosités.

Il est certain que l'impact ne serait pas le même sans la présence de Kyo. De tous les brailleurs entendu, celui-ci ne se trouve ni à tribord ni à bâbord mais tout simplement au gouvernail. En réalité, ces prouesses vocales ne sont pas sans rappeler les cris endiablés et hystériques du grand Mike Patton. Gémissements, cris éraillés, stridulations, grognements, growls caverneux, envolées lyriques...l'étendue de sa tessiture vocale est sans limite !

En dépit de ce registre un peu accrocheur présent sur quelques morceaux (riffs musclées, rythmique entraînante, breaks massifs) on peut dire qu'il y a toujours cette sincérité dans le propos. Dir En Grey fait définitivement partie de ces groupes supportant mal l'étiquette musicale (du moins occidentale), traçant leur route en faisant fi des catégorisations musicales. On a donc droit à un joyeux melting pot musical (Deathcore, Neo Metal, Black Metal, Grindcore, Folk-pop,...) suffisamment assimilé et intériorisé pour s'en défaire et donner naissance à une œuvre originale et personnelle. Il est vrai, l'efficacité a pris un peu le pas sur le coté dérangé (donc dérangeant) voire extravagant qui, par le passé, faisait tout leur cachet. Néanmoins, ils ont su évoluer tout en conservant leur identité et, malgré ce coté plus rentre-dedans, Dum Spiro Spero recèle une puissance émotionnelle incontestable.

16

Les critiques des lecteurs

Moyenne 17.38
Avis 3
burning frost October 6, 2012 16:22
Raiden à tout dit. Album sombre et complexe, il vous invite pourtant aisément à venir le découvrir. J'apprécie tout particulièrement le virage deathcore/metal progressif.
17 / 20
Raiden August 7, 2012 09:42
Noir, puissant, violent, raffiné, poétique, intense et musical. Les adjectifs qui me viennent après ma première écoute de ce nouveau bébé DUM SPIRO SPERO.



"Tant que je respire, j'espère", on dirait un paradoxe avec le contenu de l'album car au final comme pour THE MARROW OF A BONE on se retrouve en apnée dès l'intro et les pistes laissent réellement peu de place pour respirer tant les compositions sont complexes, structurées et déstructurées. LOTUS agit comme une vraie bouffée d'air et détient sa place clé dans cet album avant que l'on replonge avec DIABOLOS.



Beaucoup d'imageries me viennent en tête de part les divers changements de scènes et de mélodies, de schémas rythmiques et d'orchestrations, il y'a vraiment un travail très particuliers sur les mélodies et chaque musicien est mis en avant comme sur UROBOROS. Plus encore que sur le précédent, j'ai la sensation d'avoir une pièce de théâtre en représentation.



De manière générale, l'aspect global de l'album me rappelle MACABRE. De part des compositions longues, un son et une atmosphère noire côtoyant les chants religieux, un sens de la mélodie unique entouré d'un amas très bruitiste et complètement chaotique. Une musicalité métal complètement "weird" avec des idées et des sons barrés ce qui en font la richesse de l'album et pour tout décortiquer ça va être looooong. Coup de coeur pour le clavecin de DIABOLOS.



Contrairement à beaucoup je ne trouve pas que DECAYED CROW soit inutile ou "bouche-trou" mais le fait de l'avoir découvert en live avant le format studio me donne directement une approche et une vision plus vivante de ce titre complètement fou dans la plus pure tradition black metal. Kyô se pose vraiment comme un corbeau lancinant qui croasse à tout va.



Ce n'est que ma première écoute et cet album me plaît beaucoup, si ce n'est énormément. Et ce qui me charme davantage étant la complexité des morceaux qui donnent envie d'y retourner et de découvrir de nouvelles choses à chaque fois. Je pense qu'il ne faut pas s'attendre automatiquement à "meilleur que le précédent" même si d'une manière objective les mélodies et les parties instrumentales surpassent la masterpiece UROBOROS. Il trouvera son public, comme THE MARROW OF A BONE mais moins qu'UROBOROS de part la forte difficulté d'accès de chaque piste en général.



Il faut le prendre comme un album différent, car c'est ce qu'il est, certes avec une certaine continuité d'UROBOROS de part l'atmosphère et les mélodies mais il reste fortement différent. Le premier album de DIR EN GREY de la nouvelle ère du groupe et dans cette optique-là il est vraiment très très bon. Ils ont vraiment poussé dans l'extrême (que ce soit sur le plan métal où ils flirtent définitivement avec le black metal, le death metal, le deathcore, le doom et le sludge, que les mélodies) et je pense que Kyô a enfin atteint un stade dans lequel il s'était lancé avec UROBOROS, à savoir, faire de la vocalise pure et dure. Ne pas simplement faire du chant mais utiliser sa voix comme un instrument de musique à part entière, qu'il continue sur cette voix. Moi ça me va.

On remarquera peut-être que le chant clair est "moins bon" que sur le précédent et ce n'est pas nécessairement faux, cependant on peut saluer DIR EN GREY pour ne pas avoir répété l'erreur de Withering to death en trafiquant le chant clair de Kyô pour que le rendu scénique soit différent, non le chanteur livre un chant clair naturel avec sa voix telle qu'elle est comme sur THE MARROW OF A BONE, sans artifices quelconques et une sensibilité à toute épreuve (VANITAS). Personnellement j'adore ce chant clair complètement épuré limite enraillé très naturel comme pour THE MARROW OF A BONE sur des pistes telles que THE PLEDGE et CONCEIVED SORROW. Y'a une sensibilité et un naturel très fort qui se dégage, c'est assez grunge dans l'esprit finalement.



Le rendu des passages chantés en clair sont peut-être moins lisses que sur UROBOROS mais pour moi il ne fait aucun doute qu'il maîtrise sa voix même si elle semble parfois sur le fil du rasoir et un peu enraillée mais je crois que c'est carrément ce qui fait le charme.



Dans la tradition du rock lyrique, le groupe développe un style se jouant de la tension entre accalmies précaires et saturations en élaborant un son distinctif aux influences très éclectiques et parfois bien senties. Sombre, agressif, lyrique, pour moi c'est un disque très surprenant de rock progressif bien "weird", lardé de rock noisy et de métal extrême, et mâtiné d'arrangements orchestraux en tout genres pour une atmosphère unique. DIR EN GREY s'enfonce de plus en plus dans une musique complexe et avant-gardiste qui ne laisse que très peu de place à l'appréciation dite superficielle (juste pour le son et les mélodies). C'est là que cet album me fait l'effet de THE MARROW OF A BONE et qu'il sera, comme son frère aîné un album largement incompris dans sa démarche, son fonctionnement et son fond tant il est très difficile à compter et à ingurgiter.



Différent, c'est surtout ça qu'il faut retenir malgré une certaine continuité. Il faut le prendre comme on prenait VULGAR après Kisou. Une remise à zéro avec quelques ingrédients gardés.



Avec ce DUM SPIRO SPERO on comprend bien ce que Kaoru voulait dire avec UROBOROS dans le fait que ce dernier renfermait le passé, le présent et le futur de DIR EN GREY. En effet nombre de pistes d'UROBOROS (RED SOIL, VINUSHKA, STUCK MAN, Toguro, Doukoku to Saniru, INCONVENIENT IDEAL) laissaient déjà entrevoir la direction dans laquelle le groupe allait orienter sa barque mais dans quelque chose de plus poussé et avant-gardiste qu'il ne l'était déjà.
18 / 20
iam_trying_to_belive June 27, 2012 13:24
Ce dernier effort des japonais est tout simplement un pur bijou. Déjà l'artwork, je le trouve juste magnifique. Tellement magnifique que je me suis payé une version limitée (vinyle, double cd, DVD, et booklet) qui déchire!!!

L'intro est juste extraordinaire, d'une intensité remarquable et à l'ambiance pesante. Cela nous met vraiment dans le bain. Je n'ai pas vraiment de chanson favorite car sur cet album, tout est bon. Mais je suis tout particulièrement tombé sous le charme de Lotus, un des rares moments calmes de l'album. Quelle magnifique chanson! Sinon, c'est un album extrêmement violent, ultra technique et jamais ennuyeux. Je souligne en particulier la volonté du groupe à mélanger plusieurs genre de Metal pour en faire un disque complet et très recherché. On passe du Néo au Death, au Heavy, au Black de chanson en chanson, sans pour autant en faire de pâles imitations. Les japonais sont très fort pour assembler différents styles de tous horizons et y incorporer leurs touches personnelles. En l'occurence sur cet album, un chant monstrueusement inpressionnant. Quel chanteur ce Kyo. Pas besoin de bosser pour Rolling Stone magazine pour affirmer qu'il est l'un des meilleurs frontman de la scène Metal actuelle (et même de la musique en générale). Il sais tout faire c'est hallucinant! Chanter normalement, gueuler, hurler à mort, faire des cris attroces venu tout droit des abysses,growl, squeal etc.. En plus que ses textes sont très réfléchis et recherchés, c'est vraiment un type incroyable.(Espèrons que ses derniers problèmes de santé survenu en début d'année 2012 ne l'éloigne pas trop longtemps de la scène). Les musiciens sont également très bons, proposant des passages ultras techniques que se soit batterie ou guitares. Un album très complet, vraiment excellent, probablement le plus violent du groupe. Perso, je raffole de ce disque.
17 / 20