Dir En Grey s'adonne avec une grande ferveur aux ambiances sépulcrales et ce
n'est pas avec Dum
Spiro Spero
qu'on aura droit à des cantates de Noël.
Au menu : un passage à tabac de 67 minutes. Peu
ragoûtant, me direz-vous. Eh bien sachez qu'on en redemande !
Avec cet album les hauts dignitaires du visual kei sont plus énervés
que jamais et il est clair que l'agressivité a monté d'un cran par
rapport aux précédents opus sans pour autant être dénué de
nuances, au contraire !
D'ailleurs,
la production n'y est pas pour rien. Là aussi, par rapport aux
précédents efforts, le son est plus enflé (les basses sont
nettement amplifiées). Pourtant, loin d’être nuisible à
l'écoute et, plutôt que de lisser les aspérités, une certaine
chaleur et profondeur s'en dégagent. Cette épaisseur sonore
englobante a pour effet de nous absorber davantage dans l'univers
musical du groupe.
D'entrée
de jeu Kyoukotsu No Nari nous immerge dans une atmosphère
macabre. Des touches de piano dissonantes, des cris mélangés à des
sortes de régurgitations, un son qui grésille...bref, le ton est
donné. Suit The Blossoming Beelzebub, temps fort de l'album
et véritable ode à la langueur. Ce titre, tant par la façon dont
il a de planer au dessus de nous que par la manière dont il se
déploie, crée une pesanteur saisissante. Très volatil, il se
propage et nous envenime insidieusement sans nous achever. Dir En
Grey parvient à alimenter une tension omniprésente en laissant
en suspens sa résolution: un coup de maître !
De
manière générale, il est assez impressionnant de voir avec quelle
aisance ils parviennent brusquement, en plein jeu, à changer de
tonalité. Ils ont cette capacité à rebondir à chaque instant et
nous surprendre malgré une approche un peu répétitive sur certains
morceaux plus tapageurs tels que Decayed Crow, Rasetsukoku
ou encore Juuyoku. Diabolos (bon condensé de ce qu'ils
savent faire) témoigne de cette faculté à ricocher et à
transporter l'auditeur avec lui. Là où le risque est de tomber dans
la facilité ou de se viander, ils se faufilent habilement entre ces
deux écueils et arrivent à maintenir l'attention. Presque chaque
titre est un savant dosage d'errances et de péripéties, de passages
tantôt bouillonnants tantôt pleins de sinuosités.
Il
est certain que l'impact ne serait pas le même sans la présence de
Kyo. De tous les brailleurs entendu, celui-ci ne se trouve ni à
tribord ni à bâbord mais tout simplement au gouvernail. En réalité,
ces prouesses vocales ne sont pas sans rappeler les cris endiablés
et hystériques du grand Mike Patton. Gémissements, cris éraillés,
stridulations, grognements, growls caverneux, envolées
lyriques...l'étendue de sa tessiture vocale est sans limite !
En
dépit de ce registre un peu accrocheur présent sur quelques
morceaux (riffs musclées, rythmique entraînante, breaks massifs) on
peut dire qu'il y a toujours cette sincérité dans le propos. Dir
En Grey fait définitivement partie de ces groupes supportant mal
l'étiquette musicale (du moins occidentale), traçant leur route en
faisant fi des catégorisations musicales. On a donc droit à un
joyeux melting pot musical (Deathcore, Neo Metal, Black Metal,
Grindcore, Folk-pop,...) suffisamment assimilé et intériorisé pour
s'en défaire et donner naissance à une œuvre originale et
personnelle. Il est vrai, l'efficacité a pris un peu le pas sur le
coté dérangé (donc dérangeant) voire extravagant qui, par le
passé, faisait tout leur cachet. Néanmoins, ils ont su évoluer
tout en conservant leur identité et, malgré ce coté plus
rentre-dedans, Dum Spiro Spero recèle une puissance
émotionnelle incontestable.
A écouter : The Blossoming Beelzebub, Shitataru Mourou, Diabolos