On peut être béni et maudit. Devil Sold His Soul le prouve au gré de 62 minutes de tension et de passion. Blessed & Cursed. L'envol vers un ciel radieux et le plongeon, la tête dans la crasse et les sentiments humains. "L’homme a besoin de ce qu’il y a de pire en lui s’il veut parvenir à ce qu’il a de meilleur." expliquait Nietzche. Le combo a suivi ce précepte à la lettre et pioché dans ses relents nauséeux sur A Fragile Hope pour arriver à pondre un second disque aussi lumineux. Pourtant, qui pouvait s'attendre à une telle prise de conscience, un changement de point de vue, tout en gardant une musique aussi radicale ?
La direction artistique prise par le combo ne plaira pas à tout le monde : le chemin emprunté est plus étincelant, rayonnant, surtout du fait de la montée en puissance du chant clair. Blessed. On frôle la litanie sur A Foreboding Sky, avec son piano et son chant céleste qui ne peuvent sortir que d'un esprit fatigué, mais heureux. Les mélodies qui en ressortent ne sont plus uniquement des larmes de chagrin, mais arrivent à être positives, sentiment qui brillait par son absence sur le premier opus.
Malgré tout, la rupture avec A Fragile Hope n'est pas une cassure nette : Devil Sold His Soul n'abandonne pas ses premiers amours au détour d'un chemin vers le ciel. Cursed. Quelques titres crachent encore leurs tripes, même si la haine et le désespoir ont tendance à s'effacer : The Disappointment ou encore Crane Lake (titre issu du split avec Tortuga) font leur effet, à grand renfort d'une base rythmique lourde et abrasive. Le sextet n'est pas complètement apaisé et une rage, légèrement amoindrie, tente encore de prendre le contrôle.
Cette mixité donne un album équilibré, jamais parqué d'un coté de la barrière mais bien avec 2 facettes qui fusionnent sans écueils. Devil Sold His Soul façonne, détruit, imagine et piétine chaque compo comme si c'était la dernière, l'ultime, celle dont les variations résonneront sans cesse dans les couloirs de leurs appartements hantés. Les musiciens tiennent le choc, endurent chaque changement d'ambiance, se poussent à l'extrême sur Truth Has Come, sourient sans retenue sur An Ocean of Lights. A tel point que l'on peut se demander s'ils tiendront le choc durant leurs prestations scéniques tant la rupture entre les ambiances se fait parfois sentir.
Et histoire de peaufiner le tout, Devil Sold His Soul s'adjoint les services de Andrew Neufeld (Comeback Kid) et Perry Bryan (Rinoa, dont le premier album s'assimile à la même scène). Du beau monde, qui apporte sa patte à ce Blessed & Cursed qui causera tant d'émois...
Pourtant, peut-on clairement affirmer que Blessed & Cursed est meilleur de A Fragile Hope ? A la manière d'Achille et de Hector, chacun est la Némésis de l'autre, d'un côté un album plus lumineux qui pourra déplaire par son chant clair mis en avant et de l'autre un disque sombre, raclant les déchets humains traînant ça et là. Aucun ne ressortira vainqueur, chacun aura sa préférence, mais Blessed & Cursed risque d'apparaitre dans les têtes de liste de l'année, surtout si Devil Sold His Soul arrive à concrétiser l'ensemble en live...
A écouter : 1
Je félicite ce groupe pour cet album brillamment construit. Certes, il peut taper sur les nerfs si vous n'appréciez pas l'esthétisme qu'ils ont choisi mais on ne peut leur reprocher de proposer des compos de qualités, des mélodies délicieuses et des riffs destructeurs.
Mention à "Drowning/Sinking" qui me hante à chaque fois que je l'écoute.