Le contexte: Après un EP et un album, Dessa décide de déféndre ses pièces maîtresse sur la route, avec un groupe complet. Ce détail qui change tout nécessite un ré-arrangement complet des morceaux afin qu'ils puissent être joués sur instruments en live. Succès total... La troupe s'embarque donc logiquement dans l'enregistrement de ces nouvelles versions.
Pour le coup, impossible d'éviter le jeu des comparaisons entre A Badly Broken Code et celui-ci; à commencer par les pochettes. La première étalait le portrait inéclairé d'une Dessa rêveuse. Sur Castor elle gagne en assurance, en noirceur aussi; mais le fond est lumineux. Et c'est là une partie de son génie qui plaque un spleen sur des mélodies épurées mais éclairées, brillantes même.
Les instruments esquivent le beat répétitif avec une insolente pluralité: guitares électriques, acoustiques, contrebasse, xylophone, piano et claviers, cordes à foison, percus à profusion... D'une modestie distinguée, ils impriment aussi bien l'intro martiale de "The Chaconne" qu'ils soutiennent la rêverie allégorique de "The Beekeeper" ou enveloppent la jazzy "Dixon's Girl". La demoiselle sait décidément s'entourer de musiciens saisissant ses différentes sensibilités.
Et que dire de sa performance à elle? Une singer envoûtante de finesse, songwriter éclairée; une artiste poète aux multiples visages avant d'être femcee. De la soul "Palace" au flow hip hop de "Mineshaft", Dessa laisse ses transports la porter, compte ses amouraches déçues et conte sa frustration avec une mélancolie curieusement énergique. Apaisante, voire réconfortante, dans ses tourments feutrés.
Le collectif Doomtree ne s'y est pas trompé avec son intégration: Dessa est une esthète-interpète aux talents multiples, qui sait évoluer et se réinventer. Preuve en est le seul morceau inédit de la galette, "The Beekeeper", plus sombre et profond que ses contemporains, plus travaillé également. De très bon augure pour son prochain opus de 2012...
A écouter : "551" ; "The Beekeeper" ; "Dixon's Girl"