2020 est pourrie sur bien des plans. Mais si on aime le Prog, le millésime est loin d'être dégueu, très honnêtement. Sons Of Apollo, Novena, Caligula's Horse, John Petrucci, Pain Of Salvation, Ayreon, The Ocean, Haken, Oceans Of Slumber, j'en passe et sûrement des meilleurs, ont tirés leur épingle du jeu ces neuf derniers mois, et plutôt brillamment. Même si on n'attendait pas spécialement une nouvelle sortie de Derek Sherinian pour compléter le tableau, voici pourtant The Phoenix, un chapitre supplémentaire en solo pour l'iconique ex claviériste de Dream Theater.
Comme le veut la logique, et comme ses précédents albums l'avaient déjà démontré, nous avons ici affaire à des pistes très axées sur le piano et les synthés. Plusieurs genres sont abordés, du Rock-Metal parfois sombre (Pesadelo, The Phoenix) au Blues (la reprise de Them Change, de Buddy Miles) en passant par le Jazz (Dragonfly ou Temple Of Helios). Ces huit titres semblent bien plus larges, bien plus éclectiques que les contenus des précédents disques de l'Américain. Et pourtant, on constate malheureusement un peu moins d'âme dans ces morceaux qu'auparavant. Les instruments tartinent leurs solos, claviers en tête. Le titre éponyme, en ouverture, est le meilleur exemple : il s'agit de 5 minutes de démonstration ou les leads s’enchaînent, posés sur une batterie quasi-rectiligne, en mode rouleau-compresseur. Certes, on pourra largement apprécier la virtuosité de Derek Sherinian et de ses invités de luxe (rien qu'aux guitares, on trouvera Zakk Wylde (Black Label Society, ex Ozzy Osbourne), Ron 'Bumblefoot' Thal (Sons Of Apollo, ex Guns 'N Roses), Steve Vai, Joe Bonamassa, et Kiko Loureiro (Megadeth, ex Angra)). Mais cette maestria se paie sur l'écriture. La composition est en effet limitée par la liberté d'expression laissée aux protagonistes, la structuration des titres se limitant souvent à des successions de solos. Seules exceptions : Them Change (parce que c'est une reprise, avec une construction déjà existante, et que le chant (par le guitariste Joe Bonamassa) apporte un élément d'ordonnancement supplémentaire que les sept autres titres n'ont pas), et Pesadelo (co-écrit avec le guitariste Kiko Loureiro, pour un résultat bien plus proche d'un "vrai" titre avec ses divers mouvements, plutôt qu'une démonstration constante).
The Phoenix n'est pas un album foncièrement mauvais. Simplement, encore plus que ses prédécesseurs, il semble ne pas s'adresser à tout le monde. Les joueuses et les joueurs de synthétiseur avec un penchant pour la précision et la vitesse de jeu, ou les adeptes de démonstrations techniques parfois froides pourront y trouver leur compte. Autrement, une ou deux écoutes vous lasseront peut-être. Quitte à écouter du Prog en 2020, l'introduction de cette chronique propose des options plus intéressantes.
A écouter : Pesadelo, Dragonfly