Et la grosse mandale de ce début d’année vient d’Allemagne et se nomme Defeated Sanity ! Et je lis à l’instant sur ma petite fiche le nom de Christian Münzner (Spawn of Possession, Obscura, Necrophagist) dans l’ex line-up du groupe, il est dans toutes les formations allemandes ce type ou quoi ? Mais on en reparlera dans de futures chroniques. Sinon, Lille Gruber (ex batteur live pour Belphegor) est le seul membre fondateur à être encore de la partie, presque vingt ans !
Si vous pensiez que vous aviez tout écouté dans le brutal death metal, il est temps de jeter une oreille à Passages into Deformity. Typiquement l’album qui te fait lever un sourcil de surprise, qui te met la larme à l’œil tant c’est tout ce que tu recherches dans le metal qui tache depuis les good ol’times de Cryptopsy, Devourment et autres Suffocation. Defeated Sanity bouffe en effet à tous ces râteliers putrides et n’en digère que le meilleur pour régurgiter un album d’excellence, un brutal death haut-de-gamme et en haut en couleur avec en prime une ambiance de folie pure, une ignoble plongée dans l’esprit d’un dérangé mental.
On y va avec la mise en bouche "Initiation" qui installe de force l’auditeur sur la table d’opération, suivie de près par la première étape de la vivisection en approche : "Naraka". Rien que la mini-intro à la basse devrait déjà faire saliver les plus tarés d’entre vous. Puis merde, après c’est la déferlante, tout se barre en sucette, la musique servie ici se suit dans les grandes lignes mais la section rythmique que déballe Gruber est tout bonnement à en perdre la tête et une bonne douzaine d’écoutes ne seront pas de trop pour comprendre où se posent les coups de caisse claire. De son côté le gratteux alterne aisément les palm-mute Dying Fetus-ien et l’expression « dont lui seul a le secret » prend ici tout son sens tant on prend notre pied sans rien comprendre aux riffs à moitié en harmonique. Et entre les mid-tempo ravageurs, les accélérations aussi fugaces que jouissives, les ralentissements écrasants (ECRASANTS) et les breaks jazzy, on en prend réellement plein la tronche.
Plein la tronche mais le tout est d’une justesse et le dosage est tel qu’on ne peut que succomber face à cette débauche de technique et d’efficacité. A genoux, on se prend le crochet de notre vie lors du palm-mute situé aux deux-tiers de la piste. Et c’était sans compter les quelques mesures de slam dans la dernière minute de la piste, sorties de nulle part mais encore une fois parfaitement exécutées et s’intégrant parfaitement au décor.
C’était pour vous donner une idée générale du bordel organisé qu’est Passages into Deformity ; Le brutal death est ici visqueux, poisseux, la texture des instruments vous maintient immobile et tandis que vous vous débattez Konstantin Lühring vous défonce les oreilles avec son chant ultra guttural et vous balance sans ménagement de l’autre côté de la sanité d’esprit . En fait les quatre docteurs du son ont leur rôle à jouer et sont tous audibles même si le couple guitare / batterie ressort bien sûr lors des premières écoutes. La basse tenue par Jacob Schmidt (bassiste live d’Obscura – encore) achève de souiller l’espace sonore immaculé, la production la mettant à son avantage notamment sur les parties slammées ("Naraka", l’incontournable "Verses of Deformity") et groovy. Ajoutez à cela des transitions entre deux chansons qui renforcent le sentiment d'asphyxie (les bruitages écoeurants derrière "Verblendung", le doc allemand qui fait l'état des lieux de notre (peu reluisante) santé mentale après "The Purging") et vous obtiendrez un album qui passe comme une lettre à la poste.
L’album est d’une richesse et d’une puissance renversantes. Aucune fausse note, les plans sont brillants d’inventivité et sont poussés à l’extrême pour assurer des transitions qui coulent de source ("Verblendung", "Lusting for Transcendence", "The Purging"). Que ce soit les plans slam, les plans tirant vers le death jazzy d’Atheist, les breaks jouissifs, les passages furieux (la bien-nommée "Frenzy") ou les riffs « auditeur-friendly » (tout est relatif hein) présents sur "Perspectives", le savoir-faire est là et c’est un fait : on ne s’emmerde jamais. Pas une seconde jusqu’au final de "Martyrium" durant lequel vous êtes autorisés à vous recroqueviller en position fœtale en pleurant.
J’employais plus haut le terme « technique ». Qu’on ne s’y trompe pas, je ne parle pas de brutal death technique à la Spawn of Possession, Gorod ou >Archspire. Loin des soli extravagants et des riffs ultra complexes, il s’agit plutôt d’une technique sur le plan de la rigueur, comme une formule inflexible utilisée par les maîtres depuis l’âge d’or du jazz (j’y connais rien hein, mais j’imagine), sauf qu’ici le jazz semble avoir totalement dégénéré dans son évolution. On a vraiment l’impression de se faire braquer un fusil à pompe dans le dos et d’être forcés à descendre dans l’enfer verdâtre qui orne la pochette.
Bref j’arrête les fleurs, retenez juste qu’il vous faut foncer sur cette infâme boucherie si vous êtes férus de gros son qui vous retourne comme quand on mange une mangue (bravo pour l’image).
A écouter : Naraka, Lusting for Transcendence, Verses of Deformity, Perspectives, Martyrium