2008, réorientation. 2010, confirmation. Pour commencer, on va déjà se mettre d'accord sur le terme réorientation: chez Decrepit Birth ça veut dire passer du Brutal Death bourrin au Death Metal ouvertement hyper-technique pas forcément beaucoup moins brutal que ce qui précédait mais néanmoins beaucoup plus aéré et, en fin de compte, original. Ca c'était le passage de ...And Time Begins à Diminishing Between Worlds. Cinq ans d'écart entre les deux sorties mais l'attente valait le coup. Déjà bien calés sur leur nouveau créneau, les californiens décochaient alors quelques sauvages banderilles des plus délectables. Pile ce qu'il fallait pour attendre la suite avec un sentiment que l'on situait alors entre crainte et excitation.
Pour le plus grand bonheur des uns - qui fait forcément le malheur des autres - Polarity se place dès ses premiers instants dans la droite lignée de son prédécesseur. Decrepit Birth c'est toujours moderne dans l'optique comme dans le son, ultra technique, brutal et bordélique. Si l'on oublie pas que l'inspiration leur est venue somme toute assez récemment et que l'on pourrait caler ce genre de descriptions à des charrettes entières de groupes que l'on aura déjà oublié dans deux ans, ce troisième album a tout d'une mauvaise blague de l'extrême en puissance. Un coup à vous donner envie d'aller se réfugier dans de bonnes vieilles valeurs sures dégoulinantes écartelées entre doom dégueulasse d'outre-tombe et punkeries brutales primaires.
Mais revenons à l'essentiel: oui, Polarity est un disque hyper démonstratif, au son tout sauf naturel, triggé jusqu'à plus soif. Si vous n'aimiez pas, ça ne changera probablement pas et vous pouvez donc passer votre chemin. Quitte à passer à coté d'une formation des plus intéressantes malgré ses autours peu engageants. A son niveau DB est, en fin de compte, un peu à la scène à laquelle il se rattache ce que peut être Born of Osiris au milieu du marasme Metalcore (profitez en bien, le terme va finir par disparaître). Une formation qui en fait des tonnes dans un feu d'artifice de riffs et de changements rythmiques et est à priori surtout là pour provoquer des torticolis, emmêler des neurones, faire jouir les fanas de technique et gueuler le voisin. Mais qui au final tire son épingle du jeu. Voilà d'ailleurs la grande force de DB c'est qu'écouter Polarity s'apparente un peu à aller chiner à la grande braderie annuelle: au milieu des empilements de riffs et de plans tous plus abusés les uns que les autres, il y aura toujours un moment de bonheur auditif qui finit par ressortir du lot et emporter la décision. Il faut juste se mettre le coup de pied au cul pour s'y attaquer et s'armer d'un peu de courage.
Mais comment passe-t-on alors d'un disque potentiellement sympathique, avec ses moments, à un véritable album solide au goût de reviens-y?
En allant au-delà de tous les éléments évoqués précédemment. Tout simplement. C'est sur ce point que la progression de Decrepit Birth est la plus significative. Sans être foncièrement meilleur que Diminishing Between Worlds (voire même un peu moins solide), Polarity va et voit plus loin lorsqu'il semble soudain se réveiller à mi chemin pour reprendre sa marche en avant après avoir récité ses gammes quatre titres durant: Solar impulse vient de débouler. Un morceau dans la moyenne basse du groupe sur l'échelle de la brutalité et de la folie mais qui sonne le départ d'un véritable album dans l'album. Les plans instrumentaux se font plus présents, les morceaux plus fluides et apaisés (même si tout est relatif). On surprend même le quintet à s'essayer à l'incorporation de clavier et de sonorités électroniques (A brief odyssey in time, Darkness embrace). Imaginez des fans de Death (Polarity comme son grand frère transpirent de l'influence des floridiens) transformés en proto-Mithras, qui n'aurait pas encore pu/su toute à fait saisir les ambiances faisant la force des britanniques. De là à dire qu'ils viennent de s'ouvrir une voie royale vers les sommets il n'y a qu'un pas qu'on espère bien les voir vraiment franchir. Reste à voir s'ils sen donneront les moyens.
Polarity pousse les choses plus loin. En mieux, bien que le résultat reste toujours imparfait surtout vu le potentiel des américains. La formation à géométrie variable, petit à petit, est en train de véritablement se dévoiler et si ce disque est l'oeuvre d'un groupe à la mutation discographiquement récente il a déjà en germe tout ce qui peut faire de Decrepit Birth une grosse pointure d'ici peu. Pas le disque de l'année mais Polarity mérite tout de même grandement que l'on s'y arrête.
A voir: le clip de The resonance.
A écouter : Darkness embrace, Solar impulse, Polarity