Deathspell Omega

Black Metal

France

Kénôse

2005

Chronique

par manulerider

Comme d’effroyables spasmes, une sorte d’assèchement aux allures de renaissance, vous voici entrés dans la Kenôse, une expérience malsaine, mais inévitable, de laquelle découleront des faits troublant. Ce terme, d’origine grec, désigne la voie par laquelle le Christ perdit ses attributs célestes pour venir rejoindre l’humanité et en mesurer l’horreur. Sorte de chute inéluctable où une métamorphose profonde et désagréable touchera le Seigneur, entrecoupée d’inespérées et fragiles atténuations, à l’inverse de sa résurrection si glorieuse et triomphale qui le mettra sur un piédestal.

Deathspell Omega offre donc un disque décrivant cette chute si nécessaire, dont on subira les effets en trois mouvements, sobrement nommés, comme il est souvent de mise dans le black métal, par des chiffres romains. I s’ouvre donc par ces fameuses convulsions, annonçant sans aucun doute une situation des plus inquiétantes, ou tout du moins inconnue. De sombres et interminables échos vous parviennent ; alors qu’ils vous semblaient lointains, ils sont à vous, soutenus par de dissonantes mélodies. Une voix familière se glisse à votre oreille, elle semble traumatisée, exténuée, elle veut vous transmettre un message, mais sa fébrilité l’interrompt. Les marques s'effacent, les ténèbres entrent en action, comme une puissante force qui plonge dans une torpeur glissante. Déjà vous recevez de violents heurts qui à chaque fois vous semblent fatals et bientôt un torrent de cruauté vous possède en vous entraînant dans une spirale funeste.
Celle-ci se vêt d’une robe noire à l'apparence incommodante qui, même s’il est impossible de la comprendre finement sans l’avoir ressentie, se rapprochera évidemment de la musique de Deathspell Omega connue, à savoir un black métal crade au possible et à la violence inouïe. Une production très grandiloquente dramatise de surcroît l’ensemble, avec de légers effets de reverb, donnant l’illusion d’une résonance telle que l’on en aurait dans une phase de fièvre délirante. Au cours des trois titres constituant la Kenôse, Deathspell Omega alterne entre la violence de son raw black toujours dissonant et bourdonnant, et des ambiances transitoires, parfois au tempo plus posé qui donnent un relief instruit à l’ensemble. Ces discordants arpèges soutenus par une batterie somme toute assez bien mise en place permettent de retrouver cette fameuse voix, celle qui nous avait accueilli. Toujours douceâtre, elle montre sa véritable face sournoise et abjecte et c’est lors des passages les plus virulents qu’elle se transforme en incarnation du mal, en partie à cause d’un timbre oscillant naturellement entre profond guttural death et violence aiguë plus affiliée au black métal en lui même. Mikko donne ici l’illusion parfaite d’un état de mutation physiologique collant parfaitement à la thématique choisie et l’on subit la violence de celle-ci de plein fouet : batterie supersonique, mur de guitare imposant et parfaitement bien agencé, basse discrète mais pourtant très grasse, le tout bénéficiant d’une remarquable production.
Comme souvent dans les styles extrêmes, l’ennui pourrait guetter l’auditeur, mais qu’il n’oublie pas qu’il est en train de subir l’incarnation musicale d’une transmutation profonde et ignoble. La Kenôse s’en retrouve pleine de rebondissements, toujours bien arrangés et inattendus au cours de ses trois titres, et c’est sans le moindre problème que l’on passe de état d’apaisement psychique (la fin de II notamment) à un malmenage insupportable, ou d’ambiances pesantes très doom à un black mid-tempo rappelant souvent Blut Aus Nord (III).
 
En 36 minutes, Deathspell Omega remplit donc parfaitement son pari d’incarnation de cette fameuse Kenôse, par une interprétation des plus spectaculaires et épique. S’inscrivant parfaitement dans l’œuvre du groupe, ce disque saura contenter les amateurs des précédents opus. Attention pourtant, il se révèlera totalement insupportable voire incompréhensible pour un non-initié au genre, et son accessibilité reste très relative, en témoigne la thématique choisie et la manière dont elle est traitée. Espérons qu’après cette réussite, Deathspell Omega aura la bonne idée de continuer dans les thématiques relatives au Christ. Ne lui reste plus qu’à affronter son épreuve la plus difficile : le contact avec l’humanité. 

 

17

Les critiques des lecteurs

Moyenne 17
Avis 5
burning frost March 17, 2013 01:10
Rien à reprocher, exécution parfaitement maîtrisée mais rien qui me parle vraiment.
15 / 20
Dagoba March 24, 2007 18:48
36 minutes intenses, un plaisir diabolique...

Une fois de plus Deathspell Omega frappe très fort !

Je vous préviens vous allez me payer les frais de l'hosto pour toutes ses baffes que vous m'avez infligés :)

La kénôse est parfaite !
18 / 20
Jokito February 16, 2006 17:32
Excellent disque que ce Kenôse. Pour ma part je débute avec lui et j'ai été frappé par l'ambition des morceaux, notamment les cassures dans les rythmes, les ambiances sombres/rituéliques qui s'intercalent dans les passages ultraviolents. Un des disques de Black de 2005 que je préfère avec Doedskvad.
17 / 20
metal99 January 21, 2006 11:16
Un album de black sublime, il frappe avec subtilité et efficacité la ou ça fait mal. DSO sort vraiment du lot, car il arrive a être novateur sans tomber dans l'expermintal, on reste ici bien dans du black metal mais avec des morceaux bien plus inspirés que ce l'on trouve en géneral dans la scéne black actuelle.

le seul bémol, c'est que c'est vraiment pas long, juste 3 morceaux, I II III.
18 / 20
nostromo January 16, 2006 12:42
si monumentum m'avait déja scotché, kenôse enfonce le clou avec 36 minute de noirceur pure...
17 / 20