"California Uber Alles", "Holidays in Cambodia", "Kill the Poor", que quiconque ne connaît pas au moins un morceau des Dead Kennedys lève le doigt - le majeur en l'occurence. Que ce soit par l'intermédiaire de reprises (Sepultura, Napalm Death...) ou les originaux, il est humainement impossible d'avoir échappé aux californiens depuis leur séparation en 1987.
Premier album des Dead Kennedys, sorti en 1980, Fresh Fruits for Rotting Vegetables est un véritable juke-box punk. Disque d'or en Angleterre lors de sa parution, il renferme les plus belles perles du répertoire du groupe. De "Let's Lynch the Landlord" à "I Kill Children", en passant par "Chemical Warfare", le style des Dead Kennedys est une insulte permanente au Californian Way of Life. Opposant le caractère consensuel de la surf music des Beach Boys, au punk rock, il est basé sur des compositions au tempo essentiellement rapide ("Kill the Poor", "Your Emotions"), structurées de manière traditionnelle, mais richement ornementées par les sonorités psychopathes du guitariste East Bay Ray - un son semi-saturé reconnaissable entre mille - qui prennent toute leur signification sur "Drug Me" et surtout sur le grandiose "Holidays in Cambodia" dont l'introduction tente de reproduire un raid aérien.
Toutefois, les Dead Kennedys ne seraient rien sans la voix de Jello Biafra. Mélange de crooner et d'évangéliste, son timbre clair procure à l'ensemble une dimension plûtot ironique ("Viva Las Vegas") qui, associé à la guitare de East Bay Ray, mute jusqu'au cynisme.
Dissocier l'artiste du citoyen est chose inconcevable pour les Dead Kennedys. Ainsi, outre le plan musical, l'intérêt des californiens réside également dans leur regard critique à l'égard du système politique et économique américain. Provocateurs jusque dans le nom, la moindre action (textes, concerts) est ressentie comme une véritable attaque en règle contre l'Ordre et la Morale et considérée comme telle par les autorités, en témoigne la présence quasi systématique de la police à chaque prestation du groupe. Bien que satiriques, des textes tels que "California Uber Alles" prenant directement à partie le gouverneur de Californie de l'époque, Jerry Brown, "Chemical Warfare" ou "I Kill Children" stigmatisant les deux composantes d'extrême violence et de conservatisme qui plombent la société américaine, constituent de véritables pamphlets à caractère politique ce qui, étant donné le passif de Biafra en la matière, n'a rien d'étonnant (voir bio).
Au final, Fresh Fruits for Rotting Vegetables est un album unique pour un groupe qui ne l'est pas moins. Il constitue le point de départ d'une carrière à l'ascension fulgurante qui aura définitivement marqué au fer rouge l'Histoire du punk hardcore et permis à Jello Biafra et aux Dead Kennedys d'entrer dans la légende.
A écouter : "Holidays in Cambodia", "Kill the Poor", "California �ber Alles"