Ne vous êtes-vous jamais retrouvé seul, par une nuit où le
ciel dégagé laissait entrevoir d’innombrables étoiles, à contempler ce plafond
d’immensité stellaire, cette toile tissée d’infini qui vous dépasse et vous
domine ? N’avez-vous jamais songé à la froideur de l’espace, à cet océan
de vide, à la fois fascinant et terrifiant par son absence de vie ? C’est
ce que se propose de nous dépeindre Darkspace, ambitieuse et obscure formation
suisse de Black Ambiant, entièrement dédiée à nous offrir un voyage jusqu’aux
recoins les plus énigmatiques de l’univers. Si vous étiez à la recherche de
true Black Metal, passez immédiatement votre chemin, car Darkspace s’affranchit
totalement de ses codes et de ses règles : les guitares sont certes
glaciales et envahissantes, mais l’ambiance n’est franchement pas celle des
montagnes norvégiennes. En effet le brouillard sonore dans lequel nous nous
engouffrons dès « Dark 1.1 » a une texture synthétique, et la saturation poussée à l’extrême ainsi que
la boite à rythmes n’y sont pas étrangers.
Vous l’aurez compris, l’avant-gardisme est à l’honneur.
Le voyage qui nous est offert est une oscillation entre
croisières dans l’immensité et turbulences spatiales. Darkspace a généralement
tendance à nous noyer dans ses nuées soniques, les riffs s’enchaînent, se
répètent, se complètent, une présence
quasi-continuelle succédant ou précédant parfois des passages d’ambiant plus
classiques (final de « Dark 1.3 »). Par ailleurs, l’impression de
tempête auditive causée par la saturation est altérée par les nombreux
arrangements au clavier, qui donnent une couleur supplémentaire au son, une
dimension plus épique, et parfois plus dramatique : la très jouissive
intro de « Dark 1.2 » ou les (terribles) dernières minutes de
« Dark 1.6 » étant les exemples les plus frappants. Enfin, la
rythmique est plutôt variée, il faudra néanmoins tendre l’oreille pour en
apprécier toute la diversité. Certains passages sont en effet plein
d’originalité, et tranchent totalement avec le Black Metal (l’utilisation de
kicks de Techno dans « Dark 1.4 » et « Dark 1.5 ») ;
pour autant les blasts-beats restent majoritaires (parfois exécutés à une
vitesse inhumaine, le choix de l’électronique : une solution de
facilité ?)
Mais le groupe maîtrise son art et ne s’enferme pas dans la
monotonie, l’usage par exemple de samples de « 2001 L’Odyssée de
L’Espace » de Kubrick (« Dark 1.2 ») pourront rappeler aux
cinéphiles ce chef-d’œuvre, et leur permettront de mieux cerner l’imaginaire de
la formation. Car ne comptez en aucune manière sur la voix pour comprendre même
quelques bribes de paroles ; les cris inhumains se succèdent, à peines
audibles, ultimes râles de désespoir hurlés dans un désert sans oxygène.
Démarche artistique du groupe destinée à renforcer le mystère qui les entoure
déjà, ou à amener l’auditeur à imaginer son propre périple
intergalactique ? Sans doute un peu de chaque… Darkspace nous livre donc
au travers de ce premier album un large aperçu de ses compétences et objectifs
musicaux, une œuvre complexe et unique, qui demandera certainement un temps
d’adaptation avant d’être appréciée à sa juste valeur. Passée cette étape, le
groupe laissera alors son auditeur dans un état de solitude contemplative, rêve
ou cauchemar éveillé, l’éloignant progressivement de la réalité et des hommes,
pour l’emporter vers des astres lointains.
A écouter : Dark 1.2, Dark 1.5