Ils sont ceux qui sont parvenus à trouver la robe musicale pouvant rendre grâce au "Bateau Ivre" de Rimbaud. Ceux qui ont érigé le cri "L’important, c’est pas la victoire, mais le combat" au rang de maxime situationniste. Ceux qui sont devenus avec le temps les gardiens du temple french way of emo tout en s’affranchissant constamment de cette étiquette. Ils sont ce qu’ils sont. Ils sont Daïtro.
Changer sans se trahir, évoluer sans se perdre : la marque des grands. Y en est l’illustration auguste. Le bouleversement (dans la continuité) s’est probablement opéré au contact de Sed Non Satiata et de 12XU. Il s’est fait en se glissant dans l’habit de la métamorphose, dans celui d’un screamo avant-gardiste, qui délaisse les poncifs d’hier pour offrir les codes de demain. Le chant va surprendre (ajout d'une voix claire), l’hétérogénéité des compositions aussi. Qu’importe. Y est un décalogue brûlant, qui,à la manière des films de La Nouvelle Vague, joue avec les autoréférences (la phrase "de l’eau coule sous les ponts" dans "Y9", pistes qui font se croiser les différentes périodes stylistiques de Daïtro), crache une révolte toujours aussi percutante et un brin nihilisto-désabusée ("Dans le fond, je n’y crois pas. Et c’est tant mieux", "Y1b") et impose à nouveau un esthétisme musical unique entre screamo, emo-hardcore, post whatever et punk. Daïtro explose et recompose. Entre ombre et lumière. Entre assaut et contemplation. Par et pour une nouvelle architecture. Le phrasé unique de Aurélien et ses spoken-words poétiques résonnent au milieu d’arpèges Suis La luniens ("Où se trouve alors son bon côté, En sachant que nous même, faisons preuve de sarcasme et d’égocentrisme, nous ne pouvons nous sentir parfois nulle part à notre place", "Y1a"), les plans catchy/punk font rage, les moments de bravoure s’abattent, la basse ensevelit ("Y9"). Génération Y.
Evoquant une nouvelle fois la Rumeur et son militantisme (après avoir repris la lyric "On a les poches vides mais les reins solides" dans "La substance et la matière", le quintet fait à nouveau honneur au groupe hip-hop en criant à son tour: "la meilleure des polices ne porte pas l’uniforme"), Daitro écrase les ciels de craie, fuit internet et ses polémiques pour ne se concentrer que sur son art. Celui qu’il parvient à porter comme nul autre en France. Et avec pareil talent d’écriture et de composition, Daitro offre une nouvelle perspective au screamo : il lui donne la responsabilité de l’action.
"Nous partons d’un point d’extrême isolement, d’extrême impuissance. Tout est à bâtir d’un processus insurrectionnel. Rien ne paraît moins probable qu’une insurrection, mais rien n’est plus nécessaire" (L’insurrection qui vient, Comité Invisible).
A écouter : 1
Un album qui prend aux tripes. Un must have dans le genre, Daïtro a rendu son screamo accessible... d'ailleurs est-ce toujours du screamo ? Disons plutôt que Daïtro s'est, au fil de leur carrière, forgé leur propre style. Ce "Y" en est tout simplement leur apogée.
Bon c'est pas tout mais espérons qu'un repressage vinyl se fasse !