Biographie

Dahlia Seed

Groupe formé en 1992, Dahlia Seed ne connaîtra qu'une existence brève et relativement mouvementée. Construit autour du noyau dur Tracy Wilson (chant), Chris Skelly (guitare lead) Brian Getkin (basse) et Darin Galgano (batterie), le quintet emploiera pas moins de trois seconds guitaristes en cinq ans. Très actif malgré tout la formation ne lèvera jamais le pied et c'est avec pas moins de six 7" et deux LPs et deux tournées nord-américaines pour bagage que Dahlia Seed met la clef sous la porte un soir d’août 1996 non sans avoir secoué la petite planète Emo Hardcore.

Tracy Wilson a depuis été aperçue en solo (Ringfinger) à la tête de Little Black Cloud Records depuis 2008 et, depuis 2011, au sein de Positive No.

Chronique

Valentine Kid's Litter ( 1994 )

Dahlia Seed c'est l'histoire d'un groupe des années 90 comme mille autres. La trajectoire magique et foireuse d'un groupe de post-ados du New Jersey avec des gueules de rien bien de leur époque, engagés dans une aventure musicale incertaine aux airs de courant d'air. Un de ces pétards mouillés que l'on s'épuise à essayer d'allumer, pleins de nonchalance et débordants d'enthousiasme, motivés par la certitude que l'on vaincra là où d'autres ont échoué alors que l'on porte des moufles détrempées.

Doucement mais avec une envie non feinte et l'énergie des premiers instants, Dahlia Seed met deux ans à prendre pleinement forme: une démo, une jeune guitariste que l'on colle au micro avant de lui arracher son instrument des mains, un 10", puis un split, suivi de trois autres, retour à un guitariste, puis à deux. Ca y est, la machine était lancée. Pas de quoi sortir triomphant des méandres de l'underground des mid-nineties, non, mais déjà bien assez pour laisser à ceux qui n'en étaient pas de beaux regrets à l'écoute de ce qui suit: Valentine Kid's Litter.
La demoiselle évoquée un peu plus haut répond au doux nom de Tracy Wilson et derrière ces cheveux bruns et un mal-être post-adolescent enveloppé de vêtements trop grands se planque une machine de guerre à la gueule d'ange. Vocaliste brute mais passionnée, touchante, prompte en revirements rageurs, peu effrayée par les lignes de chant à priori hors de sa porté, elle devient par la force des choses la première ambassadrice de ce groupe qui avoine subitement coup sur coup deux disques en autant d'années. Gueulard, sensible et magnifique mêlant puissance Hardcore, sensibilité Indie perlée, hargne Grunge noire et fébrilité Emo 90's Valentine Kid's Litter est une véritable libération. A l'os, simples, directes et évidentes les compositions du quintet à géométrie variable sonnent aujourd'hui encore comme bande son de toute une époque et bien que Valentine Kid's Litter ne soit en réalité plus une compilation de singles et de démos qu'un véritable album, la cohérence de cette foutue première sortie d'importance frappe.

De "Milk", hymne Emo-punk qui le premier attirera vraiment l'attention sur le groupe, aux plus intimistes "Gomez 88" et "Teas" ou en passant par le tendu "Lucky homes", Dahlia Seed fait montre de qualités mélodiques véritables, appuyant sa musique à l'approche ultra directe sur une grosse recherche de variations et un talent naturel pour enfanter des plans emplis d'urgence aussi vibrants que simples ("Paint by numbers", "Cry chords", "About"). Les plus difficiles. Ne gachant rien - bien au contraire - à force d'osciller sans cesse entre espièglerie pop, hargne Riot Grrrl et fragilité introspective Tracy Wilson habille la musique de Dahlia Seed de son timbre à atypique, fragile et puissant, immédiatement identifiable dans ces déclamations où elle se met à nu comme peu. Les placements tout comme, plus globalement, la production sont certes parfois hasardeux mais la volonté, la passion et l'inventivité mises au service de leurs compos par les  cinq jeunes américains font vite passer ces considérations au second plan. L'essence de Valentine Kid's Litter est ailleurs: en 1994 Dahlia Seed est un groupe foutrement vivant, habité par cette rage universelle de jouer et de dire qui les place déjà probablement au delà de ce qu'ils espéraient réaliser. Plus forts, plus rudes, plus subtils et plus brisés et fauchés que nombre de formations plus reconnues, les membres de Dahlia Seed ont pour eux cette alchimie unique atteinte par un groupe sur des milliers. Un de ces accidents heureux que chaque écoute rend plus frustrant tant tout laisse à penser qu'avec un ultime coup de pouce du destin Dahlia Seed serait passé ne serait-ce qu'un instant dans la cour des grands. Le groupe, en progression permanente, arrêtera finalement les frais dans l'année qui suivit la sortie de Survived By - ironie du titre - et de trois derniers 7" (dont une très bonne et improbable reprise de Voivod que l'ont retrouve sur le pendant posthume de Valentine Kid's Litter, l'excellent Please Excuse All the Blood) qui laissent à penser que Tracy et ses acolytes étaient loin, très loin d'avoir tout dit. 1992-1996 : fin de parcours en queue de poisson et espoirs déçus pour cette formation qui aura croisé durant son court voyage la route de Hot Water Music, Texas is the ReasonJuliaBrainiac, ou encore Mind Over Matter.

Dahlia Seed c'est l'histoire d'un groupe des années 90 comme mille autres. En ces temps de grand retour (amplement mérité) de la décennie qui aura vu toute une génération de musiciens repousser les limites de la rencontre entre Rock vociférant, bruit au premier degré, envolées mélodiques, introspection et accessibilité, s'il est des groupes qui méritent que les projecteurs se posent enfin de nouveau sur eux, Dahlia Seed doit en faire partie. Absolument.