Pendant que tout le monde se touche sur le dernier et bien trop attendu album de Tool, dans le petit monde des musiques dites "Post", l’un de ses plus fervents fer de lance, est également sur le retour, six ans après son dernier "vrai" album, Vertikal et trois ans après la collaboration avec Julie Christmas, Mariner. On n’est pas vraiment sur le même genre musical, mais les deux albums ont le point commun d’avoir été tous les deux très attendus par les fans (pas à la même échelle bien sûr) et le retour des suédois avec ce A Dawn To Fear, vient confirmer une discographie sans faille et d’une grande qualité.
De prime abord, Cult Of Luna revient avec un album dense. 80 minutes, huit titres, si tu n’es pas trop nul.le en math, tu auras compris que ça donne des titres plutôt étirés en longueur. Mais une seule écoute suffira à se rassurer, A Dawn To Fear s’écoute du début à la fin sans mal et se montre assez accessible dans sa construction et dans son approche. Pas facile pourtant de succéder au fabuleux Mariner, ou de poursuivre ou non l’évolution électronique et expérimentale de Vertikal. A Dawn To Fear balaie ces interrogation de la main et décide d’un ton frondeur : cet album sera celui où Cult Of Luna fait ce qu’il sait faire de mieux. On peut donc le voir comme une sorte de retour aux sources, une musique assez proche d’un Somewhere Along The Highway / Eternal Kingdom, mais pas aussi Post-Rock qu’un Salvation par exemple. Il est assez logique d’être septiques là-dessus, surtout que Cult Of Luna est un groupe relativement évolutif dans sa discographie. Mais considérer uniquement cela comme un retour aux sources serait faire l’impasse sur l’incroyable richesse de cet album, et surtout le talent d’écriture de chacune de ses huit pistes. Et puis ça serait aussi faire l’impasse de toute l’évolution de carrière de Cult Of Luna. En effet, si A Dawn To Fear, sonne ainsi, de manière aussi dense et sombre, c’est bien que le groupe a appris, s’est perfectionné avec le temps et se nourrit de son expérience pour livrer un disque incroyable et n’ayons pas peur des mots, peut-être l’un des tous meilleurs de sa discographie, pourtant loin d’être faiblarde.
Encore une fois, la production (de Magnus Lindberg, a-t-on besoin de le préciser) est dantesque. A Dawn To Fear est sans doute l’album qui sonne le plus massif de leur discographie et met étonnamment extrêmement bien en valeur les éléments atmosphériques et les passages Post-Rock. De l’art de savoir parfaitement doser les choses. Mais en réalité, tout ce qui vient d’être dit confère du détail. Car l’important est ailleurs. Le truc qui fait de ce A Dawn To Fear si marquant, si excellent, c’est bien la capacité des suédois à écrire des morceaux qui te font frissonner, qui ont la rage, la vraie, celle épidermique. Ce truc aussi qui sait atteindre ce petit truc tout mou sous notre poitrine, indispensable à la vie. Il semble presque gênant de rentrer dans l’intimité de A Dawn To Fear, tant il regorge de subtilités et de moments forts qu’on aurait un peu l’impression de spoiler. Mais tant pis, l’ouverture sur The Silent Man, te met à terre avec ses riffs percutants et ses mélodies aigres. En parlant de mélodies et d’arpèges la ligne de guitare du titre éponyme en milieu de morceau hantera tes nuits et ce n’est pas le morceau suivant Nightwalkers, sur son thème obsédant (rappelant étrangement une mélodie sur le dernier album de Russian Circles : Milano) qui t’aidera à aller mieux. We Feel The End est un titre très vaporeux qui rappelle une sorte de Back To Chapel Town sur Somewhere Along The Highway. Et puis il y a cette fin, renversante, The Fall. Un condensé du savoir de Cult Of Luna, ces mélopées étranges, ce truc tordu, la progression vers autre chose. Ces méandres, mais cette chose visqueuse qui te colle à la peau et puis le basculement. Ce "we fall" hurlé, lourd de sens, ce couperet. Cult Of Luna tient là l’une des pièces maîtresse de sa carrière. Ce n'est qu'un aperçu, car il faut vivre cet album, le découvrir soi même et il serait dommage d'en appréhender les recoins puisqu'il n'en tient qu'à toi d'en faire la découverte.
A Dawn To Fear n’est peut-être pas un album surprenant en soit, quand on connait le groupe, leur parcours, et leur habilité à pouvoir nous étonner car ils sont là ou on ne les attendait pas forcément. Et quelque part, oui, Cult Of Luna, n’est pas parti dans l’évolution logique qu’aurait pu être une suite à Vertikal. Mais ils sont surprenants dans leur manière d’écrire leur musique, de nous faire vibrer. Il n’y a pas une minute à jeter dans ce disque. Tout est cohérent, tout se suit, est parfaitement construit. On tient là un grand album, c’est indéniable, de ceux qu’on peut écouter et réécouter sans jamais se lasser, en découvrant de nouvelles choses à chaque fois, en frémissant comme au premier jour. Cult Of Luna c’est ce colosse du Post Metal à la force tranquille. Il est là, sûr de lui, indétrônable, toujours aussi impressionnant et c’est pour cela qu’on succombe à leur musique.
A écouter : 1
Peut-être l'album le plus riche et le plus abouti de cette crépusculaire et néanmoins monumentale discographie.