Converge c’est un peu comme un reptile légendaire, la créature mue à chaque sortie, renouvelle son épiderme sans modifier son cœur, son ADN. Difficile d’estimer l’espérance de vie de cette...chose, elle peut aussi bien subsister ad vitam æternam, mourir d’ennui ou mettre fin à ses jours d’un instant à l’autre, veillant au préalable au bon état de santé de ses rejetons. Des mômes qui ont parfois du mal à tenir la cadence parentale ou à affirmer leurs personnalités. En effet, lorsqu’on réceptionne The Dusk In Us dans les oreilles, on ne peut que s’incliner face à cette déferlante technique, enrichie, alimentée depuis les premiers changements de peau. Un aspect néanmoins sans intérêt s’il n’est pas intelligemment contrebalancé par l’animalité, le primal, l’instinct, précisément ce que s’échine à faire le quartet depuis la fin du XXème siècle de manière globalement impeccable.
Cette nouvelle mue ne fait pas exception en proposant d’explorer quelques zones industrielles infectées de rouille, vestiges modernes de nos sociétés inconscientes. Le bruit et la tension deviennent les maîtres-mots d’une entreprise émotionnelle rondement menée. Alors qu’on pensera éventuellement à Unsane sur le saignant Under Duress, la partition de guitare de Trigger aurait parfaitement pu être écrite par Duane Denison (The Jesus Lizard, Tomahawk), ou l’effarante vélocité possédée de Cannibals pourra évoquer un certain Concubine. The Dusk In Us est aussi le moyen d’apprécier (enfin?) un chant clair assuré, capable même de dresser quelques poils sur le morceau-titre, touchant le Post-Rock du doigt, ce qui sera moins naturel avec Thousands of Miles Between Us (nom emprunté au DVD sorti en 2015), pourtant une déclaration d’amour aux « kids » et admirateurs du groupe de longue date. C’est d’ailleurs avec étonnement qu’on ne retrouve pas le très fameux Eve, l’un des singles d’annonce de l’album, qui aurait largement pu y figurer en bonne place.
Un écart qui semble plutôt anecdotique au regard du résultat, la créature responsable exposant quinze années de furie, de larsens et de sensibilité Hardcore, modelées, ciselées par une technicité exponentielle, entrecoupée d’instances joliment dépressives. Rien n’empêche de placer The Dusk In Us sur une ligne temporelle entre When Forever Comes Crashing (le pernicieux et grisant Murk&Marrow en tête), You Fail Me (l’ouverture désincarnée A Single Tear, I Can Tell You About Pain) et No Heroes (Eye of the Quarrel ou le Thrash sous-jacent de Broken By Light), mais ce serait occulter la faculté assez inédite de Converge à se réinventer en permanence sans dénaturer sa chair, éparpillée sur toute la discographie. Des fessées astrales telles que Arkhipov Calm ou Wildlife en témoignent à l’aise. Une sincérité à l’épreuve du temps et des modes, imprimée sur chaque note, chaque mélodie, chaque vibration, exprimées par une addition d’esprits libres accordés au diapason. La production étant idéale – une routine pour Ballou – légèrement plus aérée que sur AWLWLB, elle fait ressortir ce grain Noise et mélancolique qui fait tout le sel de The Dusk In Us.
Insaisissable, Converge se faufile toujours vigoureusement entre les mailles d’un certain conformisme, au risque de décontenancer quelques puristes. Mais bien qu’aventureux, ce neuvième album redéfinit les contours d’un noyau dur imperturbable, gorgé d’émotions, qu’elles soient rageuses, nauséeuses, voire même lumineuses ou curatives. The Dusk In Us n’est probablement pas la mue la plus complète ou aboutie, elle constitue malgré tout l’une des œuvres du genre à s’envoyer sans compter en 2017 et au-delà.
A écouter : 1
The Bandcamp In Us.
La voix gâche absolument tout. La musique est vraiment pas mal mais ce chanteur, putain mais qu'il se taise. Quelle voix horriblement chiante et... chiante