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Biographie
Conjurer se forme en 2014 à Rugby, en Angleterre autour de Dan Nightingale (Guitare / Chant), Brady Deeprose (Guitare / Chant), Jan Krause (Batterie) et Andy Price (Basse). Leur premier ep, I, sort en 2016 chez Holy Roar Records, mais Andy quitte le groupe peu après et est remplacé par Conor Marshall à la basse. L'ep est suivi, deux ans plus tard par l'album Mire qui marque les esprits par son mélange hybride de Sludge, de Hardcore, de Death Metal et de Post Metal. La même année, le festival Arctangent leur propose une collaboration avec leur compatriotes Pijn qui se concrétise par l'enregistrement de l'album collaboratif Curse These Metal Hands en 2019. En 2022, c'est cette fois avec Nuclear Blast Records que Conjurer sort enfin son second album intitulé Páthos et tourne avec Celeste dans le courant de l'année. Jan Krause quitte la formation en 2022 et est remplacé par Noah See (Batterie).
S’il fallait trouver un mérite aux mesures sanitaires qui ont marqué les deux précédentes années, c’est bien d’avoir permis à certains artistes de se poser et de prendre le temps de faire ce qu’ils n’auraient pas eu l’occasion de faire autrement. C’est le cas pour les membres de Conjurer qui, surpris par le succès de Mire, se sont retrouvés en tournée quasi-permanente entre 2018 et 2020. Après des années de galère dans diverses formations sans avenir et bien contents d’avoir pu enregistrer un premier disque, le groupe pensait ne faire que quelques concerts avant de tranquillement retrouver le chemin des studios.
Quatre années séparent Páthos de son excellent prédécesseur, ce qui s’entend dès la première écoute. Comme l’expliquaient récemment les musiciens, l’enregistrement de ce second album fut un moment très particulier pour eux. Là où Mire était la compilation de ce qu’ils avaient de mieux en stock depuis la création du groupe, pour la première fois, ils se sont retrouvés réunis dans le seul but de composer les meilleures pistes possibles en partant d’une page blanche mais en étant armés de l’expérience acquise.
En ressort un ensemble plus cohérent sans pour autant qu’il ne verse dans l’uniformité, que ce soit à l’échelle du morceau ou à celle du disque. L’hybridation est en effet toujours à l’ordre du jour pour former une sorte de Post/Sludge construit sur une base assez lourde, incarnée par le growl guttural de Dan Nightingale et enrichie par les hurlements plus aigus de Brady Deepros. L’alternance et la combinaison de ces deux chants ainsi que la présence ponctuelle de chant clair, de voix féminine et de chuchotements (All You Will Remember, Cracks In The Pyre) apportent une grande richesse à l’ensemble. A l’exception de Suffer Alone, brûlot absolument frontal de 2mn30 (alors que la moyenne se situe davantage vers les sept minutes), les compositions refusent toute forme de linéarité, aidés en cela par une section rythmique, investigatrice des multiples césures qui émaillent Páthos. Pour autant, chaque titre possède une identité propre avec, souvent, un fil conducteur d’intention, d’émotion ou de rythme. Rot, par exemple explore une vision plus chaotique avec sa rythmique hachée et ses riffs formants des "mini-vortex" tandis que In The Wake suscite plutôt l’apaisement.
Derrière des atours Heavy, au travers d’un subtile décalage entre le chant et les instruments, Páthos révèle une nature profondément mélodique. Une écoute concentrée sur les lignes de guitare dévoile une dimension qui ne saute pas aux yeux lors de la découverte de l’album, qui dessine plus les contours d’un disque moins dynamique que son prédécesseur et comme englué dans une morosité pesante. Il faut dire que les textes ne sont pas des plus joyeux. Evitant les clichés eschatologiques ou guerriers, ils abordent des points de vue très personnels pour évoquer la santé mentale, le deuil ou encore les relations familiales.
Pour des raisons assez incompréhensibles, Conjurer souffre d’un indéniable défaut de notoriété dans l’hexagone. Aidé en cela par l’excellente production de Will Putney, les anglais passent brillamment le cap du second album. Espérons que Páthos et la tournée qui s’annonce puissent leur faire quitter leur relatif anonymat.
Il y a quelques mois, dans la chronique de Waste Of Space Orchestra, on soulignait l’extrême rareté de collaborations voyant deux groupes fusionner pour former une nouvelle entité, qualifiant même l’exercice de "quasi-inédit". Le destin faisant bien les choses, à peine deux mois après voyait le jour, Curse These Metal Hands, exercice en tout point similaire à celui rassemblant Oranssi Pazuzu et Dark Buddha Rising. Même l’origine des deux "super-groupes" est parfaitement identique : dans les deux cas, ceux-ci ont été commissionnés par des festival de musique (le Roadburn pour Waste Of Space Orchestra et l'Arctangent ici). C’est simple, la seule différence est qu’ici aucun nom n’a été donné à la fusion, les deux formations impliquées se contentant d’accoler leurs patronymes : Pijn et Conjurer. Le second groupe est celui des deux qui vous parlera sûrement le plus tant leur dernier album, Mire, virulent mélange de Hardcore, de Sludge / Doom et de Post-Metal, était un incontournable de 2018. Cependant, si vous êtes amateur de Postcore à la Pelican, Isis ou Russian Circles, on ne saurait que trop vous conseiller de vous pencher sur Loss, la dernière production des mancuniens Pijn.
Sur le papier Pijn / Conjurer voit donc l’association, le temps de quatre titres, de deux formations britanniques assez en vue. Le résultat n’est pourtant pas tout à fait à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer de la rencontre de deux groupes aux univers sonores si différents. Hight Spirits, le morceau introductif concentre une bonne partie de griefs portés à l’encontre de ce Curse These Metal Hands. Là où on était en droit de s’attendre à une lente montée en puissance aboutissant à un déferlement chaotique de violence, on est accueilli par des guitares très mielleuses à la Baroness et à une relative absence de progression. La suite, notamment The Pall, relève le niveau avec des constructions plus riches mais, bien que chaque titre soit extrêmement bien réalisé, à aucun moment on n’entend quelque chose d’inédit ou qui surprenne un tant soit peu. Et c’est bien là le problème : il est quand même dommage que le résultat de l’association de deux formations aussi talentueuses aboutisse à un exercice de style aussi académique, surtout lorsque le potentiel est là, affleurant.
Un second pressing, des concerts dans des festivals prestigieux en 2020 (Roadburn, Arctangent…) : il semble que Curse These Metal Hands ait rencontré son public. Vous l'aurez compris, vu le potentiel de cette collaboration, cette chronique n'est pas tout à fait en phase avec cet engouement. Mais que chacun se fasse donc une idée par lui-même !
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