Refuser l’économie d’énergie, refuser l’attente de la prochaine seconde ; tout donner dans l’instant, tout brûler, jusqu’à sa propre ossature. Au milieu des drames, Comadre ou l’allégorie du choix : maintenant ou jamais.
L’apocalypse en partition. Le cri d’un fou échappé d’un asile. Comme une maladie sans remède qu’on chercherait à expulser par le larynx, en hurlant à la mort. Le screamo de Comadre n’est pas de ceux qui dégoulinent et geignent. Burn Your Bones est une nuée bruyante qui s’abat comme un essaim d’abeilles. Bourdonnant, agité, dense. 3 pilules en entrée, comme 3 speed dating. Le temps aura sa limite, la vitesse non. Morceaux cours, violents, au présent incertain, à la structure furieuse. La formation californienne ne canalise rien et balance des grands coups de burins dans les murs sonores. Les cris pleuvent, comme des râles emplis de rage et de douleur. Dirty. Comadre foudroie, les amplis grondent. Dans le sillage d’Endzweck dont on retrouve par moments des similitudes de style, les américains déploient une musicalité ardente, luttent contre le possible, renversent les courants et ouvrent des plaies sans les suturer.
Si la violence des moments les plus épiques pourra évoquer à certains Inkwell ou Pg 99, l’étude plus approfondie révèlera chez Burn Your Bones une nature bien atypique. Dans la continuité de ce qu’on avait pu entrapercevoir dans The Youth, Comadre, en plus de son jeu syncopé, possède ce soupçon de créativité (crépitement de vinyle en intro, utilisation des larsens, variance de chant…) qui permet de s’extirper de la masse et d’imposer sa griffe, en mêlant sans complexe des effluves punk ("Make Me Believe", "The Hole In The Ship S.O.S"), hardcore (fin de "Give Me Hell") ou rock. Déjantés, audacieux, le quintet ose des ajouts de passages cinématographiques, place des breaks r’n’roll (sous des faux airs de Houston Swing Engine), swingue au milieu d’une cohorte de voix féminines dans "Breakfast Of Champions", rend hommages aux Beatles avec un tempo en claquement de mains pour "Backland Dirt" ou se paye un épilogue en chœurs, a capela (c’est LA marque de fabrique de Comadre, qui prend toute son ampleur sur scène), sur "Hit Me Up On My Celly Cell".
Œuvre bourrée de caractère, rageuse, sauvage et insolente, Burn Your Bones couronne les efforts d’un groupe qui, loin des feux de la rampe, est en train d’inscrire progressivement son nom au patrimoine du genre, en lettres incandescentes.
A écouter : "Breakfast Of Champion", "Backland Dirt"