Et si on commençait par dire que le Black Metal c’est chiant et inintéressant ? Ouais allez, on ose! Après tout c’est une question de point de vue, et les gouts et les couleurs… on connaît la suite. En effet, tout est une question de sensibilité personnelle sauf que, Ô surprise, il reste assez inexact voire complètement faux de dire que le Black Metal est un genre totalement chiant ou, plus encore, totalement inintéressant. Parce que même si les sonorités et le folklore vous foutent des boutons, c’est pourtant là que les choses se passent actuellement niveau Metal extrême. Les revivals Thrash et Death Metal old school, bien que plaisants, peinent parfois à faire aussi bien que les anciens, le courant Postmachin s’asphyxie pour cause de surpopulation, le Deathcore riffe trop souvent dans le vide (les mèches dans les yeux?) etc... qui reste-t-il sur le bateau ? Ce bon vieux Black Metal, ou tout du moins certains de ses représentants.
Enfin le « vieux » est probablement de trop ici car Cobalt, bien que présent depuis près de dix ans, regarde bien plus vers l’horizon que pardessus son épaule, laissant le soin aux schizophrènes de Blut Aus Nord ou à Evilfeast de revisiter avec succès le versant plus nordique du genre. Quoique…
Gin est un album que l’on pourrait qualifier « Post Black Metal » parce qu’il va chercher sa source bien au-delà de la sphère Black, stylistiquement et historiquement parlant. Pour situer grossièrement les choses, le Cobalt nouveau est de la trempe d’un Nachtmystium ou d’un Krallice. Cobalt voit plus loin que ses pieds et a décidé de bouger à pas de géant vers l’après Black Metal, vers quelque chose de plus hybride et moderne, nourri d’influences extérieures - et c’est peut être sur ce second point que le groupe va le plus se démarquer.
A première vue, on pourrait grossièrement caser Gin dans la famille du Black metal thrashisé, la faute à ces riffs acérés qui ne sont pas sans rappeler par moments les Israéliens de Melechesh, dépouillés de leurs ambiances orientalisantes. Un gage de qualité, assurément, sauf que ce disque est bien plus qu’un bon album de Black moderne, il renoue avec les origines du rock. De l’intro folk de Gin jusqu’à sa clôture sur un blues d’esclaves noirs, réglé par le son des pioches, cette sortie se démarque allègrement des canons du genre par son coté très « chaleureux » sans tomber dans le désormais presque classique revival 70’s. Les premières écoutes peuvent d’ailleurs être déconcertantes (et les suivantes aussi) tant Gin se veut ambitieux et aux antipodes de que nous propose habituellement le Black Metal. Nous avons ici à faire à un album souvent accrocheur mais très dense tout au long de l’heure qu’il dure. Progressif à souhait, seules les écoutes répétées permettent d’en saisir petit à petit l’essence à force de se laisser imprégner par son ambiance shamanique hors norme. On s’attendrait presque à voir ressurgir le monstre Through Silver In Blood au détour de certains titres tels que The old man who lied his entire life ou Dry Body. Ici, rythmiques tribales côtoient, monstrueuses poussées d’adrénaline enfiévrées, décadence et respirations envoutantes au cœur de compositions au bord de la brèche, où la tension règne constamment (A starved horror, Pregnant insect…). Chaque titre a sa dynamique propre au service d’un tout. Gin est un énorme puzzle musical aux niveaux d’écoute innombrables. Chacun peut y trouver son compte à condition de s’armer d’un peu d’attention et de patience car cette sortie ne se livrera pas à quiconque la néglige.
Cobalt délivre ici un futur classique en puissance en s’en allant creuser son sillon à la marge du genre. Si vous aviez adoré l'album précédent, Gin, plus riche et catchy, l’a probablement déjà surpassé. Les américains méritent définitivement une plus grande attention, qu’on se le dise.
A écouter : pos� en tailleur sur un tapis?