Clutch se fout (assurément) d’être à la mode. Clutch se fout (très certainement) des critiques. Clutch se fout (peut-être) de se réinventer à tout prix. Mais Clutch ne se fout pas de nous. Le Rock, celui qui ne fait pas de différence dans ses influences entre le Blues, le Funk ou le Stoner tant que la sincérité est là, est le carburant du quatuor du Maryland depuis près de trois décennies. Lancer un album des Américains a toujours été l’assurance de recevoir une dose d’énergie revigorante. Une façon, non pas de laisser ses problèmes derrière soi, mais de rouler dessus au volant d’un pick-up poussiéreux.
Trois ans après un Psychic Warfare particulièrement inspiré, l’arrivée de Book Of Bad Decisions a certainement créé chez les fans du groupe un sentiment à mi-chemin entre l’excitation et une certaine sérénité. Clutch fait en effet partie de ces quelques groupes pour lesquels le doute n’a pas sa place, tant les livraisons du combo, qui sont faite à intervalles réguliers, sont l’assurance d’une qualité minimale qu’envient certainement nombre de leurs collègues.
Du riff de qualité, une rythmique aussi groovy qu’implacable, une sincérité qui transforme leurs morceaux en hymnes au lâcher-prise… Clutch est encore une fois au rendez-vous. Entre Blues Rock possédé (Gimme The Keys, Book Of Bad Decisions, Hot Bottom Feeder) et Stoner déchaîné (Weird Times, Ghoul Wrangler, How To Shake Hands), la distribution des mandales est permanente. Le quatuor a en outre la bonne idée d’avoir augmenté la dose à près d’une heure et ne donne pas le moindre signe d’essoufflement. Quiconque a déjà vu Clutch sur scène sait à quel point les tubes peuvent s’y enchaîner sans temps mort. Une expérience que l’on retrouve sur Book Of Bad Decisions, dont la tracklist est particulièrement jouissives, entrecoupant les titres incisifs cités plus haut de vibrations Funk (In Walks Barbarella, Sonic Counselor).
S’il fallait désigner un « groupe de l’Amérique », Clutch serait un très sérieux candidat. Synthétisant des styles profondément ancrés aux racines de ce pays démesuré, évoquant certaines de ses figures les plus marquantes, de Jimi Hendrix à Emily Dickinson, le groupe fait plus que rendre hommage à la culture des Etats-Unis. Il incarne en effet ce que l’actuel locataire de la Maison Blanche tente d’imposer, c’est-à-dire la fierté d’être américain, et d’aimer certaines choses simples sans avoir à s’en excuser (Good Fire). La grosse différence entre Clutch et son président est que le groupe semble vouloir inclure le plus grand nombre de gens dans sa démarche, sans aucune distinction. Une divergence de taille qui transforme paradoxalement une formation taillée pour les « rednecks » en ambassadrice internationale d’une certaine façon de faire du Rock et de le partager sincèrement, pour le seul plaisir de la musique.
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