Le temps ne fait rien à l’affaire…quand on est rock, on est rock. D’accord, vaguement paraphraser Georges Brassens est une façon un peu ringarde de démarrer la chronique de ce nouveau Clutch, mais c’est sans doute le moyen le plus juste de décrire la carrière des quatre vétérans du Maryland. Après un Earth Rocker ayant mis tout le monde d’accord en 2013, Neil Fallon et ses compères étaient attendus de pied ferme sur le terrain, déjà largement arpenté par leurs soins, de l’hymne rock/blues/stoner à reprendre en hurlant, une bière dans chaque main.
Dès X-Ray Visions, le groupe montre qu’il a encore de la réserve et les premiers symptômes d’une crise aigüe de headbanging se font sentir chez l’auditeur. Les quatre hommes se connaissent tellement bien après 25 ans de collaboration qu’ils ne s’embarrassent plus, depuis longtemps, de fioritures et continuent à avancer de la manière la plus naturelle qui soit. Les rythmiques sont implacables, les soli de Tim Sult discrets mais efficaces et Fallon chante avec toujours autant d'énergie et de conviction.
Comme d’habitude avec Clutch, l’impression première d’une forte ressemblance entre les morceaux s’efface au bout de quelques écoutes pour laisser place à un road-trip effréné mêlant lignes droites pied au plancher (Firebirds, l’ultra-efficace Sucker for the Witch), scènes du quotidien dans une Amérique sudiste fidèle à sa réputation (A Quick Death in Texas) et récits de temps immémoriaux où ces grands espaces n’étaient occupés que par des créatures mythiques (Behold The Colossus).
En plein désert, lorsqu’il faut bien s’arrêter faire le plein au milieu de nulle part, il n’y a d’autre issue que de pousser les portes du Doom Saloon, où se produit Our Lady of Electric Light, sirène moderne attirant inexorablement à elle les âmes vagabondes en quête d’une vérité qui leur échappe (« she enters the bar room and lifts her veil, with a voice like running water she tells them her tale »).
Le blues, qu’il soit mâtiné de funk (le groovy Your Love is Incarceration) ou de hardcore (Noble Savage), transpire de l’intégralité des morceaux, comme chez tous ces groupes sudistes (Lynyrd Skynyrd, The Allman Brothers, ZZ Top…) dont l’influence se fait nettement entendre sur les derniers albums de Clutch. Le très beau Son of Virginia (en fait une version retravaillée d’Abraham Lincoln, présent sur Strange Cousins from the West) joue d’ailleurs la carte d’un power-blues aux accents mystiques (« I was thrown to the ground as my world broke asunder, truly we are living in an Age of Wonder ») qui nous plonge dans l’angoisse d’une sentence rendue par Neil Fallon lui-même, à la fois juge et bourreau, dans l’explosif Noble Savage : « unapologetic lifer for rock’n’roll ». Une condamnation à perpétuité que l’on accueille nous aussi le sourire aux lèvres, en espérant qu’aucune remise de peine ne nous sera accordée.
PS : le groupe est toujours aussi impressionnant sur scène, comme en témoigne son récent passage à Paris.
Le single, assez imparable, m'avait convaincu immédiatement. Le reste de l'album est (presque) à l'avenant: fun, efficace, pêchu...