Chrome Hoof

Rock Progressif

Royaume-Uni

Crush Depth

2010

Chronique

par manulerider

La voilà la merveille de Chrome Hoof. Jusqu’à présent le groupe s’était toujours cherché, alternant sur ses deux premiers albums folies ribaudes, idées saugrenues au travers d’un art rock foisonnant et malheureusement assez régulièrement  parcouru de cheveux sur la soupe assez malvenus. Elle est loin l’époque où la formation n’était qu’un duo composé de Leo Smee (bassiste de Cathedral pour les monomaniaques d’eurodance) et son frère, à vocation d’expérimentations electro. Désormais un collectif, Chrome Hoof atteint avec Crush Depth un sommet glorieux et ambitieux artistiquement, ce qu’il a toujours cherché, mais sans la moindre fausse note et avec un élan du grandiose époustouflant, offrant une explosion d’instruments, de mises en communs de créations burlesques d’une communauté quasi-sectaire vaudou absurde, entre prunk (celui de Cardiacs) et Zeulh version éclatement d’influences croisées sous psychotropes.

Dans la pure tradition des grands disques d’art rock que nous offre le monde expérimental depuis plus de 30 ans, Crush Depth est un gouffre de chamboulements et de fraîcheur, une cérémonie bizarroïde au sol perpétuellement en mouvement. La force du genre, c’est qu’il n’en a pas à proprement parler, dès lors que le monde offre de nouveaux univers, de nouveaux potentiels organiques et de nouvelles techniques de création d’art, l’ouverture d’esprit qu’offre une telle démarche multiplie les possibilités de croisements, de symbioses dopées, et, sans condition aucune, permet un viol massif d’établissements aux vernis usés. Dans le cas de Chrome Hoof, on vogue dans un espace de science-fiction, pas nécessairement tarabiscoté à l’extrême en matière de langage musical, mais étrangement messiaque dans une sorte de disco psychédélique et chamanique. Il y a ce synthétiseur discordant, qui tient ici une dragée haute bien importante, vrombissant et amenant une dimension cosmique, sublimant la folle énergie qui transporte Crush Depth sur toute sa longueur. Le disque pétille de mille feux, en témoignent la présence des 27 instrumentistes différents apparaissant sur le disque en chaque instant. Entre légèreté jazzy, et chevauchées charismatiques dans de longues pièces rock puissantes et éblouissantes, on se sent conviés par Chrome Hoof à un culte païen, sous boule à facette en blouse de vinyle, en cantiques grandiloquents et épopées excentriques, la vue déformée par le trop plein de folie et les membres contractés par le plaisir au point de vendre notre âme à une telle réussite. Chrome Hoof, autrefois un peu foutoir, bordel interstellaire se cherchant encore une réelle identité, est désormais une secte élitiste à la recette secrète, avec ses codes, ses cultes et son incantatrice charismatique nous dictant notre attitude à l’oreille. Et c’est ce plus indéniable, outre une production puissante et très juste mettant en valeur des sons cybernétiques omniprésents, en cette grande noire incantatrice, gourou à la voix de tête nasillarde et résonnante, qui répand fermement une autorité instructrice, maîtresse d’un orchestre disco sans temps morts ni redondance, avançant à vive allure à travers un cyberespace factice et bonard, jouissant de son trop plein d’amphétamines, relançant ses égarements plus sombres avec grande passion, ou explosant régulièrement avec majesté dans des points d’orgues admirables de grandiloquence (Witches Instruments and Furnaces). Chrome Hoof est majestueux, on en prend plein l’oreille de ces changements de couleurs à répétition, toujours très puissants, jouant l’incursion funeste de violon, saxophone, ou même l’orchestration puissante. Même dans des ambiances plus calmes ou sombres, on est pris aux tripes par la puissance que dégage la formation. Third Sun Descendent est d’ailleurs presque terrifiant tant il est diabolique dans son ambiance perdant pour le coup, rare moment de l’album, ses attributs disco 80’s pour un air plus suffocant, retrouvant presque les frontières de doom spatial chères à ce bon vieux Leo Smee, notamment grâce à sa basse grasse et dansante et à la mutation violente du chant de notre chère mentor. 

Crush Depth est l’apothéose de Chrome Hoof, ou, espérons-le le commencement de celle-ci. Il est des disques capables de nous emporter dans univers inconnu et entier. Avec son incantatrice extralucide, sa folle hardiesse, il construit une pièce théâtrale et surjouée, explorant un disco zeuhl inédit chargé d’années 80. Si tant est que désigner un tas de disques à ressortir de 2010 ait un sens, alors clairement il se classe dans les ovnis inclassables les plus remarquables de cette dernière année de la décennie.


16

Les critiques des lecteurs

Moyenne 17
Avis 1