Chrch
Sludge / Doom

Unanswered Hymns
Chronique
On nous les annonce tels des messies, ces groupes venus de nul part qui vont mettre à feu et à sang la marre dans laquelle ils viennent de sauter à pieds-joints. Pourtant, force est de constater que si les appelés sont nombreux, les élus le sont beaucoup moins, la faute à une hype qui fait invariablement son lot de déçus. C'est en tout cas ce que disent les bruits de couloir. Gardons donc nos réserves et ne hurlons pas au loup, mais ne nous taisons pas pour autant : Chrch, toute jeune formation, a sorti l'un des meilleurs disques de Doom/Sludge de l'année 2015.
Car nos amis californiens sont allés à bonne école : Thorr's Hammer, Grief, Windhand (le parallèle est ici on ne peut plus facile, les deux groupes ayant une vocaliste et pratiquant une musique lourde et mélancolique) ou bien Samothrace hantent leurs pas. Des comparaisons qui feront rêver l'amateur et froncer les sourcils de l'auditeur méfiant. Car l'exercice a de quoi impressionner : 44 minute, 3 titres et un morceau d'introduction de 19 minutes, soit autant de raisons de patauger dans un océan de lieux-communs. C'était pourtant sans compter sur le talent de ces musiciens qui débarquent comme des fleurs.
Chrch propose une musique massive mais truffée d'ambiances et d'espaces de repos bienvenues. La voix de la chanteuse, lorsqu'elle libère toute sa chaleur et sa douceur, se pose sur notre épaule comme une main de réconfort au milieu d'un marais de tristesse et de désolation. Les musiciens prennent leur temps, calment le jeu et imposent des arpèges de guitare qui ne se taisent que lorsque l'embrasement final survient, culminant en une charge émotive rarement atteinte lorsqu'on évoque ces genres pesants et denses.
N'allez pour autant pas croire que vous allez avoir une escale de tout repos car Chrch puise également sa force dans les instincts les plus sauvages du Sludge. J'en veux pour preuve le final du titre d'ouverture ("Danwing") qui rappellera aux plus anciens la puissance d'Overmars ou de Grief, le tout agrémenté d'une mélodie lancinante et quasi-brillante. Un exemple parlant qui résume assez bien ce que la formation propose sur l'ensemble de cet album : une musique puissante mais jamais bestiale puisqu'elle laisse toujours entendre un véritable travail d’orfèvre. La guitare fend lentement l'air, chaleureuse, quasi-héroïque au milieu de ces temps sombres et funestes.
L'expression "tour de force" aura rarement trouvé situation plus adaptée puisque Chrch livre une première œuvre remarquable : éloquente, sombre, lente, déchirante... les adjectifs ne manquent pas. Et c'est peut être là leur plus belle réussite, parvenir à faire ressentir tant d'émotions à l'auditeur, souvent simultanément. Le spleen dans toute sa dimension dramatique, évocatrice et irrévocable. Une tragédie façonnée avec la tendresse du désespoir, la force de l'abandon.
LA découverte Doom/ Sludge de ce début de 2016, cet album est vraiment particulier et nous envoie très loin au confins d'un Sludge Doomy expérimental. On est loin des clichés du genre et a fait du bien! Pour les amateur de son à la Cough mais avec cette particularité d'avoir une chanteuse avec un potentiel vocale très intéressant!