logo Cave In

Biographie

Cave In

A l'instar de Shora, Cave In fait partie de ces groupes de Hardcore new-school ayant éffectué un virage à 180 degrés dans leur musique en délaissant le côté brutal et technique de leurs premières productions (en restant garants néanmoins de compositions de qualité).  Et tandis que nos Suisses se sont orientés avec Malval vers un Post-Rock minimaliste, Cave In pratique désormais depuis quelques années déjà un style que l'on pourrait qualifier d'Emo-Rock planant.

Le groupe voit le jour en 1995, inspiré à l'époque par des groupes comme ConvergeUnwound ou Snapcase.  A l'automne de cette même année, Jay Randall  propose l'enregistrement d'un split avec Gambit (dont il est à l'époque le chanteur) qui sortira peu après. Deux autres splits partagés avec Early Grace et Piebald suivront, après quoi le groupe enregistre, seul cette fois, un 7" commercialisé par Hydra Head. Cave In réenregistre alors ses anciens morceaux pour ce qui deviendra son premier album, Beyond Hypothermia.
Dans le même temps, nos quatre musiciens composent et enregistrent Until Your Heart Stops qui sort en 1998. Avec cet album, le groupe se pose comme l'un des leaders du Hardcore moderne au même titre que Converge, Botch ou Dillinger Escape Plan.
Quelques mois plus tard, les quatres titres de  Creative Eclipses, bien plus atmosphériques et délaissant le côté brutal des premiers opus, étonnent quelque peu les fans de la première heure, qui pensent alors que le groupe s'est livré à une courte expérience avant de revenir à des sonorités plus traditionnelles. Mais Cave In prend tout le monde à contre-pied avec Jupiter qui sort en juin 2000 : plus rien ici ne rappelle le Hardcore des débuts, on lorgne désormais du côté d'un Emo-Rock influençé par Radiohead et Led Zeppelin.
En 2002, Tides Of Tomorrow confirme la voie prise par le groupe, puis Antenna marque la maturité de leur Space-Rock (comme les membres du groupe se plaisent à définir leur style). Perfect Pitch Black qui parait en 2005 regroupe des titres pour la plupart inédits enregistrés durant différentes sessions de janvier 2003 à avril 2004, mais le groupe marque un pause indéterminée en 2006.
Contre toute attente, en 2009, Cave In reprend les concerts et sort un ep, Planets Of Old, la même année. Mais c'est surtout en 2011 que le combo revient avec un album beaucoup plus Hardcore, qui synthétise bien les différents genres musicaux abordés par le groupe depuis leurs débuts. White Silence parait également chez Hydra Head Records. Suivra un long hiatus de huit ans, où Brodsky ira monter Mutoid Man avec Ben Koller (Converge), où Old Man Gloom et Zozobra reprendront du service notamment.

Cave In se remet en selle à partir de 2017 à travers deux "jam sessions" destinées à alimenter un futur album. Malheureusement suite à celles-ci Caleb Scofield trouve la mort brutalement dans un accident de voiture en 2018, ce qui poussera le groupe à se réunir sur scène (avec Nate Newton et Kyle Scofield à la basse) afin de réunir des fonds pour la famille de Caleb. Début 2019 le groupe annonce la sortie du sixième album, Final Transmission, le dernier enregistré avec les vibrations de Scofield, évidemment hébergé par Hydra Head.

18 / 20
8 commentaires (17.56/20).
logo amazon

Heavy Pendulum ( 2022 )

Formation protéiforme par excellence Cave In a eu plusieurs vies, sans pour autant modifier un ADN fondamentalement bigarré, qu’il prenne pour base le Hardcore déglingué (Until Your Heart Stops), le Rock stellaire (Jupiter, Final Transmission), le Post-Rock imprégné de Grunge (Antenna) ou à la recherche d’un équilibre entre toutes ces obédiences (Perfect Pitch Black ou le plus expérimental White Silence). Fort de ses six vies précédentes l’indispensable quatuor bostonien - après avoir digéré le deuil de leur exceptionnel bassiste Caleb Scofield via l’excellent Final Transmission, supplée de manière évidente par l’ami Nate Newton (Converge, Doomriders, Old Man Gloom où officiait aussi Scofield) - le Cave In 2022 parachève son œuvre multiple avec Heavy Pendulum, un imposant matériel qui synthétise merveilleusement tous ces visages, et plus encore.

Revitalisé par l’arrivée de Newton, dont les gueulantes n’ont rien à envier à celles de Scofield, le groupe signe dans le même temps chez Relapse et s’attache les services de celui qu’on ne présente plus aux manettes, Kurt Ballou, autre vieux copain de Converge, livrant ici une de ses plus formidables et massives productions. Vautrés dans un si bel écrin les morceaux de bravoure s’enfilent comme autant de pains dans la gueule. Dans la lignée de Perfect Pitch Black et White Silence, les corrections New Reality, Blood Spiller et Careless Offering nous aspergent de riffs gras et de groove mutant, portés par les cordes vocales rodées d’un Stephen Brodsky olympique. Mais on détecte également une inclinaison Grunge ou Rock lourd plus prononcée, à travers les somptueux Blinded By Ablaze, Heavy Pendulum ou le final Wavering Angel, étalé le long de ses douze minutes, tous pénétrés du spectre de Soundgarden.

Alors que plus loin c’est celui d’un Alice In Chains en acoustique qui vient nous chatouiller les conduits sur Reckoning, c’est bien Cave In et son éclatante personnalité qui nous pond une idée à la minute sans jamais s’essouffler ni nous ennuyer ne serait-ce qu’une demi-seconde. Tout ce qui fait la particularité du quatuor est condensé en 71 minutes, agencé en 14 mouvements intemporels, où rien n’est en mesure d’entraver une fluidité absolue. La guitare aussi épique que scintillante de Brodsky n’en finit plus de garnir nos conduits d’étoiles, tandis que Newton concasse tout sur son passage, qu’il s’agisse de ses hurlements ou de son jeu de basse qui s’accorde idéalement au reste de la troupe, en particulier au feeling indomptable d’un JR Conners précis et gravitationnel qui marche autant sur l’eau, sous terre et dans les airs. Ainsi Searchers Of Hell évoque la brutalité de la fin des 90’s, là où le suivant Nightmare Eyes effectue un voyage sur le satellite de Jupiter, cerné de bruits parasites qui nous terminent sous les assauts dantesques d’un Heavy Rock hardcorisé, ou bien le plus intimiste Waiting For Love nous ballade entre lourdeur et mélodies vocales énamourées joliment confuses.

N’en jetez plus, Heavy Pendulum est fabuleux de bout en bout, tout coule de source et compose la sève ultime des nombreux talents de Cave In. Les éléments Rock, Metal, Post-Hardcore, Grunge, Space-Rock, Post-Rock sont disposés avec une telle évidence, illustrant les hauts et les bas d’une vie pleine et sincère, qu’on ne pouvait espérer meilleur équilibre. Si on y ajoute ce magnifique visuel cosmique de Richey Beckett on obtient une victoire totale et un (très) sérieux prétendant pour l’album de l’année 22 après bug de l’an 2000.

A écouter : à l'infini.
16 / 20
1 commentaire (16/20).
logo amazon

Final Transmission ( 2019 )

Perdus dans l’espace durant huit ans, les membres de Cave In n’ont pas cessé pour autant d’envoyer des signaux de leurs activités, au sein de Mutoid Man, Old Man Gloom ou Zozobra parmi d’autres projets qualitativement toujours au top. Huit années également marquées par la disparition tragique de Caleb Scofield, bassiste et hurleur ô combien essentiel de la scène Hardcore, voire au-delà. Final Transmission est précisément le dernier album incluant les cordes – vocales ou non – de Caleb, dont les titres sont le fruit juteux de sessions enregistrées il y a deux ans. Et il est difficile de ne pas succomber à l’émotion pendant l’écoute de celui-ci, où les lignes de basses variées surgissent de terre pour agripper et malmener nos récepteurs.

Tortueux était le précédent long White Silence, soulignant un retour aux sonorités plus ou moins épaisses et casse-gueules du grand Until Your Heart Stops mais conservant les embardées cosmiques qui ont fait le succès des suivants. Nécessairement intimiste est Final Transmission, ouvert par l’acoustique éponyme, dont la construction évoque le virage des bostoniens de ce début de siècle, en ce qui pourrait constituer un alliage heureux entre Jupiter et Antenna, All Illusion et Shake My Blood en têtes de gondole. Ce qui n’empêche pas les guitares de McGrath et Brodsky de rugir et d’exposer leurs plus saillants attributs sur le rampant Night Crawler, ou de partir aux frontières du drone sur Lunar Day. Cela n’obstrue nullement non plus les frappes de JR Conners, toujours justes, bien senties, notamment sur un Winter Window vaillant, ou le très saturé Lanterna, traversés par une basse ronde et élastique, ou par un chant clair habité, à la beauté fragile. Strange Reflection incarne lui aussi une espèce de pesanteur consciente de la menace trouble qui la guette. Un abstrait couperet qui tombe inévitablement avec Led to the Wolves, plongeant nos âmes tristes dans la crasse terrienne, malgré une voix ensevelie qui tente vainement de les apaiser.

L’objectif de Cave In avec cette Transmission Finale n’est pas de satisfaire nos impatiences, mais plutôt de rendre le meilleur hommage qui soit à son bassiste disparu, en espérant qu’il reçoive bien le message de l’autre coté de l’univers. Ce sixième album, comme son superbe visuel le laisse penser, est un satellite, témoin de l’espace et du temps devant l’éternel. Un disque indéniablement trop court, qui émet toutefois l'ultime signal d’un groupe hors-pistes, à jamais indispensable.

A écouter : avec émotion.
16.5 / 20
4 commentaires (17.13/20).
logo amazon

Jupiter ( 2000 )

Il fallait s’y résoudre à en parler de celui-là, pas seulement pour rendre hommage à l’un des plus éminents bassistes du milieu Caleb Scofield (Old Man GloomZozobra), disparu beaucoup trop prématurément, mais aussi car il s’agit d’un album charnière pour Cave In. Celui du basculement vers les étoiles proches d’une planète chère à notre modeste président actuel. 

Né dans le souffre et le hardcore déglingué typique de la fin des 90’s, le quartet de Boston s’évertuait tout de même à disséminer des élans space-rock sur le précédent long Until Your Heart Stops, accentués sur le EP Creative Eclipses, pleinement concrétisés avec Jupiter ici exposé. Un matériau rare gravitant autour de la géante gazeuse, ne reniant toutefois pas sa Terre natale. Stephen Brodsky ne retient plus son chant clair et tartine le disque de ses vocalises lumineuses, les guitares s’élèvent et se débarrassent progressivement de la crasse, poussées au cul par la basse d’un Scofield toujours présent pour pousser les gueulantes opportunes (le démentiel Big Riff en tête), tandis que la frappe réussit l’exploit de maintenir sa lourdeur tout en intégrant idéalement l’amplitude atmosphérique.

Ainsi Jupiter nous emmène directement surfer sur l’anneau d’astéroïdes, de manière fluide et naturellement plus accessible qu’en 1998, les six cordes s’amusent et conversent à coups d’effets bien sentis pendant que Brodsky étire son rendement vocal au maximum, veillant au grain de la mesure d’In the Stream of Commerce puis du monument Big Riff, alternant douceurs d’arpèges et rythmique massive. La suite promulgue autant d’enchantement généralisé, entre un rock progressif épique sur Innuendo and Out the Other, le bouleversant morceau-fleuve Requiem, aussi intimiste (au début) que grandiloquent (à la fin) jusqu’au délicat et somptueux New Moon final, entrecoupés des instances plus grunge n’ roll de Brain Candle et Decay of the Delay. L’ensemble reste en toute circonstance enveloppé par l’espace infiniment grand, infiniment beau, malgré de minuscules maladresses, perceptibles si on le compare à son successeur Antenna.

Jupiter n’est sans doute pas l’album le plus abouti de Cave In, il marque néanmoins son époque par sa densité incroyable ainsi que la surprise suscitée auprès des premiers amateurs du groupe. Une œuvre incontournable au milieu d’une discographie pas si fournie mais où chaque long format est un concentré de variables absolues, tout aussi incontournables, touchées par la grâce.

A écouter : en orbite.
16 / 20
2 commentaires (18/20).
logo amazon

Until Your Heart Stops ( 1998 )

Cave In a connu toutes les étapes de la création. Stephen Brodsky (Mutoid Man), son principal compositeur et chanteur/guitariste, en sait quelque chose. Aussi bien influencés par le rock psychédélique que le space ou post-rock, les gars de Methuen, Massachusetts, ont pourtant débuté dans la violence du (punk)hardcore moderne, aux côtés de leurs vieux potes de Converge notamment.

Le groupe explose en 1998 avec un premier album hors-normes, aux fondations hardcore mais aux ambitions déjà multidirectionnelles. Un pavé exténuant, parfois casse-gueule, produit un peu à l’arrache, pétri néanmoins de détermination et de bonnes idées. Idées pour la plupart peaufinées, accentuées sur le reste d’une discographie bordélique mais au contenu exemplaire. Until Your Heart Stops fera date, par son caractère ovniesque, expérimental, flirtant avec le jazzcore d’un Naked City, forcément investi de structures salement tordues. Cet objet dense et anguleux faisait alors entrer Cave In dans le rang de l’excellence du renouveau hardcore, exigeant mais toujours instinctif et n’ayant nécessairement pas conscience de quelconques limites. On parle en fait d’un de ces groupes ultra curieux, qui emmagasine le meilleur d’une ou plusieurs scènes et en digère la synthèse personnalisée, en dépit des imperfections (de jeunesse) citées plus haut.

Une volonté sans bornes qu’on se prendra en pleine tronche dès l’introductif et métallisé Moral Eclipse, foutraque mais tellement rafraîchissant, encore aujourd’hui, suivi plus loin d’un Juggernaut punitif, ainsi que du long et dément The End Of Our Rope Is A Noose, laissant un peu de champ au chant clair, de manière délicieuse, tout comme sur le bipolaire Halo of Flies. Le bug de l’an 2000 n’a même pas encore eu lieu qu’on se mange déjà un pavé au moins aussi vrillé des synapses que le American Nervoso de Botch, sorti l'année d'après. Tout ne fait pas preuve d’une dextérité renversante, mais quelle énergie, quelle fougue et quelle inspiration putain. Des caractéristiques et une spontanéité que Cave In et ses musiciens n’ont vraisemblablement jamais perdu, malgré leurs explorations spatiales et progressives. La tension ne redescendra ici qu’au final grésillant de Controlled Mayhem Then Erupts, traduisant une ouverture vers des sentiers moins accidentés, toujours sans balises.

Until Your Heart Stops fait définitivement partie de ces disques fondateurs d’un hardcore ouvert à un moment où la scène commençait à légèrement s’admirer le nombril. Il y avait Botch, Breach, Converge, The Dillinger Escape Plan, Refused, Coalesce ou encore Vision of Disorder, mais aussi Cave In et feu-Hydra Head Records, ne l’oublions pas, jamais.

A écouter : pour comprendre.