Un premier album alors que le nom même de Cathedraal semblait encore obscur quelques jours avant, ce Voix Blanches gris, amer, mené par d'anciens Madame de Montespan, s'offre dans son écrin en libre téléchargement et s'impose dans une scène Screamo française qui brille toujours de milles feux depuis quelques années.
Première nouvelle pour les fans (ou non-fans) de Madame de Montespan : le frontman ne pousse plus autant sa voix, bien moins incisive mais plus granuleuse, inspiré parfois par quelques spoken-words (pensez à Errata, Daïtro, Le Pré ou je suis mort, …). Néanmoins, les envolées se font toujours virulentes, tranchantes (l'explosif "En Crimée"), retrouvant la fougue de Madame de Monstepan mais s'inspirant sans rougir des Daïtro première période, avec une ambiance sombre héritière de Celeste. A noter la présence de cordes autres que les guitares (celles d'un violon notamment) sur quelques passages ("Sasha", le morceau d'ouverture) et d'un piano ("Je ne t'ai pas défendu"), éléments qui s'incorporent sans grosse difficulté aux autres instruments via une production assez rough, abrasive. Il est à noter que le reste des cordes et percussions maîtrise son sujet : riffs et rythme se succèdent sans fausse note, assurés d'arriver à faire circuler tristesse et souffrance (quelques souvenirs de Gantz risquent de remonter à la surface) grâce à quelques nappes de notes plus ou moins fragiles ("Rouler les peaux mortes").
A fleur de peau, l'air vaguement défait, Cathedraal conte son amère vie, de déceptions en désespoirs ("Je l'aimais encore / Faire le deuil de nos étreintes à jamais / Jamais plus je ne pourrai t'enlacer, à jamais"). Il va sans dire que la plume couche sur le papier des thèmes presque trop classiques, mais la qualité d'écriture permet au combo de tirer son épingle du jeu ("Dieu ne croit plus en nous", "Les arbres en témoignent"). Il n'est pas question de fragilité désuète ou maladroite, mais plutôt d'un constant maussade d'une histoire passée et repassée.
"Si seulement tu pouvais fermer les yeux, me laisser aller / Si seulement je pouvais fermer les yeux et tout oublier"
Héritier des Mihai Edrisch, Daïtro ou plus simplement Madame de Montespan, Cathedraal joue le jeu des insolents, criant bien fort sa détresse à la manière des anciens sans faire l'erreur de la jeunesse. Voix Blanches est un premier opus d'une très grande beauté. Celle des fleurs qui se fanent, des regards qui se perdent dans le vide et des sourires maussades de visages fatigués.
Et rappelez vous, nous ne sommes que des noms sur des valises...
A écouter : En Crimée - Les Arbres en témoignent