Un album comme une impérieuse injonction nécessaire à une improbable rémission, un album comme une catharsis inconditionnelle à la survie, un album de l'urgence qui frôle les abîmes, absorbé dans l'hallucination, englouti dans des perturbations convulsives.
My Colors est un concentré de saleté, d'écorchure, de déchirement, irradiant de douleur sous le matraquage brut d'un hardcore chaotique et syncopé. Une basse crade et grasse, sous accordée, et une batterie, qui sans discontinuer pilonne et martèle, édifient un mur sonore, une rythmique puissante et lourde, massive comme un couvercle de poubelle en plomb qui s'abat sur nos gueules fracassant mâchoires et gesticulations ridicules. Et toujours ces guitares stridentes, dissonantes et démentes qui crient et mugissent, vrillant le cortex cérébral, agrippant les neurones déphasés, générant une sourde et lancinante crispation. John Weed hurle, s'égorge, les cordes vocales tendues, à vif, sa voix comme un résidu pulvérulent surnageant à peine dans ce magma tourmenté. Il crache et éructe haine, exécration et ulcération, ses vociférations n'étant pas sans rappeler parfois R. Farrar de Ceremony ("Who The Fuck Is Gil Lewin"). Un sentiment de décadence se propage empli de violence malsaine où subsistent des gravats de mélodies dénaturées et perverties.
Cassilis s'est éloigné du screamo n'en gardant que le chant et surtout cette urgence dévastatrice héritée de Jerome's Dream. Il avance désormais sur la voie d'un hardcore sombre, violent et déstructuré (Converge, Botch) jouant sur la raideur et la brutalité. Néanmoins, le maître-mot de cette réalisation reste l'urgence qui se perçoit à travers tous les pores et jusque dans la chair. Le fait que My Colors ait été enregistré en une seule journée n'est sans doute pas étranger à cette intense et persistante sensation. La production, meilleure que sur les réalisations précédentes, permet également à Cassilis d'atteindre une effarante ampleur.
Quintessence cathartique, My Colors se tord de rage et de souffrance et Cassilis délivre un album remarquable, étalant une palette talentueuse de couleurs sombres, cendreuses, glauques et cramoisies.
A écouter : En intégralité