Car Bomb
mathcore expérimental

Centralia
01 - Pieces of you
02 - Gum under the table
03 - Rid
04 - Cellophane Stiletto
05 - Best intentions
06 - M^6
07 - His eyes
08 - Hypnotic Worm
09 - Cielo Drive
10 - Solid Grey
11 - H5N1
Chronique
Depuis 1962 sévit une force incoercible, un feu infatigable qui ravage les entrailles de la Terre. Centralia est le nom de la ville se trouvant au dessus de cette fournaise minière. Cette catastrophe Pennsylvanienne qui cristallise bien des passions, des mythes et des peurs, n'en finira guère d'inspirer des chefs-d'œuvre. Silent Hill, illustre fable lugubre, et cet album de quatre musiciens originaires de Long Island.
S'il devait être mentionné dans les écoles de metal, plus tard, (on peut toujours rêver) des références de composition en termes de mathcore expérimental, Centralia de Car Bomb ferait sûrement office de recommandation. Les archétypes du genre (The Dillinger Escape Plan, Ion Dissonance et autres The Red Chord) sont présents mais à peine perceptibles, empreints d'une marque particulièrement adroite. D'un genre tellement à part qu'il serait possible de créer une catégorie spéciale pour cette envolée erratique de trente deux minutes. La progéniture fortuite issue de la rencontre entre un jazz psychédélique moderne et un grind épuré à l'extrême.
Outre l'orientation stylistique poussée, une recherche toute spécifique est faite également sur la forme des morceaux. Exit le sempiternel duet alternant entre couplet - refrain, la plupart des morceaux oscillent entre le thème et la variation sous une atmosphère bien sur déstructurée et affranchie de toute limite conventionnelle. On repère la volonté, encore une fois, de tordre un riff dans tous les sens une fois qu'il a été saisi. Les effets d'harmonies et de whammy du gratteux montent progressivement en intensité tout au long des chansons, accentuant ainsi la déstructure et la folie jusqu'au point de non-retour. Le contrepied parfait de ce fil rouge présent tout au long de Centralia est Gum Under the Table. Ici la guitare enchaîne les harmonies et les slides/ pick slides avec une férocité endiablée qui n'a d'égal que la virtuosité employée, avant de mourir dans un confins de roulements ambiancés qui pour le coup n'est pas sans rappeler Chris Pennie (Ex- The Dillinger Escape Plan, Coheed and Cambria).
Quand on réussi pleinement à saisir le firmament de la musique, les silences demeurent d'exception. Et ces derniers sont d'une efficacité redoutable sur le titre His Eyes. C'est à chaque fois lorsque l'on s'y attend le moins que la musique revient rugissante et déchirée. La polyrythmie du morceau est simplement exceptionnelle, conjuguant simplicité et technicité. Grâce à la combinaison du chant et de la batterie passant sur les cordes frénétiques, les parties hachées sont elles mêmes aussi imprévisibles que payantes. Il devrait être noté sur la jaquette "Attention crises d’épilepsie et convulsions à prévoir". A proprement parler, la musique en elle-même n'est pas, à l'instar d'énormément d'autres groupes, implacable. La brutalité des morceaux réside dans la soudaineté des interventions. Les Américains parviennent d'ailleurs à tisser dans l'atmosphère, des sonorités bien plus calmes et toutes aussi plaisantes comme sur Solid Grey, où l'on discerne une palette encore plus large des capacités techniques des compositeurs.
Sur cet album qui ne ressemble à aucun autre, l'univers développé est aussi personnel que pertinent. Issu de l'union bien chanceuse entre plusieurs scènes, Centralia est un OVNI, de par son existence et son excellence. Avec ce dernier, Car Bomb parvient à réaliser un défi de taille dans le metal : dissocier de manière subtile brutalité et bourrinisme primaire. Une preuve, s'il en fallait encore, que la scène U.S. regorge de pépites musicales.