Je suis ce groupe de façon assez sporadique il faut bien le dire, mais j'apprécie plutôt leur musique, sans être particulièrement réceptif.
Caligula's Horse
Rock / Metal Progressif
In Contact
01. Dream The Dead
02. Will's Song (Let The Colours Run)
03. The Hands Are The Hardest
04. Love Conquers All
05. Songs For No One
06. Capulet
07. Fill My Heart
08. Inertia And The Weapon Of The Wall
09. The Cannon's Mouth
10. Graves
Chronique
On a tous nos chouchous. Cette petite poignée d'artistes dont on parle avec une lueur particulière au fond des yeux, dont la musique nous semble étonnamment proche d'une résonance parfaite avec nos propres sentiments, notre conception de ce que devrait être la musique. Rester objectif en chroniquant ces groupes tient toujours autant de l'agréable challenge que de la vicieuse torture, étant tiraillé entre les superlatifs que l'on estime mérités et le considérable effort de détecter, voire d'inventer, des potentiels défauts à l'œuvre. In Contact est un cas particulier de ce genre de chronique idolâtreuse : je ne l'ai pas vu venir. Caligula's Horse n'avait tout simplement pas atteint le rang nécessaire à mon cœur avant cette dernière livraison, mais c'est désormais chose faite. Si comme moi, vous aviez aimé Bloom, préparez-vous à une gifle monumentale et sublime, que je vais tenter, donc, de décortiquer sans trop de mièvrerie.
Les Australiens proposent avec In Contact un disque plein de rivalités. Bien sûr, c'est d'abord musicalement que ça se conçoit : certains titres déménagent bien plus que d'autres, comme Will's Song (Let The Colors Run) ou The Cannon's Mouth ; par opposition aux très aériens et reposants Love Conquers All ou Capulet. De même, on note aussi de façon bien plus présente que sur l'opus précédent un équilibre entre Prog Rock mélodique et Metal moderne djentisé, d'une façon intelligente rappelant Haken. Mais au-delà de ces évidents aspects, dès la deuxième écoute on ne peut s'empêcher de tomber amoureux des prouesses vocales de Jim Grey, qui officie intégralement en chant clair. Le frontman apporte de son timbre chaud et précis une nouvelle échelle de dualité, entre la puissance efficacité des instruments (The Cannon's Mouth, le final de Graves, Songs For No One) et les voix si lumineuses, tellement éclairées, habitées à un point rare (The Hands Are The Hardest, les refrains de Dream The Dead). Héros véritable de In Contact, le vocaliste s'en sort haut la main sur tous les registres en clean : inquiétante voix grave (couplets de The Cannon's Mouth), chœurs criés (à la fin de Graves et de Songs For No One), envolées lyriques incroyables un peu partout, et même... un poème en prose déclamé sur trois minutes à cappella (Inertia And The Weapon Of The Wall), rendu plein de vie par le charme théâtral de cette hypnotisante voix. Au sein même de ce chant règnent différentes ambiances, plusieurs dichotomies qui rendent l'album si complet.
Malgré ses voix exclusivement chantées, l'opus est estampillé "Metal" sans aucune forme d'hésitation et sur bien des plans, notamment pour ses solos virtuoses, (mention pour celui de Will's Song (Let The Colors Run)) et ses rythmiques telluriques. Pourtant, on notera aussi une dimension quasi-Pop à certains passages : The Hands Are The Hardest surtout, mais aussi dans Fill My Heart (malgré son intro sombre), dans la reprise au milieu de Dream The Dead et dans plusieurs parties de Songs For No One... Cette influence déjà pressentie dans Bloom (avec Turntail) est ici bien plus développée et surtout bien mieux intégrée aux compositions. Car comme les autres dualités mises en lumière ici, l’oxymore "Metal Prog popisé" proposé par Caligula's Horse est bluffant de cohérence et d'intuition. Mieux que ça : pour que ces associations et rivalités entre différents éléments soient toutes aussi réussies, on sent un immense effort de dosage subtil lors de l'écriture. Rien n'est laissé au hasard par le quintet, et le résultat logique est que tout fonctionne. Les parties les plus folles sont rendues compréhensibles sans qu'elles en soient dénaturées (la rythmique impossible à suivre à la fin de Dream The Dead est amortie par une ligne de chant hypnotique ; ou la dernière intervention syncopée de l'album, lancinante et étirée, mais allégée par un saxophone qui semble tellement évident), les passages donnant dans l'efficace sont toujours plus aiguisés qu'on ne le pense à la première écoute (notamment grâce au jeu plein de finesse et d'inventivité du nouveau batteur Adrian Goleby). In Contact donne ainsi l'impression d'être le disque de Metal "ultime", le disque qui convaincra vos potes que vous pouvez metalleux/metalleuse ET sensible, le disque que vous voudrez offrir à vos parents pour leur faire une initiation au Prog, le disque que vous pourrez mettre en fond sonore en ramenant un rencard chez vous pour subtilement affirmer votre élitisme musical tout en imposant pas quelque chose d'extrême, le disque que vous réécouterez longtemps avec plaisir en vous demandant ce que vous découvrirez cette fois-ci, et peut-être même le disque qui pourrait servir de mètre-étalon pendant cinq ou dix ans pour juger les prochaines sorties du genre. Rien que ça.
A écouter : 1
Les critiques des lecteurs
Je suis ce groupe de façon assez sporadique il faut bien le dire, mais j'apprécie plutôt leur musique, sans être particulièrement réceptif.
- Incitatus, mon ami, mon consul ! Merci de me recevoir en ta demeure de marbre. J'aimerais t'entretenir d'un trouble qui pèse sur mon âme...
- Hiiii !
- Bien aimable. Je disais donc, à propos de ta dernière œuvre... Tu sais quel plaisir j'ai pris à la découvrir, à en explorer ses multiples facettes, je crois t'avoir suffisamment fait part de mon admiration.
- Pflflfl
- Oui, bien sûr, j'y viens, c'est juste que je cherche comment l'exprimer.
- Crunchcrunchcrunch...
- Tu as raison, restaure-toi pendant que je rassemble mes idées, je m'en voudrais que ma présence t'empêche d'user d'une si belle mangeoire.
- Slurp.
- Oui, donc, mon extrême fascination a duré bien moins que je ne l'aurais cru. C'est que je m'en suis quelque peu lassé, vois-tu. Je ne peux nier les qualités intrinsèques d'In Contactu, mais maintenant que je connais bien la chose, elle ne me touche plus autant. Comme si j'en avais fait le tour et qu'il était temps de passer à autre chose...
- Clop clop clop...
- Non, inutile de compter les points à coups de sabots, je sais que je t'en aurais octroyé davantage durant la phase de découverte et d'émerveillement, mais avec le recul, je ne peux...
- Hiii.
- Oui, je comprends, tu es très occupé, il est temps pour moi de te laisser. Porte-toi bien, mon ami. Que cela ne nous empêche pas de nous revoir à l'occasion.