De ce coté du globe Budd est un groupe oublié. Comme souvent en ce qui concerne l'Australie me direz-vous, ce à quoi je ne peux qu'acquiescer. Le truc c'est que là bas aussi il semblerait qu'hormis une poignée d'ex-ados à la chevelure négligée et aux blue jeans destroy, bien peu monde se souvienne du quatuor à géométrie variable. Ou tout du moins que bien peu attendaient encore quelque chose d'une de ces nombreuses micro-légendes de l'underground australien. Et pourtant Budd est ce groupe qui s'était rendu coupable au début des années 90 de deux EPs et un double 10" supersoniques à foutre des sueurs froides à Mudhoney et Sonic Youth réunis ce qui, sur l'échelle de la fureur Rock'n'Roll, n'était et n'est toujours pas rien.
Mais voilà, depuis cette glorieuse époque et après un Prana aussi ambitieux que d'avantage mesuré, la formation cessait d'émettre et semblait s'en être définitivement retournée au néant. Et si aujourd'hui, Budd est de retour, c'est comme si tout le monde s'en foutait. Ou alors si ce n'est pas le cas, c'est tout comme. Il faut bien avouer que la formation actuelle n'a plus grand chose à voir avec le groupe suramplifié des early 90's: un seul membre d'origine, deux acolytes experts en fulgurances diverses mais à priori totalement passés à autre chose qui, à eux trois, auront finalement mis cinq piges pour accoucher de 40 minutes de musique. A première vue Jawa pue l'embonpoint avant même de n'avoir été délivré de son emballage. On en viendrait presque à se demander ce qui peut bien avoir décidé Jeremy Finlayson à remonter son projet de jeunesse et à sortir ce troisième disque autoproduit. A tous les coups les motivations tournent autour du plaisir de jouer avec les potes ou ce genre de conneries non mercantilistes, mais passons. Car une fois la galette de plastique enfournée dans le mange-disque, le pourquoi perd pour ainsi dire l'essentiel de son sens, la véritable réponse étant apportée en cinq minutes (351): pour botter des culs. On ne se refait pas.
Exit le Grunge rampant rehaussé de Noise Rock cathartique, désormais Budd suit des voies bien moins urbaines pour aller se perdre dans l'outback, poussé par une inspiration en provenance directe de Palm Desert. Déjà présent à l'époque de Prana, le feeling stoner qui parcourt ce nouveau méfait est sans commune mesure avec ce que le combo avait pu offrir jusqu'à présent et, surtout, doublé d'une lourdeur et d'une manière de sonner peu commune. C'est à cet instant que la lumière se fait sur Jawa: Budd vient de définitivement fusionner avec l'héritage des défunts frères siamois de Christbait, cet autre groupe local étrange qui, après des débuts Death/Grind avait finit sa course par un monumental crash Stoner/Sludge (Dirtypunkmutha, disque hautement recommandable)... et avec qui les héros du jour ont partagé plusieurs membres durant les 90's. Voici comment, en 2010, le trio se retrouve à soulever un nuage de poussière comme on n'en n'avait plus vu dans le genre depuis un bon moment. Le rock de Budd est sauvage, primaire, propulsé par la basse crépitante, surpuissante de Craig Westwood, l'ex-Christbait - tout s'explique - qui s'en va remplir et racler le moindre espace sonore disponible sur ses plus belles cavalcades (Jawa, 351), martelé par un Tom Jackman discipliné mais autoritaire et s'envole sous les doigts le sieur Finlayson (2dayskills2morrow, Pull me down), expert es triturages de cordes qui est loin, très loin, d'avoir laissé son savoir faire en la matière à la porte des années 2000 et dont le chant fait des merveilles. Le résultat de cette alchimie, Jawa, est un disque lourd, au groove massif, ultra rock'n'roll, Stoner jusqu'à la moelle et néanmoins affranchi du (très) pesant héritage du Sabbath, détaché du blues désertique de la Sky Valley. Là est la grande force et le principal intérêt de ce retour de Budd, juste derrière l'efficacité imparable dont il fait montre jusque dans ses derniers instants (Speedway crump, outro étrange aussi dispensable que géniale).
Alors que la meute est affairée à poursuivre de vieux rêves, du Green machine plein la tête et des oeillères estampillées Kyuss de chaque coté du crane sur un terrain bien balisé et plus qu'encombré, Budd joue crânement sa partition dans son coin, plaçant encore et toujours le bruit et la fureur au premier plan. Jawa est un disque Stoner atypique qui s'épanouit pleinement ans une optique très Rock Alternatif 90's way à la fraicheur intacte des plus délectables, prenant ses largeurs avec le plan de route établi par les patrons sans pour autant en oublier les points de contrôle obligatoires dont il s'affranchit d'ailleurs avec une classe certaine (Shell). Remarquable.
A écouter : Tous décibels dehors, sur des enceintes de la taille d'une armoire.