Bokor est (déjà) de retour. On est loin du stakhanovisme Broadrickien – pour le résultat que l’on sait – mais la rapidité de cette sortie a de quoi surprendre et inquiéter, d’autant plus que les suédois ont carrément frôlé le mutisme coté communication ces derniers mois…
Sauf que voilà, chez Bokor, malgré un changement de lineup, on bosse et on cause après. A vrai dire, c’était déjà le cas lors de la sortie d’Anomia 1, premier album plus que réussi qui aura, chez certains, immédiatement propulsé les suédois au statut de groupe à suivre de près. Et donc, au lieu d’aller s’enfariner la tête dans des saladiers de coke, entouré de groupies tel une starlette éphémère au point d’être trop défoncé pour louper la seconde marche, Bokor s’offre donc son (Best) trip à lui : musical, au sens le plus pur du terme. Pour s’évader à nouveau?
Tout comme Anomia 1, Vermin Soul offre un décollage tout en virilité avec The viral prophesies… et on se dit que jusque là tout va bien. Sauf que les growls qui arrivent juste derrière n’étaient pas vraiment prévus au programme. Oui, vous avez bien lu, des… growls, et bien gérés qui plus est. Bokor ne rigole pas : la batterie est plus musclée que jamais (on verra même intervenir le double kick) et débroussaille sec, le chant alterne le rocailleux et les envolées claires avec une fréquence aussi inédite qu’inattendue, le riffing est lourd. Ca sent le virage serré pour les suédois, et quel virage…
Bokor surprend en musclant son propos tout en conservant sa capacité à enfiler les mélodies comme des perles au sein de son alliage recherché de Rock typé 90’s et de Metal : Oh glory in the void et ses montées progressives ou encore la très mélodique Varmint soul, par exemple, restent indéniablement dans la droite lignée du premier album, mais ont chacune ce plus ce petit surplus de puissance témoignant d’une maturité nouvelle.
S’appuyant sur une connaissance parfaite de ses classiques sur son premier album, Bokor se détache maintenant en toute logique de ces quelques glorieuses influences. Le groupe assume d’avantage ses envies et pousse plus loin son concept n’hésitant désormais plus à se graisser les cordes vocales (The Viral prophesies, Watching the western desert freeze), à buriner les tympans ou à allonger le bras jusqu’aux années 70 pour aller y gratter quelques cordes de son médiator tout en pianotant parfois sur un orgue follement psychédélique (Seven teeth playfair (out of the pit of oblivion) et Iesu from mattoroso, superbe morceau central d’un quart d’heure). En cela, Vermin Soul constitue un véritable pas en avant. Je vous laisse juger si le groupe l’effectue bien dans la bonne direction.
Toujours est il que les suédois prennent le risque de perdre en unité en allant ainsi s’ancrer de plus en plus loin de leurs (solides) bases et on peut aisément imaginer que l’album ne pourra rééditer la prouesse son prédécesseur... Pourtant le calcul « qualité constante + innovation – effet de surprise » reste ici largement positif quant à son résultat, et c’est peut être bien tout ce qui compte.
Plus dynamique et varié qu’Anomia 1, Vermin Soul fuse, flatte le tympan dans son alternance non convenue de riffs acérés et de passages progressifs sonnant d’une façon inédite, passe avec légèreté d’un plan à l’autre selon une logique qui lui est propre, maintenant ainsi l’oreille en éveil, tout en se voulant plus accessible (Watching the western desert freeze). Un joli numéro de funambulisme s’il en est, admirablement servi par un gros travail sur les guitares et par une voix, toujours aussi charmeuse, visiblement remise de l’attaque du virus M.J. Keenan (Tool, A Perfect Circle, Puscifer… quoiqu’il y ait pire comparaison) – Mosquito dreams mis à part. Le groupe en a encore sous le pied, cela se sent. Du coup, on leur en voudrait presque de ne pas laisser tout ce potentiel éclater une fois pour toutes...
Bokor progresse et s’affirme, réitérant son coup d’éclat à l’occasion de ce deuxième album en trois ans. Suite à une mise en jambe classieuse, le quintet tend la bride sur Vermin Soul pour mieux sauter le second obstacle avec brio. Le prochain se fait donc déjà attendre avec impatience tant les suédois, visiblement loin de naviguer à vue, semblent destinés à concourir pour l’Or dans les années à venir. Pièges évités et évasion réussie (encore une fois). Vivement la suite…
A écouter : Int�gralement, celui-ci s'am�liorant au fil des minutes.