Body Count

Fusion

États-Unis

Bloodlust

2017
Type : Album (LP)

Chronique

par Maxwell

Bienvenue à South Central Los Angeles.  Territoire des gangs, de la pauvreté, d'inégalités, de violence policière et d'Ice Motherfuckin' T bitch ! C'est de ce quartier qui l'a vu grandir dont le rappeur parle dans tout cet album, ainsi que de la soif de sang, Bloodlust, qui y règne.

Dans la lignée de ManslaughterBloodlust est brut, comme tiré tout droit des années 90 mais avec une production moderne.  Le premier point fort de l'album est de nous plonger dans cette ambiance de violence urbaine et de nous y scotcher tout au long de l'écoute. Tous les thèmes classiques du genre y sont abordés, les gangs, l'argent, la mort, la police, le racisme, l'insoumission etc. Quoiqu'un peu caricatural, il n'en reste pas moins que ces aspects sont indissociables du style musical et les Body Count ont quelque part, une légitimité dans ce milieu, en étant issus eux-mêmes et s'y étant confrontés directement.

On trouve toutes les caractéristiques d'un bon disque. D'excellents titres (No lives matter, Black hoodie, Ski mask way), ainsi qu'une cohérence d'album tant sur l'ambiance que sur le développement. Il a été reproché à Manslaughter d'avoir une seconde moitié plus faible, ici les trois derniers titres sont des bombes. Toutes les compos ne se valent certes pas, et il y a un ventre mou vers le début/milieu de Bloodlust, ceci dit ces chansons sont inscrites dans une trame plus globale de développement. La seule qui s'éloigne de cette trame est la reprise de Slayer, Rainning Blood. Contrairement à la reprise revisitée de Suicidal Tendencies sur le précédent, celle-ci n'apporte pas vraiment d'originalité ou de pertinence. Il faut simplement y voir un hommage d'un groupe à un autre, et un petit Rainning Blood ça fait toujours plaisir. On trouve également  du beau monde invité, Dave Mustaine de Megadeth qui tape solo sur Civil War, Max Cavalera de beaucoup (trop) de choses sur All Love is Lost, et Randy Blythe de Lamb of God sur Walk with me.

Au niveau de ce qui se dégage de l'écoute, on ressent beaucoup d'amertume, de rancœur et une certaine forme de mal-être colérique qui vacille entre défiance, mépris et désespoir. Dans la forme musicale on est plutôt dans le thème et variation et dans un mode mineur. Les solos, très mid 80s, début 90s dégagent un sentiment de tristesse et de mélancolie. This is why we ride en est l'illustration parfaite. Pour ce qui est des textes, on traite de la perte des êtres chers dû à la violence toujours dans This is why we ride, et on ne peut s'empêcher d'y voir un hommage appuyé à  Mooseman, premier bassiste du groupe mort par balle. De la "débrouille"  nécessaire à la survie même si celle-ci est au détriment des autres au programme de plusieurs titres. De trahison dans All Love is Lost. De douleur, de mort et de repentance dans God Please Believe me et Here I go again. Ou encore dans No lives Matter, de la condition noire aux Etats-Unis.

C'est en somme, au fil de Bloodlust, une critique des pouvoirs publics et de leur incapacité à donner un avenir digne à toute une partie de la population qui se dégage. Souvent ponctué de narration entre les chansons, Ice-T, toujours aussi engagé dans les luttes malgré la soixantaine approchante, se dresse en porte parole d'une Amérique opprimée et insoumise.  Message d'un enfant de chœur à une sainte nation angélique et pure.  Et malheureusement le moins que l'on puisse dire est que ces thèmes que l'on pensait pendant un temps faisant partie du passé, semblent oh combien actuels. En 2003 le quartier South Central L.A. a été rebaptisé pour laisser derrière ce sinistre passé qui semble resurgir aujourd'hui et même s'amplifier à mesure que les nationalismes s'affirment, que les puissants se renforcent et que les héros disparaissent.

On peut également  voir une symbolique quant à la corrélation entre les années d'activité de Body Count et des violences urbaines. Si l'on occulte Murder 4 Hire de 2006 qui est une vaste blague, on a un creux entre 1997 et 2014, ce qui correspond à une période d'accalmie relative. C'est sans doute nourri de ces injustices que Body Count prend sa légitimité, et peut être pour ça d'ailleurs que Murder 4 hire sonnait creux et faux. Comme si les compères étaient devenus malgré eux le baromètre d'une société malade et s'en faisaient écho dans une soupape musicale destinée à porter le message de révolte d'un peuple tendu à l'encontre de ses dirigeants. Rappelons pour l'occasion que selon les statistiques d'organisations internationales il y a un lien entre les inégalités, la non répartition des richesses et les violences, délinquances et guerres à travers le monde.

Pour toutes ces raisons, de pertinence stylistique, de cohérence musicale, et d'inscription dans un contexte historique, Bloodlust est très réussi. Tom Araya, frontman emblématique de Slayer avait déclaré dans une interview datée de 1994 que selon lui, il manquait à Body Count une profondeur de son pour faire partie des plus grands groupes. À n'en point douter que c'est donc aujourd'hui chose faite.

17

A écouter : 1

Les critiques des lecteurs

Moyenne 16.18
Avis 28
barneyG July 6, 2018 15:39
Je n'avais plus écouté BC depuis 1994 et là, c'est le grand retour ! Qu'est-ce que ça envoie !!!
18 / 20
BabyLucy April 19, 2018 13:43
Une boucherie. les 41mins les plus intenses que j'ai entendues depuis lgtps. Cest franc, direct et transpire l'honnêté et un certain mal de vivre. Une redoutable efficacité que cela soit, dans le chant, les textes ou les riffs d'Ernie C. L'hommage à Slayer, Suicidal & Black Sabbath est très sympa, même si la reprise n'est pas très originale, elle est bien maitrisée.

A écouter d'urgence car Ice-T & Ernie-C sont très en colère, pour notre plus grand plaisir
18 / 20
iam_trying_to_belive January 23, 2018 06:24
Je n'ai pas assez pris le temps d'écouter Body Count... Bon sang quelle erreur de ma part! Putain à côté Prophet of Rage c'est du Walt Disney... Ici, ça transpire l’honnêteté, c'est super! Ca me fait pensé à Boo Yaa Tribe, en plus metal, moins funky! Et c'est très bien!!! Je tiens a souligné aussi les textes super, engagés et qui sont d'actualité! C'est top!
16 / 20
Denton62 January 15, 2018 11:02
De très bons titres encore une fois, mais je le trouve un poil long. Encore une fois on ressent un peu de lassitude ou on décroche un peu sur la fin. ça n'empêche qu'il est très bon et que j'aurais du mal à le départager avec Manslaughter. D'ailleurs un mélange des meilleurs morceaux des 2 aurait fait un album monstrueux !
15 / 20
Renard666 January 4, 2018 11:40
Le précédent m'avait réconcilié avec le bonhomme, celui ci enfonce le clou... Pas inoubliable, bien sur, mais sacrément sympatoche!
15 / 20
delete_yourself January 3, 2018 12:39
A nouveau une grosse claque de la part de Body Count. Après "Manslaughter", "Bloodlust" vient enterrer le clou plus bas que terre. Une tuerie.
20 / 20
JeanGrae December 29, 2017 10:14
Depuis son come back Body Count fait du bon taf. La ficelle n'est pas d'époque mais la musique reste très fraiche, et coupe du bois. O'Shea n'a pas le panel de chant le plus large du monde, mais je le trouve sincère et ça compense son chant monocorde. Les morceaux s'enchainent bien, avec une belle récréation Slayerienne en plein milieu qui ne sert pas à rien.



Sinon visiblement quand on fait un morceau qui s'appelle Civil War, il faut forcément un roux dans l'affaire.
15 / 20
Scrotum September 23, 2017 00:51
@HerEgen C'est un clin d'oeil au titre "The sound of da Police" de KRS-One. Nos petits Frenchies ne sont ici pas l'inspiration, mais l'inverse ;)



https://www.youtube.com/watch?v=9ZrAYxWPN6c
18 / 20
HerEgen May 27, 2017 10:48
Belle chronique ! Et on remarquera le clin d’œil sympatoche à Cut Killer et La Haine sur le dernier titre "Black Hoodie" ;)
15 / 20
bing666 April 12, 2017 23:04
Mets ton hoodie, prétends que t'es black et que t'as grandi dans un quartier pauvre de LA, on est dans l'Amerique de Trump et tu vas chier les 42 meilleures minutes de ta vie! :)
17 / 20
UmeaSound April 3, 2017 11:05
Une touch' de Snot / HedPe mélangé à leur hiphop trashcore habituel, voila une bonne idée, un bon mix, et un bon album :)
15 / 20
Letersk April 3, 2017 00:47
Encore meilleur que le précédent de par le fait qu'il est très homogène, je ressens malgré tout une certaine lassitude au bout d'un moment, les riffs me semblent trop semblables.

Mais l'album est un très bon moment à passer et les 3 feat. sont bien sentis.

Tout comme la/les cover de Slayer !
16 / 20
Subversion April 2, 2017 19:24
3 ans après un excellent "manslaughter",il semblait difficile de faire mieux pour Body Count, quoiqu'il est vrai que ,sur la longueur,l'album laissait transparaitre 2 parties: une première partie excellente et ultra efficace,une seconde plus laborieuse...

Quid de celui-ci? Dès le premier titre,Ice-T met les choses au point:c'est la guerre civile ("civil war")featuring mister Dave Mustaine,bon premier titre,pesant et efficace...le reste , c est juste l'apocalypse,"Ski mask way" qui va casser des nuques en concert,"All love is lost",walk with me","No lives matter","Bloodlust","Black Hoodie",pas de temps mort et quelques variations dans les ambiances, des passages plus lumineux pour mieux replonger dans les ténèbres ("this is why we ride")et surtout l'excellent cover de Raining Blood/Post Mortem de Slayer...un album court(11 titre-41 min) ,terriblement efficace,et sans deuxième partie qui s'essouffle...MOnsieur Ice-T est vraiment vénère,et ses zikos idem:on headbang allègrement dans le casque ou en voiture,même si tout cela n'a pas inventé le fil à couper le beurre...Allez hop sans doute dans le top 10 de cette année,pour moi
19 / 20