Biographie

Body Count

Body Count se forme à Los Angeles en 1990, autour du rappeur Ice-T. Ce dernier, alors acteur très peu connu, avait déjà sorti une paire d'albums sous son propre nom, incluant un morceau qui donnera le nom de son prochain groupe, Body Count. Le premier opus du combo, alors formé d'Ice-T, Ernie-C, D-Roc, Mooseman et Beatmaster-V, envahit les bacs en 1992 sous le nom de Cop Killer (Tueur de Flics). Rapidement retiré de la vente, il ressort sous le nom plus sobre de Body Count, avec une légère modification de tracklisting (Body Count se voit remplacé par Freedom of Speech, collaboration avec Jello Biafra).

2 ans plus tard, Born Dead déboule tandis que Mooseman quitte le groupe, remplacé par Griz. Plus sombre et agressif, l'album se pose dans la lignée de son prédecesseur : les thèmes abordés sont toujours le racisme et les bavures policières.
L'année précédent la sortie du 3ème opus, à savoir 1996, Beatmaster-V décède d'une leucémie (remplacé par OT). Violent Demise: The Last Days, dont l'enregistrement était terminé lors du tragique évènement, voit le départ de Griz. C'est ensuite au tour de Mooseman de mourir lors d'une fusillade en 2001, alors que le musicien jouait alors pour Iggy Pop.

Les tournées se succèdent, mais le destin de Body Count se veut toujours aussi sombre : D-Roc est emporté par un lymphome en 2004 alors que le groupe annonçait un album sous peu. Il faudra attendre 2006 pour que Murder For Hire voit le jour, avec Vincent Price à la basse et Bendrix Williams à la guitare. Septembre 2009, B.C participe au quinzième anniversaire du Vans Warped Tour au Club Nokia de Los Angeles. Le groupe joue un set de 20 minutes, avec des reprises de Slayer, et conclut avec le très controversé Cop Killer. Mike Sullivan d'ExploreMusic parvient à s'entretenir avec Ernie C du Vans Warped Tour. Ernie C divulgue brièvement l'enregistrement d'un cinquième album. Body Count écrit une chanson exclusive, The Gears of War, pour le jeu vidéo Gears of War. Décembre 2012, Ice-T annonce la production d'un cinquième album. Le 10 mai 2013, Ice-T donne le titre de l'opus, Manslaughter, qui sort en juin 2014 porté par le single Talk Shit Get Shot dont le clip est une sorte de court métrage. Très bien accueilli l’album est un vrai concentré de ce que sait faire B.C, mélanger un Metal tendance Hardcore avec des paroles violentes, sans langue de bois et en chant qui tire parfois sur le Rap.

Ice-T, tout en continuant sa carrière musicale, n'est pas resté éloigné des caméras puisqu'il a joué dans divers films (Gangland, Johnny Mnemonic) et surtout dans des séries TVs (Players, les Maitres du Jeu et New York Unité Spéciale durant 7 ans).
Musicalement, Body Count oscille entre fusion, rapcore et punk hardcore.

15.5 / 20
5 commentaires (14.7/20).
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Carnivore ( 2020 )

Trois ans après ce qui est discutablement leur meilleur album Bloodlust, Body Count continue dans le titre sanglant avec Carnivore. Pour un groupe socialement revendicatif, humainement proactif et outrageusement vindicatif et qui s’est bouffé l’administration Trump pendant trois ans, l’addition risque d’être salée sur le disque !

La production est top, l’identité sonore quasi identique à ce qu’ils faisaient avant et c’est vrai qu’il n’y avait rien à changer.  Les collaborations sur cette album sont elles également de premier plan, Amy Lee, Riley Gale et Jamey Jasta, tien que ça ! On n’est pas sur un « feat Marshall E. Stinson (mais si vous savez, il était chanteur dans Cerebral Thrash Purulence avant qu’ils ne deviennent trop mainstream) »  Et comme sur chaque album on a le droit à une reprise, cette fois ci Ace of Spades de Motorhead, excusez du peu ! Et pourtant … Après la première écoute je suis resté un peu sur ma faim.

Qu’à cela ne tienne ! Après plusieurs écoutes mon avis va surement changer. Tiens ? Non ? Pourquoi ? Serais-je moins réceptif à ce groupe ou ce style ? Pourtant non, Bloodlust entraîne toujours ces trépidations cervicocapillaires (oui je fais des néologismes, j’en n’ai rien à foutre) comme il l’a fait dès la première écoute. Étrange. Alors d’accord je ne suis pas vraiment fan d’Evanescence c’est peut être normal que je ne sois pas touché par cette chanson, mais j’adore Hatebreed et je trouve ces chants dignes de supporters d’un stade de foot assez insultants.

Pourquoi donc un tel mésamour (j’avais prévenu pour les néologismes) ? Aucune chanson n’est pourtant mauvaise à proprement parler. Chacune individuellement apporte quelque chose de distinct et d’intéressant quelque part.  J’irai même jusqu’à dire que c’est un bon album, indéniablement. Cependant j’aimerai comprendre, parce que peut être suis-je le seul, mais peut être pas.

Une partie de la réponse réside peut être dans les attentes que j’avais vis-à-vis de cet opus. Rien qu’à relire la précédente chronique que j’eu faite du pénultième (non non, celui là il existe) opus, on se rend compte qu’une connexion s’est établie et qu’un message a été transmis. Le message …
Tout comme cette chronique qui emploie majoritairement la première personne, l’album le fait également. On y parle toujours de violence, de rue, d’injustice et de résilience mais Ice-T se confie plus que jamais ici. On retrouve « I » Je, sur toutes les chansons. On a donc le prisme du chanteur qui se livre et non d’un contestataire qui prend le micro pour prendre les armes et lutter à sa manière. Le titre qui en témoigne le mieux est When I’m Gone, le fameux titre avec Amy Lee. Notez la présence du I dans le titre.

Comme tout propos à son fond il a également sa forme, et là encore la différence est subtile. Concrètement le tempo a diminué. Pas énormément, mais suffisamment pour pouvoir le remarquer ou du moins le ressentir. Les riffs sont eux plus orientés vers le heavy et moins vers le hip hop donc plus de mélodie et moins de rythme. Il n’en faut pas moins pour sentir un ralentissement global.

Carnivore est un bon album, clairement. Cette chronique connote une teneur plutôt négative de par les questionnements qui y sont soulevés et par les éléments qui sont notés mais tout est bien fait. C’est juste qu’on pouvait s’attendre à une satire au vitriol armée jusqu’aux dents qui dépeint la société américaine actuelle et que le résultat est différent, mais pas plus mauvais pour autant.

PS : si vous vous appelez Marshall E. Stinson ou votre groupe Cerebral Thrash Purulence désolé pour vous.

A écouter : Point the Finger
17 / 20
28 commentaires (16.27/20).
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Bloodlust ( 2017 )

Bienvenue à South Central Los Angeles.  Territoire des gangs, de la pauvreté, d'inégalités, de violence policière et d'Ice Motherfuckin' T bitch ! C'est de ce quartier qui l'a vu grandir dont le rappeur parle dans tout cet album, ainsi que de la soif de sang, Bloodlust, qui y règne.

Dans la lignée de ManslaughterBloodlust est brut, comme tiré tout droit des années 90 mais avec une production moderne.  Le premier point fort de l'album est de nous plonger dans cette ambiance de violence urbaine et de nous y scotcher tout au long de l'écoute. Tous les thèmes classiques du genre y sont abordés, les gangs, l'argent, la mort, la police, le racisme, l'insoumission etc. Quoiqu'un peu caricatural, il n'en reste pas moins que ces aspects sont indissociables du style musical et les Body Count ont quelque part, une légitimité dans ce milieu, en étant issus eux-mêmes et s'y étant confrontés directement.

On trouve toutes les caractéristiques d'un bon disque. D'excellents titres (No lives matter, Black hoodie, Ski mask way), ainsi qu'une cohérence d'album tant sur l'ambiance que sur le développement. Il a été reproché à Manslaughter d'avoir une seconde moitié plus faible, ici les trois derniers titres sont des bombes. Toutes les compos ne se valent certes pas, et il y a un ventre mou vers le début/milieu de Bloodlust, ceci dit ces chansons sont inscrites dans une trame plus globale de développement. La seule qui s'éloigne de cette trame est la reprise de Slayer, Rainning Blood. Contrairement à la reprise revisitée de Suicidal Tendencies sur le précédent, celle-ci n'apporte pas vraiment d'originalité ou de pertinence. Il faut simplement y voir un hommage d'un groupe à un autre, et un petit Rainning Blood ça fait toujours plaisir. On trouve également  du beau monde invité, Dave Mustaine de Megadeth qui tape solo sur Civil War, Max Cavalera de beaucoup (trop) de choses sur All Love is Lost, et Randy Blythe de Lamb of God sur Walk with me.

Au niveau de ce qui se dégage de l'écoute, on ressent beaucoup d'amertume, de rancœur et une certaine forme de mal-être colérique qui vacille entre défiance, mépris et désespoir. Dans la forme musicale on est plutôt dans le thème et variation et dans un mode mineur. Les solos, très mid 80s, début 90s dégagent un sentiment de tristesse et de mélancolie. This is why we ride en est l'illustration parfaite. Pour ce qui est des textes, on traite de la perte des êtres chers dû à la violence toujours dans This is why we ride, et on ne peut s'empêcher d'y voir un hommage appuyé à  Mooseman, premier bassiste du groupe mort par balle. De la "débrouille"  nécessaire à la survie même si celle-ci est au détriment des autres au programme de plusieurs titres. De trahison dans All Love is Lost. De douleur, de mort et de repentance dans God Please Believe me et Here I go again. Ou encore dans No lives Matter, de la condition noire aux Etats-Unis.

C'est en somme, au fil de Bloodlust, une critique des pouvoirs publics et de leur incapacité à donner un avenir digne à toute une partie de la population qui se dégage. Souvent ponctué de narration entre les chansons, Ice-T, toujours aussi engagé dans les luttes malgré la soixantaine approchante, se dresse en porte parole d'une Amérique opprimée et insoumise.  Message d'un enfant de chœur à une sainte nation angélique et pure.  Et malheureusement le moins que l'on puisse dire est que ces thèmes que l'on pensait pendant un temps faisant partie du passé, semblent oh combien actuels. En 2003 le quartier South Central L.A. a été rebaptisé pour laisser derrière ce sinistre passé qui semble resurgir aujourd'hui et même s'amplifier à mesure que les nationalismes s'affirment, que les puissants se renforcent et que les héros disparaissent.

On peut également  voir une symbolique quant à la corrélation entre les années d'activité de Body Count et des violences urbaines. Si l'on occulte Murder 4 Hire de 2006 qui est une vaste blague, on a un creux entre 1997 et 2014, ce qui correspond à une période d'accalmie relative. C'est sans doute nourri de ces injustices que Body Count prend sa légitimité, et peut être pour ça d'ailleurs que Murder 4 hire sonnait creux et faux. Comme si les compères étaient devenus malgré eux le baromètre d'une société malade et s'en faisaient écho dans une soupape musicale destinée à porter le message de révolte d'un peuple tendu à l'encontre de ses dirigeants. Rappelons pour l'occasion que selon les statistiques d'organisations internationales il y a un lien entre les inégalités, la non répartition des richesses et les violences, délinquances et guerres à travers le monde.

Pour toutes ces raisons, de pertinence stylistique, de cohérence musicale, et d'inscription dans un contexte historique, Bloodlust est très réussi. Tom Araya, frontman emblématique de Slayer avait déclaré dans une interview datée de 1994 que selon lui, il manquait à Body Count une profondeur de son pour faire partie des plus grands groupes. À n'en point douter que c'est donc aujourd'hui chose faite.

A écouter : No lives matter, Black hoodie, All love is Lost
16 / 20
14 commentaires (16.71/20).
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Manslaughter ( 2014 )

Mon dieu, Body Count sort un nouvel album ! Ca pour une surprise, c'est une bonne surprise ! Les bouchers de Californie reviennent sur le devant de la scène et le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils sont en forme. Huit ans après un Murder 4 Hire pas folichon, et surtout vingt deux ans après Body Count, oui vingt deux ans vous avez bien lu, on ne les attendait plus vraiment au tournant, Ice T s'étant plutôt concentré sur sa carrière d'acteur tandis qu'Ernie C fondait, dans la plus grande discrétion, Masters of Metal en 2010.

Sans être une grosse surprise stylistique, ce Manslaughter fera énormément plaisir aux fans du groupe, ravivera peut être de très bons souvenirs aux plus vieux d'entre nous, qui ont écouté sur les bancs du lycée ou du collège cette musique teigneuse, chanté leurs refrains anti volaille sans vraiment les comprendre, et révé le temps d'une écoute d'être un "niggaz" et de collectionner les "bitchaz". 

Les premières écoutes sont incroyables, il suffira de quelques riffs basiques et beats de l'époque pour se replonger illico au beau milieu des années 90, casquette et cartable sur le dos. Body Count nous sert dès les premières secondes ses riffs les plus efficaces avec un Talk Shit, Get Shot qui donne le ton de l'album. Ice-T n'a rien perdu de sa verve et de son vocabulaire fleuri, et nous balance toujours autant de pépites hargneuses à la tronche, et même si on est très loin des Cop killer et autres Killin' Floor, Body Count, pas vraiment assagi mais un peu plus raisonnable qu'à ses débuts, nous prouve une fois de plus que derrière une mécanique guerrière et un champ lexical très "boucherie charcuterie mysogyne" se cache un triste constat d'une société qui part à la dérive, et ça, Body Count l'a toujours mis en avant dans ses titres les plus chocs. C'est toujours le cas ici et Talk Shit Get Shot, Institutionalized (reprise de Suicidal Tendencies, en mode ultra véner), Back To Rehab, 99 problems BC (reprise d'un titre de IceT de 1993, déjà repris par Jay-Z en 2004) ou Pray for Death, en plus d'être des titres réussis niveau propos (j'ai beaucoup ri à toute cette violence gratuite), sont de bons échantillons qui attestent très bien de cette étrange façon qu'a le groupe de mélanger hardcore old school, hip hop, fusion et thrash : guitares surprenantes, autant dans les solos que dans les riffs dégueulasses, basse plus que présente, donnant la réplique à une batterie bien ficelée. Bref, musicalement on est très loin de l'album précédent, tout est ici bien équilibré, bien produit, et aucun instrument n'est mis plus en avant qu'un autre. C'est un détail, mais cela se ressent énormément lors des premières écoutes.

Plus qu'un revival juste pour s'amuser, ce cinquième receuil de poésie de Body Count est un de leurs meilleurs albums, juste derrière Body Count et Born Dead, et même si ce Manslaughter tourne assez vite en rond, la faute à une deuxième partie qui s'essouffle assez vite, les cinq ou six premiers titres complètement fous et l'enthousiasme de retrouver ce groupe emblématique pour une petite heure de gros son easy listening, pas prise de tête pour un sou, suffisent à rendre heureux. Tout simplement. Foncez, niggaz !

A écouter : Parce que ça fait du bien !
16 / 20
6 commentaires (17.25/20).
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Body Count ( 1992 )

1992 est  une année phare de la révolution musicale. Rage Against The Machine sortait son culte premier album avec des titres phares tel Know Your Enemy. Il en allait de même pour Body Count et Cop Killer, rapidement banni des disquaires puis remis en vente sans le titre incriminé. Pour rajouter à la légende, le destin des américains fut relativement tragique, alternant entre décès et albums, mais il en reste des disques rageux, ancrés dans une réalité urbaine et violente comme le laisse présager l'artwork de ce premier jet.

D'entrée de jeu, ce qui frappe lors de l'écoute de ce dique est la capacité du combo à osciller entre fusion (Freedom Of Speech avec Jello Biafra des Dead Kennedys) et Hardcore Old School (KKK Bitch ou Bowels Of The Devil). Bref, loin des archétypes afro-américains de l'époque (l'énorme The Chronic de Dr. Dre sorti la même année) même si la rage transmise reste proche. L'engagement s'oriente ici plus vers un antiracisme profond et une haine de l'état policier bien ancrée (l'intro de Smoked Pork -Porc Fumé dans la langue de Molière- donne une réelle idée des sentiments portés par Body Count ou la batterie "coup de feu" de Cop Killer). Les thèmes abordés par la bande d'Ice-T sont toujours d'actualité, donnant à Body Count une dimension intemporelle : Les brutalités policières déjà mises sur le devant de la scène par NWA sont encore présentes tandis que le racisme fait toujours certains gros titres, amené ici de manière directe et crue (le glauque Momma's Gotta Die Tonight, où le héros se retrouve confronté au racisme anti-blanc de sa mère et le très sexuel KKK Bitch).
Les musiciens posent un son sombre, tandis que le frontman n'hésite pas à pousser son flow, hip-hop ou hurlé, à l'instar des cordes s'emportant via quelques soli sans pour autant renier un certain groove (KKK Bitch ou Freedom of Speech). La section rythmique, même si elle reste assez basique, se porte garante du tempo que ne renierait pas Minor Threat, Bad Brains ou Black Flag sur les parties plus punk (Bowels Of The Devil ou Cop Killer) ou simplement d'un rendu plus metal (Body Count Anthem ou The Winner Loses et ses choeurs) lorsque l'ensemble ne flirte pas avec une fusion typée RHCP ou RATM (Momma's Gotta Die Tonight ou Freedom Of Speech). Body Count se posait déjà, en 1992, dans un mouvement fusion proche de Downset. dans un forme plus primaire.

"The problem isn't the lyrics on the records. / It's the fear of the white kids liking a black artist. / But the real problem is the fear of the white girl / falling in love with the black man."

Body Count est profondement riche, varié et derrière son apparence guerrière, une vraie culture urbaine se dégage de l'ensemble de l'album. Ne nous méprenons pas, il va sans dire que Cop Killer, même après de nombreuses années, sera toujours là pour inciter à la révolte ou que Momma's Gotta Die Tonight sera toujours une hymne contre le racisme et ce même si la direction musicale prise par le groupe dans les années 2000 peut paraitre discutable. Un énorme classique, à ranger culturellement aux côtés d'un bon RATM et musicalement entre deux classiques hardcore...

A écouter : Cop Killer - KKK Bitch - Momma's Gotta Die Tonight