Blut Aus Nord

Post Black Metal

France

Mort

2006
Type : Album (LP)

Chronique

par manulerider

Guidé par des sons nauséabonds, l’homme avance doucement. Sans contrôle, mécaniquement, il ère par devant son dernier voyage. Ses pas le conduisent vers un vide, et il sent peu à peu tout repère se dématérialiser. Le corps est là, flottant dans un espace inquiétant et sans jalons. Tout ce à quoi il a toujours aspiré semble lointain, sans la moindre importance désormais. Ce corps invisible et livide subit les évènements, incapable de quelconque action, endurant des sonorités désagréables. L’endroit n’existe pas, le temps n’a plus aucune valeur, tout est dense mais rien ne semble exister, et la chair de notre personnage n’a plus lieu d’être, perdue dans un labyrinthe sonore. Les sons se mélangent, nul ne saurait dire s’il s’agit de cordes, de voix, de percussions ou bien d’hallucinations qui mélangent ses sens. Une seule certitude cependant : tout est noir. Tout vrombit, tout dissone, tout se mélange, tout est atroce. L’âme tourbillonne, happée dans une spirale qui tourne, tourne, les couches se soulèvent, s’entremêlent diablement jusqu’à créer le néant. Les échos macabres, les ombres qui sifflent tout autour, ces présences gênantes de discrétion, d’où viennent-ils ? Il le sait désormais, notre être a franchi le pas vers ce pays inconnu d’où nul voyageur ne revient. Ni peur ni aucun sentiment, tel est le présent, et petit à petit, il abandonne son existence, sans regrets ou remords, et se laisse glisser dans les méandres d’un voyage monotone et infernal dont il n’a plus les commandes. Horrible ou pas, il n’a pas le choix, tout avance irrémédiablement, dans une direction impalpable. Désormais atteinte en son sein, l’âme rampe péniblement, crispée. Toujours ces sons, ces interminables sons qui tourbillonnent, presque calmes, qui s’échappent. Sont-ce toujours les mêmes ? Ont-ils évolué ? Qu’importe, ils la font trembler, craindre, au fond d’elle-même, et seul une discrète marque rythmique lui donne espoir, car tout est flou autours d’elle, et la notion même de cécité sensorielle ne saurait décrire cette perte de repères inéluctable qu’elle a subit. Le vent ne souffle plus, les ténèbres font face à notre ombre comprimée, ils émettent des bruits étranges et sales. Et pourtant, pourtant, une once d’humanité semble maintenant en sortir. Cet abysse immatériel vers lequel nous nous plongions, le voici qui nous lance des signaux d’apaisement, et qui enfin offre une stabilité. Des chants clairs, oui ce sont des voix perceptibles, enfin quelque chose de palpable, une métaphore sonore agréable. Enfin l’être livide se sent accepté et sent l’espoir d’une explication à tout ce qui lui arrive. Les ténèbres s’apaisent, le temps est moins noir, ces voix rassurent, et tout devient plus précis. Pour autant, l’avancée improbable continue, reprend son droit. Certes elle fait moins peur à l’âme vagabonde, elle est plus précise, elle offre plus de détails, mais elle continue inexorablement. Un chant, un rythme précis, des mélodies sombres et improbables reprennent le dessus, la machine est déjà relancée, elle offre presque des repères. Puis, alors que l’esprit embarqué dans ce périple est en confiance, tout s’emballe. Non, rien n’accélère, rien ne devient plus fort, et même, tout est incroyablement semblable au peu de repères qui ont été glanés. Mais tout s’effondre. Les bases fraîchement acquises glissent, dans une monstrueuse descente vers le rien. Alors que la décomposition du corps de cet homme s’était faite sans douleurs, voici cette deuxième perte de repères, après ce traître espoir, et celle-ci est terrifiante, car il réalise, il sait. Ces voix abjectes qui l’accompagnaient et ces bruits si étranges, ils sombrent désormais vers un trou noir, vers la fin. Il le sait, il n’y aura plus rien après, et tout cela n’est d’ailleurs rien. Tout est happé vers les ténèbres, le temps est passé, l’espace n’a plus lieu d’être, la chute n’en finit plus et tout converge en un seul point, une seule vérité. Tout est fini : l’homme est Mort.

17

A écouter : 1

Les critiques des lecteurs

Moyenne 16.91
Avis 17
prypiat January 2, 2010 18:19
A la fois sublime et immonde. Ces guitares boueuses, ces borborygmes lointains, ces solos dissonnants, cette boîte à rythme glaciale....



L'objet musical le plus proche d'une mort par noyade dans les profondeurs d'un vieux marais putride. Carrément !
19 / 20
burning frost August 6, 2009 10:08
Malgré mes efforts, je n'arrive que très peu souvent à entrer dans cette musique. Mais je confirme tout ce qui a été dit, si vous voulez avoir la nausée, vous sentir claustrophobique ou je ne sais quoi encore... Cet album est fait pour vous. Aréserver à des oreilles averties, cet album est vraiment extrême.

+1 pour la chronique, car Métalorgie est un webzine où la plupart des chroniques sont très pertinentes.
16 / 20
ANTO84 October 15, 2008 17:42
quel album j'ai halluciner quand je l'ai ecouter une ambiance tres malsaine glauque tres glacial cette album fo plusieur ecoute pour l'acceder remarquable il faudrai un bon casque dans le noir et la on peu se regaler
18 / 20
Sniff The Pain July 30, 2008 16:54
Album tout bonnement insupportable, un foutage de gueule pur et simple. Le suivant est bien meilleur. Une merde, sans doute le truc le plus nul, sans intérêt que j'ai jamais écouté (sur à peu près 700 prods, avouons que c'est pas mal) on a beau s'investir, c'est impossible de se retrouver dans cet imbroglio qui ressemble plus à une pitoyable impro qu'à autre chose.
0 / 20
Sugarbread September 17, 2007 14:43
Un album qui demande enormement d'écoutes avant de se livrer complement, du moins pour mes oreilles ^^. A ecouter au casque (sans aucun bruit parasite) à tête reposée dans le noir !!! Amateur de mélodies, passe ton chemin ^^. Les structures des parties guitares sont carrément apocalyptiques tout n'est que crasse et immondice et je ne parle pas de la batterie de WD Feld qui me laisse littéralement sur le cul !



@Manu : Ta chronique est excellente !



@Sniff The Pain

On peut ne pas aimer je respecte mais parler d'impro c'est juste irrespectueux ! Le travail de composition est phénoménal ! Après les gouts les couleur surtout avec un style pareil je comprend mais faut pas pousser. Le morceau Chapter V est un des meilleurs titres écrit par le groupe.

Sur l'album Odinist tu persistes en parlant au sujet de mort "il ne dégage aucune ambiance" c'est justement la spécificité de ce dernier l'album en lui même est une ambiance de A à Z !!!

Difficile de faire plus Black Metal que Mort cet album est à lui seul une définition parfaite du genre !
19 / 20
Enterré vivant August 23, 2007 15:29
Etouffant et oppressant, malsain et tellement sombre qu'on y revient le regard vide... A ne pas mettre entre toutes les mains.
17 / 20
<O)))< May 9, 2007 10:20
Esoterisme et abstraction. Masterpiece. Achetez.
19 / 20
Pentacle April 20, 2007 13:03
J'ai eut du mal à rentrer dans cet album car il est loin d'être abordable, mais finalement je le trouve incroyable. Une profonde sensation de malaise se dégage quand on l'écoute, au point d'en gerber... Une sorte de virus qui affecte notre corps et notre perception, on veut s'en debarrasser au plus vite mais c'est impossible et au final on finit par succomber... Comparer cet album a une tumeur n'est pas exagéré! Blut Aus Nord est grand!
18 / 20
Manumal December 23, 2006 15:33
Contrairement à certains je trouve tout à fait légitime de parler de black metal pour parler de Blut Aus Nord ,et ce MoRT .

Comment dire,aller en simplifiant on peut parler du "fond" et de la "forme".

La forme de cet album est résolument singulière : avec ces riffs dissonants,rampants,ces guitares plaintives, larmoillantes,à l'agonie,faibles,mais où sont les riffs black se demandent certains ?. La batterie : pas de blasts. Le chant : rare et tout sauf un chant d'ailleurs encore une fois :mourant.

Alors si l'on s'arrête à la seule forme,une éventuelle forme conventionnelle et estampillée "black metal" ,elle n'est pas suivie ici.

Pourtant le black metal est bien présent dans cet album ,ça respire l'art noir,ou plutôt ça étouffe et ça suffoque ,quelle asphyxie de black metal que cette oeuvre ,ça ce situe au delà de toute structure ,comme un spectre,la puanteur de la mort .
17 / 20
Dagoba December 22, 2006 19:12
Bouleversant !

...

Etouffant !

...

Démoniaque !
19 / 20
brianm November 26, 2006 10:56
Rien à voir avec les débuts, et c'est tant mieux, ainsi Blut Aus Nord se démarque du monde du black métal, en proposant quelque chose de plus lent, nauséabond, malsain (ça en devient angoissant voire terrifiant dans les chapitres 4 et 8 )
18 / 20
Chapelier-Fou November 7, 2006 19:26
La chronique colle à merveille à l'ambiance.

L'album est transcendantal. Fini le temps d'Ultima Thulée, l'expérience a parlé : Blut aus Nord ne marchera plus sur les traces des "grands" du black metal : il inaugurera d'autres chemins encore plus sombres et malsains qu'auparavant.

Si, si, c'est possible.
18 / 20
Moloch October 23, 2006 19:24
Hop, j'édite !

Quelques mois après la sortie du disque, et de nombreuses et difficiles écoutes plus tard, même si je continue de prôner le fait que ce disque n'a rien ou presque de Black Metal, il passe déja beaucoup mieux. C'est glauque, sale, lugubre, rampant, tout simplement dégueulasse... mais dans le bon sens du terme.

Un défaut de taille toutefois : le concept qui a tendance à s'étioler au fur et à mesure que l'album avance, et une certaine lassitude qui pointe parfois le bout de son nez.
16 / 20
Lestat! October 23, 2006 13:27
n'ayant pas encore écouté l'album ,je n'en parlerais pas ,mais je me permet de féliciter manulerider pour cette magnifique chronique trés littéraire pour laquelle visiblement ,il s'est fortement impliqué.

Mais BAN demande justement un investissement personnel. Bravo.
18 / 20
vince-shi October 23, 2006 08:52
Excellente chronique, album incroyable.
18 / 20
TaAkeslottet October 23, 2006 07:59
Star-by-star > ce disque aurait pu etre qualifié de post black metal, d'ou ton sentiment d'inconnu.



Un des meilleurs cds de black metal de tous les temps.
19 / 20