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Biographie

Blut Aus Nord

Blut Aus Nord est un groupe français mystérieux qui a toujours mis un point d’honneur à brouiller les pistes, autant dans leurs albums qu’à un niveau extra-musical. Evoluant dans un Black Metal à la fois original et atmosphérique, le groupe a appliqué très concrètement à son approche « l’idéologie » misanthrope et underground du Black Metal, en s’affichant le moins possible et ne donnant aucun concert. Leur musique et leurs visuels sont à cette image : bruts, sombres, difficiles d’accès, brumeux. Le groupe, au sein de cette démarche, se fait immatériel. Son existence tangible disparaît au profit de sa musique, qui devient une entité à part entière. Le musicien n’est qu’une passerelle entre la nature et l’auditeur, une ombre chargée d’enfanter un cri primal. Dans le cas de Blut Aus Nord, cette ombre porte le nom de Vindsval.
En 1994, Vindsval monte à Paris le projet solo Vlad et produit deux démos. Cependant, il change rapidement de nom et rebaptise son projet Blut Aus Nord. Il fait appel à des musiciens de session et sort en 1995 son premier album, Ultima Thulée, qui pose déjà les bases d’un Black Metal au style très particulier, en quête constante d’expérimentations et de renouvellement. Bien vite, la musique du groupe est qualifiée d'Avant-Garde ou de Post Black Metal. L’année suivante sort le second album, Memoria Velusta 1- Fathers Of The Icy Age. Cinq années de relatif silence suivent, pendant lesquelles Blut Aus Nord, de plus en plus auréolé de mystère, commence à devenir un objet de culte dans l’underground. Il faudra attendre 2001 pour voir la sortie de The Mystical Beast Of Rebellion, considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre du groupe. Suivra en 2003 The Work Which Transforms God, qui sera à son tour suivi en 2004 d’un split avec le groupe Reverence (Decorporation 10), puis en 2005 d’un ep, Thematic Emanation Of Archetipal Multiplicity. En 2006 suit le nouvel album du groupe, Mort, très attendu après un ep qui aura fait débats.
Vindsval est le seul fil conducteur du groupe depuis ses débuts, les musiciens allant et venant autour de lui. Il donne à la musique de Blut Aus Nord une vision unique et ambitieuse, qu’on ne retrouve dans le Black Metal que chez des groupes comme Ulver ou Solefald. La discographie du groupe témoigne d’une constante évolution et remise en question. Au fur et à mesure des albums, sa musique délaisse de plus en plus les codes traditionnels du Black Metal et incorpore de nombreux éléments électroniques, accentuant son côté atmosphérique. Nombreux sont ceux trouvant Blut Aus Nord trop abstrait et difficile à suivre, mais il s’agit là de l’essence même du groupe. A l’image d’un Messhuggah (dans un style bien différent), il n’a cure des réactions et reste fidèle à ses idées et à sa démarche jusqu'au-boutiste, toujours surprenant et insaisissable. 

16 / 20
15 commentaires (16.87/20).
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Hallucinogen ( 2019 )

Blut Aus Nord fait partie de ces quelques emblèmes phares du Black Metal qui savent prendre des risques. Hallucinogen marque un changement radical de l’approche de leur musique, une anomalie dans leur discographie jusque-là cohérente en tous points. Le jeu en valait-il la chandelle ?

Depuis presque 25 ans, nos compatriotes nous servent un Black Metal difficile d’accès, extrême dans son approche, se réservant à une minorité de fans qui demeure malgré tout très solide. Hallucinogen vient poser un jalon inattendu et propose un tournant radical, le premier choc étant le son des instruments. Ce qui fait avant tout la personnalité d’un groupe est le son qu’ils choisissent, il s’agit du premier contact avec l’auditeur et peut déterminer à lui seul l’appréciation que l’on fera de la musique d’un artiste. Ici les repères sont chamboulés : tout est beaucoup plus net, plus clair et lisible. Loin d’être un détail, cet élément seul transforme les compositions pleines de brouillard et de tempêtes où l’on distinguait vaguement des formes terrifiantes en nuit claire, où la pleine lune éclaire un chemin périlleux. Le choix de marquer les contours sonores des instruments porte avec lui l’ambition de faire des compositions plus détaillées, de varier les lignes mélodiques et les tempos. Le défi auquel est confronté Hallucinogen est de garder l’identité de Blut Aus Nord tout en transformant un de ses éléments centraux et indispensables. Pourtant force est de constater que la sauce prend : impossible de confondre avec un autre groupe, les chœurs sont plus présents que jamais, la sensation de vertige saisit aux tripes, quelques transitions de batterie et on retrouve immanquablement ce qui fait tout la saveur et le talent de Blut Aus Nord.

Plus que la production sonore, l’approche est aussi radicalement changée dans la manière d’aborder les compositions. Avec une grande influence Post Black dans Anthosmos, les guitares en son clair dans Cosma Procyiris, l’absence de pistes de transition, c’est toute la manière de travailler des français qui change. Tout en gardant cette sensation de grandiose, les ralentissements permettent de créer une ambiance, reculer pour mieux sauter dans le vide spatial en quelque sorte. Car oui si Haalucinählia se permet une progression en son clair d’une minute et demie, c’est pour mieux percuter quand les ténèbres déferlent à nouveau sur l’auditeur. Moins difficile à aborder de par sa structure, il est beaucoup facile d’apprécier le talent du quatuor à l’efficacité de leurs constructions : les 48 minutes de l’album passent à toute vitesse et ne demandent pas de se concentrer pour être appréciables. Malgré tout, 3 à 4 écoutes sont nécessaires pour profiter pleinement de la richesse de chaque piste (environ 7 minutes en moyenne) et la superposition parfois subtile des lignes mélodiques Nomos Nebuleam

Un cycle se termine pour Blut Aus Nord, un grand livre qui sent le cuir et sur lequel étaient écrites des runes de sang se referme. Portant avec lui le début d’une autre histoire dont les protagonistes seraient les mêmes, on entre une fois encore avec plaisir dans l’univers tordu des normands, familier et pourtant si différend. Pour découvrir et redécouvrir leur discographie, Hallucinogen fera une très bonne entrée en matière

A écouter : Définitivement
16.5 / 20
10 commentaires (17.2/20).
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Memoria Vetusta II : Dialogue With The Stars ( 2009 )

En dépit de son approche bruitiste et dissonante du genre, Blut Aus Nord est désormais indéniablement un des fers de lance de la scène Black Metal hexagonale. Vindsval aura beau se cacher autant qu’il le voudra, la portée de la discographie de BaN dépasse aujourd’hui largement le cadre du simple projet expérimental. La faute peut-être à cette double identité unique que le groupe a développé au fil des années…

Lorsque Blut Aus Nord revient en annonçant un déroutant virage à 179,9 degrés, nous ne pouvions bien que frémir d’impatience d’entendre le deuxième volet de Memoria Vetusta.... Des années qu’on ne l’attendait plus.
Et cette sortie est peut être ce que le groupe a fait de plus probant depuis longtemps. Non pas que les albums parus ces dernières années soient inférieurs : ils sont juste différents… et souvent autrement plus difficiles d’accès. Moins insaisissable, Memoria Vetusta II reprend les choses où elles en étaient il y a treize ans et sonne le retour d’un Metal plus direct organique, froid et épique. Nous voici donc en présence d’un Blut Aus Nord foncièrement différent, mais que nous connaissons déjà et qui arrive encore à nous surprendre.

Répondre aux attentes et innover. Voilà ce qu’est en somme Memoria Vetusta II : Dialogue With The Stars. Une nouvelle réussite dans un style que le groupe maitrise toujours à merveille désormais éclairé à la lumière des expérimentations menées par BaN sur son art noir.
Ce disque est une renaissance.
Le temps n’a pas d’effet sur Blut Aus Nord. A la première étincelle, voilà que le feu sacré qui animait le groupe avant sa longue et intrigante plongée vers la Mort repart. Tous les ingrédients sont là: clavier et grattes acoustiques côtoient des guitares aux sonorités, rêches, glaciales, aériennes et furieusement intelligibles. Chaque piste parait irréelle, se déploie entre déchainement et atmosphères symphoniques soignées. Nous assistons en direct à la mise en œuvre d’un travail d’orfèvre au service d’ambiances envahissantes plus vaporeuses que jamais. Blut Aus Nord maitrise le moindre instant de son œuvre.
Memoria Vetusta II : Dialogue With The Stars est un voyage dans le passé réactualisé. Loin de se complaire dans une nostalgie réconfortante Blut Aus Nord fait du Memoria Vetusta... mais le fait… autrement, de manière plus élaborée. Surement l’héritage de ces dernières années, encore une fois. Et c’est grand, très grand.

Les mots manquent quelque peu pour décrire ce que peut transmettre l’écoute de ce disque. Memoria Vetusta II : Dialogue With The Stars est un album fantomatique, une apparition puisant sa force dans les lointaines racines du style BaN pour le sublimer. Le contexte comptera donc énormément dans son appréciation et il apparaît presque indispensable d’avoir englouti au moins les sorties lui étant le plus directement liées (Ultima Thulée et Memoria Vetusta I : Fathers Of The Icy Age) afin de saisir pleinement la qualité de cet album. Chacun sait maintenant ce qu’il lui reste à faire.

A écouter : comme un retour vers le futur
17 / 20
17 commentaires (16.91/20).
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Mort ( 2006 )

Guidé par des sons nauséabonds, l’homme avance doucement. Sans contrôle, mécaniquement, il ère par devant son dernier voyage. Ses pas le conduisent vers un vide, et il sent peu à peu tout repère se dématérialiser. Le corps est là, flottant dans un espace inquiétant et sans jalons. Tout ce à quoi il a toujours aspiré semble lointain, sans la moindre importance désormais. Ce corps invisible et livide subit les évènements, incapable de quelconque action, endurant des sonorités désagréables. L’endroit n’existe pas, le temps n’a plus aucune valeur, tout est dense mais rien ne semble exister, et la chair de notre personnage n’a plus lieu d’être, perdue dans un labyrinthe sonore. Les sons se mélangent, nul ne saurait dire s’il s’agit de cordes, de voix, de percussions ou bien d’hallucinations qui mélangent ses sens. Une seule certitude cependant : tout est noir. Tout vrombit, tout dissone, tout se mélange, tout est atroce. L’âme tourbillonne, happée dans une spirale qui tourne, tourne, les couches se soulèvent, s’entremêlent diablement jusqu’à créer le néant. Les échos macabres, les ombres qui sifflent tout autour, ces présences gênantes de discrétion, d’où viennent-ils ? Il le sait désormais, notre être a franchi le pas vers ce pays inconnu d’où nul voyageur ne revient. Ni peur ni aucun sentiment, tel est le présent, et petit à petit, il abandonne son existence, sans regrets ou remords, et se laisse glisser dans les méandres d’un voyage monotone et infernal dont il n’a plus les commandes. Horrible ou pas, il n’a pas le choix, tout avance irrémédiablement, dans une direction impalpable. Désormais atteinte en son sein, l’âme rampe péniblement, crispée. Toujours ces sons, ces interminables sons qui tourbillonnent, presque calmes, qui s’échappent. Sont-ce toujours les mêmes ? Ont-ils évolué ? Qu’importe, ils la font trembler, craindre, au fond d’elle-même, et seul une discrète marque rythmique lui donne espoir, car tout est flou autours d’elle, et la notion même de cécité sensorielle ne saurait décrire cette perte de repères inéluctable qu’elle a subit. Le vent ne souffle plus, les ténèbres font face à notre ombre comprimée, ils émettent des bruits étranges et sales. Et pourtant, pourtant, une once d’humanité semble maintenant en sortir. Cet abysse immatériel vers lequel nous nous plongions, le voici qui nous lance des signaux d’apaisement, et qui enfin offre une stabilité. Des chants clairs, oui ce sont des voix perceptibles, enfin quelque chose de palpable, une métaphore sonore agréable. Enfin l’être livide se sent accepté et sent l’espoir d’une explication à tout ce qui lui arrive. Les ténèbres s’apaisent, le temps est moins noir, ces voix rassurent, et tout devient plus précis. Pour autant, l’avancée improbable continue, reprend son droit. Certes elle fait moins peur à l’âme vagabonde, elle est plus précise, elle offre plus de détails, mais elle continue inexorablement. Un chant, un rythme précis, des mélodies sombres et improbables reprennent le dessus, la machine est déjà relancée, elle offre presque des repères. Puis, alors que l’esprit embarqué dans ce périple est en confiance, tout s’emballe. Non, rien n’accélère, rien ne devient plus fort, et même, tout est incroyablement semblable au peu de repères qui ont été glanés. Mais tout s’effondre. Les bases fraîchement acquises glissent, dans une monstrueuse descente vers le rien. Alors que la décomposition du corps de cet homme s’était faite sans douleurs, voici cette deuxième perte de repères, après ce traître espoir, et celle-ci est terrifiante, car il réalise, il sait. Ces voix abjectes qui l’accompagnaient et ces bruits si étranges, ils sombrent désormais vers un trou noir, vers la fin. Il le sait, il n’y aura plus rien après, et tout cela n’est d’ailleurs rien. Tout est happé vers les ténèbres, le temps est passé, l’espace n’a plus lieu d’être, la chute n’en finit plus et tout converge en un seul point, une seule vérité. Tout est fini : l’homme est Mort.

A écouter : Si l'on attend de la musique des expériences nouvelles.
17 / 20
4 commentaires (19/20).
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Ultima Thulée ( 1995 )

L’artwork annonce la couleur: Blut Aus Nord est un groupe déroutant. Derrière ce patronyme allemand se cache en fait un groupe parisien dont le maître d’oeuvre est le chanteur/guitariste/compositeur Vindsval. Le livret ne fait rien pour dissiper la confusion. Il est en effet constitue d’une succession de paysages surréels baignes de teintes sombres et bleues, et ne contient absolument aucune information. Les seuls textes, les titres de l’album et des différents morceaux, sont indistincts et se fondent dans cette masse bleutée, donnant a l’ensemble un sentiment brut ainsi qu’une homogénéité certaine.

Ce parti pris graphique est a l’image de la démarche de Blut Aus Nord. Qu’importe son origine, ses raisons d’exister, son sens premier ou les personnes l’ayant enfantée, la musique elle-même est tout ce qui importe. Pure car sans passé, elle existe dans l’instant. Constamment renouvelée par de nouvelles lectures et états d’esprit, évoluant avec l’auditeur. Ultima Thulee est une invitation constante a se perdre, a craindre, a s’émerveiller.

L’album, le deuxième de Blut Aus Nord, se compose de 8 plages sonores. 8 voyages, 8 rêves, 8 cauchemars. Le black metal ici pratique répond aux codes du genre, mais son intérêt réside ailleurs, car le groupe mixe ici de nombreuses influences.

Les guitares acoustiques introduisant par exemple Till I perceive bifrost, sont de toute beauté, et rappellent facilement les ouvertures pleines de grâce d’un Battery ou d’un Fight Fire with Fire (Mettalica). Blut Aus Nord n’a cure des réactions que pourraient provoquer ces incartades auprès des "puristes"; la preuve en est le morceau clôturant l’album, The Last Journey of Ringhorn, qui, a mi-chemin, s’embarque sur un rythme quasiment techno, bientôt rejoint par la chevauchée des guitares et le chant black qui confèrent a ce qui peut être un genre stérile une émotion indéniable. Et que dire de ces deux morceaux totalement ambiants, l’un uniquement compose de chants a consonance religieuse, l’autre contenant des nappes de claviers rêveuses? Ces incursions cristallisent une ambiance, un sentiment a chaque fois renouvelé. A travers de tels moments, on se prend a s’imaginer dans un monastère délabré, seul parmi les âmes en peine, les coeurs déchirés et les esprits furieux.

Ultima Thulee témoigne d’une violence de l’esprit même dans ses moments calmes, mais il s’agit la d’une violence teintée de mélancolie, de beauté. Ici, il n’est pas question de virtuosité instrumentale, mais de musique au service de sentiments. Les guitares sont rageuses et brutes, supportées par une batterie frénétique, et les claviers très présents mais sobres. La musique a un pouvoir d’évocation absolument énorme, supporte par un chant black atypique. L’album a ete produit de manière a donner a la voix de Vindsval un ton particulier, donnant l’impression qu’a chacune de ses incursions, elle émerge du chaos, s’élève parmi le fracas de la terre, comme si l'auditeur avait le privilège d'effleurer une chose rare. Cette voix peut a la fois évoquer des cris démoniaques, des pleurs d’enfants, une âme déchirée. A la première écoute, la découvrir est un choc total. Et s’il y a paroles, elles sont totalement indistinctes, renforçant le sentiment que l’auditeur n’a pas affaire a un chant, mais a un élément, un son directement issu du plus profond des abysses.

Le chant de Vinsval est a l’image du reste. La musique de Blut Aus Nord, en plus de s’écouter, se ressent. Viscéralement. Il n’est finalement pas question ici de musique, mais d’un moment particulier ou l’auditeur ne va faire qu’un avec la nature. Son recueillement, sa violence extrême, son chaos, sa mélancolie, et sa beauté.

Un album bouleversant.

A écouter : tout, dans l'etat d'esprit adequat.