J'écris ces lignes alors que j'ai tout récemment achevé ma lecture de l'excellent American Gods de Neil Gaiman. Un roman que j'envisageais déjà de lire depuis pas mal d'années, mais toujours repoussé à plus tard, comme tant d'autres. Et puis il y a eu un déclencheur. Le même déclencheur qui, en 2010, m'a fait m'attaquer à des monuments comme Wheel Of Time ou A Song Of Ice And Fire : des morceaux qui captivent, fascinent, au point que non content de les écouter encore et encore, il devient nécessaire de connaître ce qui a pu inspirer une telle merveille...
« Keep faith - keep faith - In awe and wonder »
Après deux disques conceptuels et orchestraux - Beyond The Red Mirror, qui restait du côté Metal, à l'inverse de Legacy Of The Dark Lands par conséquent sorti sous un nom altéré d'un Twilight Orchestra -, Blind Guardian était arrivé au bout d'une démarche. Un peu comme en 2002, A Night At The Opera était une sorte d'achèvement dans leur recherche d'une musique toujours plus riche et complexe, après quoi ils étaient revenus à du plus direct et accessible (sans pour autant faire dans le simpliste, ce n'est pas du tout le genre de la maison). Un retour en arrière en quelque sorte, avant éventuellement de repartir dans une nouvelle direction. À ce titre, The God Machine s'impose bien plus comme le successeur de At The Edge Of Time que des deux suivants : moins symphonique, plus Heavy, plus accrocheur. Des titres comme Deliver Us From Evil ou Blood Of The Elves en sont l'exemple frappant, renouant avec un Heavy / Speed plus agressif, sans pour autant sacrifier leur implacable science de la mélodie. Et que dire de Violent Shadows, dont les couplets flirtant avec le Thrash s'enchaînent à merveille aux envolées du refrain ? Quand en prime on est un adepte de The Stormlight Archive qui en a inspiré les paroles, ça laisse d'autant moins indifférent.
Qu'on se rassure, Blind Guardian n'oublie pas non plus son sens du grandiose : au-delà des chœurs qui viennent régulièrement soutenir les refrains, certains morceaux nous emmènent vers des sommets de l'épique : on a déjà évoqué Secrets Of The American Gods, mais de ce point de vue, Life Beyond The Spheres ou le final Destiny ne sont pas en reste. Côté inspiration, le groupe continue de puiser essentiellement dans l'imaginaire, notamment la littérature Fantasy (The Stormlight Archive, The Kingkiller Chronicle, la saga du Sorceleur), le Fantastique (American Gods, The Leftovers), la SF (Battlestar Galactica) ou même les contes (La Vierge des Glaces d'Andersen), sans pour autant s'y limiter, allant voir du côté du théâtre (The Crucible d'Arthur Miller, qui traite des procès de sorcières de Salem) ou de la théorie du Big Bang. Au fond, rien de très surprenant quand on connaît le reste de la discographie, mais quand on entend ce que ça leur inspire, on ne va certainement pas le leur reprocher.
Non, si l'on devait exprimer un unique regret, il viendrait des bonus, qui se limitent à trois versions alternatives quand on aurait aimé retrouver Children Of The Smith, composée en 2016 pour le jeu vidéo The Dwarves (adaptation des romans de Markus Heitz) et qui n'apparaît à l'heure actuelle sur aucun disque… mais sachant que le titre n'est pas non plus disponible sur les plateformes de téléchargement, uniquement sur sa vidéo Youtube et en générique de fin du jeu, il s'agit certainement d'une question de droits. Et ce n'est pas comme si cette absence remettait en question la qualité de l'album.
Après un Legacy Of The Dark Lands qui demandait qu'on s'y investisse avant de l'apprécier pleinement, Blind Guardian livre avec The God Machine un de ses opus les plus Heavy et accessibles, tout en conservant sa richesse ainsi que sa faculté à nous happer pour ne plus nous lâcher malgré les écoutes répétées… et cette aptitude à nous ouvrir aux univers qu'ils arpentent. Après tout, ce disque m'a déjà donné le coup de pouce nécessaire pour m'offrir et lire le fameux roman de Neil Gaiman, qui sait s'il ne va pas bientôt me pousser vers Battlestar Galactica malgré mon attrait très modéré pour les séries ?