7 novembre 2014, s’accordant une pause pendant les sessions d’enregistrement de Pillars Of Ash, le bassiste Jonathan Athon enfourche son Harley et part se balader. Quelques instants après, il est percuté par un chauffard. Il décédera deux jours plus tard. Ce jour là, c’est bien plus qu’un membre fondateur de Black Tusk que perdirent Andrew Filder et James May : ces trois-là se connaissaient depuis leur adolescence. On imagine donc aisément la charge émotionnelle que représente la sortie de ce 4ème LP (les parties d’Athon étaient enregistrées) qui se mue en hommage le temps d’un Walk Among The Sky.
Un marteau-pilon en guise de section rythmique, une basse rugueuse, des riffs saccadés, le tout dominé par un trio de voix alternant le caverneux et l’aigu, réverbération à fond, voilà la recette du « Swamp Metal ». Ça sent la crasse, c’est gras, ça colle aux tympans : bienvenue chez les rednecks. Mélomanes en quête de subtils arpèges, passez votre chemin !
C’est par un "Here we go again!" qu’Andrew Filder nous accueille dès les premières secondes de God’s On Vacation et on ne le contredira pas. L’écoute d’un album de Black Tusk ne se caractérise en effet pas par un suspense haletant, on sait généralement assez bien où l’on met les pieds. Avec Pillars Of Ash, les Géorgiens nous proposent cependant une version particulièrement brute de décoffrage de leur Swamp Metal. Oubliées les prémisses d’expérimentations aperçues sur leur précédent EP, Vulture’s Eye, cap plutôt sur un retour aux sources (dont ils ne s’étaient jamais énormément éloignés…).
Vous l’aurez donc compris, si vous êtes à la recherche d’autre chose qu’un grand défouloir au son un peu crade, vous risquez de rester sur votre faim. De nature déjà très basique, dépouillé de toute « fioriture », le son de Black Tusk finit fatalement par devenir répétitif. Pourtant constitué de morceaux puissants, Pillars Of Ash parait paradoxalement sans relief. Contrairement à ses prédécesseurs aucun titre ne se détache ici suffisamment pour porter et incarner l’album. Bleed On Your Knees ou Born Of Strife font bien partie des temps forts mais ils n’ont définitivement pas la force d’un Set The Dial to Your Doom (Set The Dial) ou d’un Embrace the Madness (Taste the Sin). On a beau chercher, le groove de cette basse vrombissante et la moite chaleur des riffs psychés si caractéristiques de la scène du sud des États-Unis manquent à l’appel. Il y a hélas beaucoup trop de plages quelconques, à l’image de Beyond your divide, pour empêcher d’avoir la sensation, comme frappé d’amnésie temporaire, de n’avoir pas retenu grand-chose des 35 minutes qui viennent de s’écouler.
Alors que toute la scène de Savannah est en perte de vitesse à force d'expérimentations psychédéliques hasardeuses (Kylesa) ou de virages indie peu convaincants (Baroness), Black Tusk souffre du mal inverse et semble enfermé dans un style qu’ils n’arrivent pas à renouveler. Ces trois formations partagent finalement, chacune à leur manière, un manque de (bonne) inspiration. La sévérité de ce constat est à la hauteur des espoirs déçus mais que cette chronique ne vous dissuade pas d’aller les voir en concert : ces gars-là sont des bêtes de scènes et c’est peut-être sur ce seul critère que Black Tusk devrait être jugé.
A écouter : God’s On Vacation, Bleed On You Knees, Born Of Strife