Black Sheep Wall
Postcore

Songs For The Enamel Queen
1. Human Shaped Hole
2. New Measures of Failure
3. Concrete God
4. Ballad of a Flawed Animal
5. Ren
6. Mr. Gone
7. Prayer Sheet for Wound and Nail
Chronique
Six ans après un album conceptuel aux intentions suicidaires (I’m Going To Kill Myself), le quintet Sludge / Hardcore mutant de Los Angeles nous gratifie d’un quatrième long relativement passé inaperçu, encore une fois (n’est pas coutume) salement chargé en déchirures émotionnelles comme musculaires, gardant néanmoins quelques surprises de taille sous son coude outrageusement massif.
En 2015 le processus autodestructeur se terminait sur un titre mastoc d’une durée de 33 minutes, l’ironique Metallica ressemblant davantage à une expérience sensorielle digne d’un Old Man Gloom, qui n’a fatalement pas plu à tout le monde. En 2021 Songs For The Enamel Queen s’ouvre de manière plus « accessible », tout en confirmant des menues accointances Screamo via la voix écartelée de Brandon Gillichbauer, ex-bassiste et désormais hurleur à plein temps, tandis que la quatre cordes est martyrisée par le jeune premier Juan Hernandez Cruz. Un chant pleinement incarné donc, mais la densité absolument écrasante des débuts de Black Sheep Wall se refait une place de choix, à travers la première grosse patate de ce nouveau parpaing d’environ une plombe : New Measures Of Failure et ses plus de treize minutes torturées, tiraillées entre riffs gras, finesse structurelle, mélodies dépressives et spoken words doublés. Tranché en son sein par une vision d’errance putride, les pieds englués dans une terre morte, encourageant à lâcher prise vers le néant. Une présence à priori divine nous sort finalement de notre torpeur (Concrete God), cernée de circonvolutions de guitares / basse / batterie pouvant évoquer un Intronaut ramené fissa de l’espace vers les souterrains les moins éclairés.
Plus loin Ren passe nos certitudes au rouleau compresseur, malaxe nos synapses en prenant soin de ne pas les faire saigner, et nous permet ainsi de conserver nos facultés afin de réceptionner avec délice les cuivres qui surgissent au milieu de ce parcours de la combattante, une nouvelle fois tumultueux. Les hurlements ne faiblissent pas pour autant et les sombres mélodies prennent leurs quartiers, qui, à peine installées, finissent bouffées par le martèlement déstructuré d’instruments agonisants. Alors que Mr. Gone écrase tout ce qui reste d’humain en nous, d’où s’exprime un Sludge teinté de Death, augmenté de mouvements rythmiques imprévisibles, le monstrueux Prayer Sheet For Wound And Nail parvient à annihiler le moindre début de trace de bonheur qui subsistait éventuellement. Les guitares n’en finissent plus de muter, comme le chant, d’une pertinence extrême, l’ensemble bousculé en permanence par les assauts amples et concassés du duo basse / batterie, ou bien imprégné de variations atmosphériques et mélodiques farcies de spleen viscéral.
Songs For The Enamel Queen valait bien six ans de gestation pour aboutir à une telle avalanche de sensations, aux tiroirs multiples desquels Black Sheep Wall extrait une mélancolie peut-être moins nihiliste qu’auparavant, mais toujours abyssale. Il s’agit de s’y jeter corps et âme et à répétition pour en capter toute la sève mystique.
Songs For The Bandcamp Queen.
Cet album restera encore longtemps, pour moi, un des meilleurs albums de sludge/metal. Pas le genre de disque que je fais tourner tout les jours, mais celui que je lancerai en boucle dans les pires moments. La rage au ventre. Monumental!