Faire du bon punk rock de nos jours s’apparentent à une quasi-mission, un sacerdoce, destiné à défendre vacillement un héritage en péril. En s’acquittant à merveille de cette tache, Bigblast aurait à ce titre le droit d’être considéré comme un des gardiens du temple. Mais Bigblast proprose plus qu’une simple défense de la tradition, il tend le micro à la modernité de la discipline.
Disons le d'entrée, tout de suite, sans formule alambiquée : All saviours est un excellent album. Vraiment. Pas de faute de goût, pas de temps mort, pas de titres en-dessous. Tout l’opus est soigné tant dans son mixage que dans ses structures. Une jolie maturité est affichée tout au long, laissant entrevoir le talent d’un groupe qui a travaillé son identité sonore, ses morceaux, ses enchaînements, qui a bien digéré ses influences et qui ne s’est pas présenté sans être au préalable sûr de son fait. Le chant d’Emi, conjugué au féminin pose d’emblée une couleur atypique avec des lignes délicieusement accrocheuses ("Invincible enemy") et un sens de la mélodie sublime. On songe, quand elle fait les chœurs ("Everything Changes"), aux excellentissimes Fabulous Disaster. Et en un mot, on se brise la nuque sans songer au lendemain comme au bon vieux temps du Fat Wreck Golden Age 90’s.
Mais ce n’est pas tout. Chez Bigblast, l’idée que le punk rock mélo soit une friandise acidulé se voit opposer un refus net. Jamais lisse, All saviours se réclame du punk hardcore mélo. Batterie fougueuse ("Waiting for the ego"), basse lourde, riff ténébreux. La mer du quintet ne s’entrevoit pas sans remous. L’influence de l’emocore early 2000’s de groupe comme Thrice ou de formations comme Strung Out, Mute métalisent et électrisent la plupart des lignes de guitare et ne lésinent pas sur les breaks heavy ("36°N 138° E"). Les entames sont nerveuses, les refrains impétueux, sans jamais perdre une once de catchysité. Comme à la grande époque de Rise Against qui fait figure de référence tant dans le dessin – et dessein – général de l’album que dans le chant en back de Liom, qui évoque avec saveur le timbre de Tim McIlrath ("Real or not").
Et quand les voix s’entremêlent, s’entrecoupent, se superposent ou se secondent, le moment devient carrément grand, en atteste ce "Reasons to believe" démentiel qui mérite tout les points levés/fermés du monde. "Doubts, fears and questions won't stop [them] anymore"
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A écouter : "Tonight we own this place", "No repents", "Reasons to believe"