Au commencement, il y a les ténèbres, ceux de l’esprit fermé, l’obscurité des yeux clos. Et puis la musique commence, sans concessions, brutale, pure. Earthborn Evolution vient éclater le noir, le remodeler et le transformer pour donner ce qui n’est rien de moins qu’un chef d’œuvre.
Le dernier né de Beyond Creation est depuis sa sortie sur le haut de la pile de disques, il est en quelque sorte ce vieil ami vers qui on se tourne toujours quand ça ne va pas, le genre de personnes qui nous garantissent des moments d’exception à chaque rencontre. C’est donc à un album d’une ampleur terrible auquel on s’attaque aujourd’hui, qui nous marque pour toute une vie et qui finit par faire partie intégrante de notre paysage musical.
Earthborn Evolution est un monument, une construction gigantesque dont les plus hautes fenêtres se trouvent bien au-dessus des nuages. Les compositions, sans commune mesure avec ce qui se fait dans le Death technique, sont si concentrées et si parfaitement agencées, qu’un seul de leur morceau pourrait remplir un album d’un autre groupe. Les limites humaines sont repoussées tant la virtuosité des musiciens semble infinie. Loin de rendre le tout illisible, la puissance sauvage des instruments ne laisse aucun répit, forçant l’admiration. C’est une fresque terrible qui défile dans notre tête, des couleurs et des images se mélangent à toute vitesse pour former un chaos délicieusement inextricable. Au moment où on ne peut plus suivre, où l’intensité est à son paroxysme, l’univers lui-même semble flancher, se tordre et bouillonner de l’intérieur. Ces transes sauvages à base de mélodies imparables sont jouées par des guitares hystériques qui cisèlent et sculptent chaque son avec une précision chirurgicale et la basse de Hugo Doyon-Karout qui insuffle à son instrument une vie propre, véritable monstre qui malaxe le son et le transcende pour un résultat incroyable. Poussé par une batterie au bord de la rupture, le rythme effréné auquel avance chaque morceau ne laisse pas le temps d’aligner deux pensées cohérentes. Et pourtant, c’est dans ces moments précis que se fait le calme, véritable soupape de sécurité, des plages jazzy viennent détendre l’ensemble (Sous La Lueur de L’Empereur) et permettent de reprendre une respiration avant de replonger dans le chaos.
Les sentiments bruts semblent avoir été éjectés dans les amplis tant la subtilité et la sensibilité transpire au travers de chaque note, bien plus qu’un assemblage complexe il est ici question d’un bouillonnement intérieur qui devait sortir sous peine d’implosion. Ce n’est pas un vulgaire déballage de technique, c’est une œuvre artistique d’une grande finesse, preuve d’un groupe qui est déjà arrivé à maturité au bout de son deuxième album. Si The Aura avait marqué les esprits, Earthborn Evolution est une véritable révélation, un concept qui a été poussé bien au-delà de l’étiquette du Death technique sous laquelle Beyond Creation se place.
Earthborn Evolution c’est le calme et la tempête, l’œil du cyclone et l’ouragan : un chaos indéfinissable d’où est né un chef d’œuvre de premier ordre. Il n’y a aucun aspect sur lequel le quatuor ne brille pas, le groupe expose son talent à chaque note et chaque transition, nous plongeant dans une contemplation de ce qui sera nécessairement un des albums majeurs du genre. La scène metal québécoise peut être fière de compter dans ses rangs de tels prodiges, il ne fait aucun doute qu’ils sauront propulser leur art encore plus loin à l’avenir.
A écouter : Pour comprendre