Ben Frost

Ambient / Minimaliste

Australie

A U R O R A

2014
Type : Album (LP)

Chronique

par Humtaba

Ben Frost est un aventurier des sons. Chaque nouvel album de l’Australien est un voyage vers de nouvelles contrées durant lequel les turbulences sont légions. A plusieurs reprises me suis-je laissé prendre au piège d’un aller simple aux soubresauts vertigineux. Steel Wound en 2003, Theory of Machines en 2006 ou encore le fameux By The Throat en 2009. Chacune de ses aventures regorge de textures et d’atmosphères uniques qui ont permis à Ben Frost de devenir, avec Tim Hecker, l’emblème d’une expérimentation sonore apaisante, rageuse et toujours inédite. Après plusieurs années passées à réaliser des bandes originales pour le théâtre ou le cinéma, Ben Frost revient en 2014 avec A U R O R A, surprenant à plus d’un titre. 


Qu’il peut faire parler, ce nouvel album ! Il faut dire que les attentes érigées au fil des années étaient grandes. Cela faisait cinq ans que le prodige Australien ne nous avait pas gratifié d’un véritable album. La conception d’A U R O R A s’est faite entre de très bonnes mains. Autour de Ben Frost se trouvent entre autres Greg Fox (ex LiturgyShahzad Ismaily ou encore Thor Harris, le viking percussionniste chez Swans. Le tout également sous la houlette de Tim Hecker et Lawrence English en production. Les attentes étaient grandes, vous dis-je. 
Pourquoi cet album porte-t-il à débats ? Outre sa durée assez faible pour le temps d’attente (41 minutes), ce qui surprend rapidement l’auditeur est bien l’usage de sons Techno-Trance  pour le moins déconcertants. Nolan, Venter ou encore A Single Point of Blinding Light en sont les exemples les plus marquants. Alors oui, je ne dirai pas le contraire. À la première écoute, l’étonnement qui me parcourait était aussi grand que l’attente suscitée. 
Le premier morceau donné en pâture, Venter, laissait déjà entrevoir ce penchant pour, disons-le, une certaine facilité mélodique dont Ben Frost ne nous avait pas habitué. Le côté industriel du morceau parvient cependant à y donner une dimension surréaliste et bruitiste délectable. L’entame est tout aussi formidable, avec cette montée en puissance percussive menée par le grand Thor Harris. La présence de sons de cloches (que nous retrouvons aussi sur The Teeth Behind Kisses et Nolan) avant la déflagration sonique est elle aussi à rapprocher de ses  travaux chez Swans

Toutefois, le morceau le plus étonnant à cet égard reste indéniablement Nolan. Tandis que Ben Frost s’évertue à superposer un nombre incalculable d’effets noisy, le tout rythmé par un une basse gargantuesque, le morceau décolle vers 5min25 et l’arrivée d’un synthé édulcoré façon Techno 90’s pour le moins surprenant. On arrête la lecture. On regarde la jaquette, circonspect. Non, je ne me suis pas trompé. Il s’agit bien de la nouvelle sortie studio de Ben Frost. On termine l’album, interloqué, soufflé, bousculé comme d’ordinaire, mais non pour les mêmes raisons. La déception primaire à l’écoute de ce nouvel album a véritablement commencé à disparaître qu’au bout d’une bonne dizaine d’écoutes. 
Ces morceaux aux passages si décriés ne me dérangent plus, constituant même selon moi les points forts d’A U R O R A. Nolan et Venter sont de véritables pierres angulaires de la nouvelle proposition de Ben Frost. Ajoutons à ceux-là Sola Fide et ses assauts noisy sous couverts de basses étouffées en filigrane d’une puissance magistrale, ou encore Secant et sa mélancolie bruitiste. Non, le véritable problème de cet album est bien son inégalité dans la qualité. Flex en introduction, The Teeth Behind Kisses ou encore No Sorrowing n’apportent pas grand chose à l’œuvre finale et participent plutôt à alourdir le propos. 


A U R O R A constitue bien un challenge d’ouverture d’esprit pour les plus réfractaires aux élucubrations technoïdes. Toutefois, la dichotomie assumée n’enlève rien à la qualité habituelle des compositions fantasmagoriques de Ben Frost, quelque part entre Ambient cauchemardesque et Techno-Industrielle décharnée. Le fourmillement d’innombrables détails pernicieux plonge l’auditeur dans un bain d’acide dont l’épiderme peine à se remettre. Vous êtes prévenus. 

15

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