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Biographie

Bell Witch

C'est à Seattle, en 2010, que Dylan Desmond (Basse / Chant) et Adrian Guerra (Batterie / Chant) forment Bell Witch, duo de Funeral Doom Metal. Après une première démo remarquée en 2011, le groupe signe chez Profound Lore Records. Suivront deux albums particulièrement acclamés : Longing (2012) et Four Phantoms (2015). Après un courte tournée européenne en 2015 et un passage inoubliable au Roadburn, Adrian Guerra décide de quitter le groupe. Il est remplacé par Jesse Shriebman. Guerra décède brutalement en mai 2016. Le nouvel album de Bell Witch, intitulé Mirror Reaper, qui sort en 2017, lui est dédié...

Chronique

16.5 / 20
4 commentaires (16.88/20).
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Mirror Reaper ( 2017 )

Depuis la sortie de sa première démo en 2011, Bell Witch, duo funeral-doom de Seattle, a pris l'habitude de s'adonner à la pratique d'une mimésis sonore d'une vertigineuse profondeur qui narre ectoplasmes et émanations, spectres et revenants. Avec la sortie du troisième album du groupe, Mirror Reaper, c'est la vie, la redoutable, la sournoise et imprévisible, qui hante la création musicale et la fixe pour l'éternité. Parce que Adrian Guerra, batteur et cofondateur du groupe, quitte l'aventure Bell Witch en 2015, remplacé par Jesse Shreibman ; parce qu'il décède brutalement en mai 2016 tandis que le désormais nouveau duo est en pleine composition d'un nouvel album, son ombre plane nécessairement sur Mirror Reaper et la mimésis devient catharsis...

Mirror Reaper est un seul titre de plus de 83 minutes qui évoque cette zone grise entre la vie et la mort, lorsque le corps sait qu'il se meurt et que sa conscience fatiguée s'égare en conjectures. Puis l'acceptation, puis le long chemin vers l'effacement... Alors seulement, et pour paraphraser Gaston Bachelard, l'être à l'intérieur de soi digère lentement son néant. Très lentement. Car Bell Witch maîtrise si bien son down-tempo qu'il réussit un véritable coup de maître et régénère littéralement la notion même de temps ; la nouvelle norme est le temps long qui use, détache et détruit tout. Et paradoxalement ces 83 minutes paraissent si courtes !
Après une introduction minimaliste où Dylan Desmond gratte légèrement quelques cordes, les drums de Jesse Shreibman viennent lentement (pas plus de 30 ou 40 bpm) rappeler l'identité de Bell Witch (2'40''). Sur des accords simples et répétés apparaissent un growl (6'45''), puis une deuxième voix, presque grunt (9'00''), et enfin une voix claire (10'08'') dont la profondeur semble ralentir encore le tempo d'ensemble. Les voix se taisent (13'00''), la basse se fait plus lyrique (14'45''), les drums attendent leur tour (17'10'') durant ce long moment qui s'étire presqu'indéfiniment sur un retour aux notes de l'intro... Ainsi oscille Mirror Reaper, entre basse épaisse, légère caisse claire et growls caverneux (26'41'') jusqu'à cet instant dilué, lorsque trois voix différentes s'expriment sur des lignes parallèles. C'est le moment d'Adrian Guerra ; c'est le moment de la césure ; du pli. Après, la mort. Viennent plus de vingt minutes suspendues (48'00'' à 70'00'') au fil d'une basse sanglotante, d'un orgue Hammond diaphane et de la voix claire du musicien additionnel de toujours, Erik Moggridge. Un long instant déchirant où chaque seconde semble ensevelie sous un torrent d'éternité. Reviennent les drums et les accords initiaux, s'envolent les craintes et les angoisses vitales...

Même si le procédé du « titre-album » est loin d'être une originalité, même si l'on pense, pêle-mêle, à des groupes comme Dirge (Wings of Lead over Dormant Seas) ou Sleep (Dopesmoker) qui, dans le passé, ont réussi à en donner de superbes exemples, Bell Witch frappe ici un énorme coup, trouvant le juste équilibre entre homogénéité et contenu tout en conservant une incroyable et constante densité ! Mirror Reaper est un tour de magie. Une évocation sonore entre l'avant et l'ailleurs, par delà la montagne des douleurs, à travers les plaines de l'espoir. Mirror Reaper est une expérimentation d'une oblique mélancolie, doucement siphonnée par les anges du tourment, au dessus de laquelle planera indéfiniment l'émanation d'Adrian Guerra.
Sublime.

A écouter : D'une traite...