Cinq longues années. Jamais les Polonais n'avaient laissé écouler autant de temps entre leurs albums et pour cause. On a tous encore en mémoire la leucémie diagnostiquée chez Nergal en 2010, mais contre toute attente et alors que les médecins le disaient condamné, il a vaincu sa maladie. Ainsi, le groupe revient de loin avec ce The Satanist, recueil de haine déversée pour toutes ses années de combat et de souffrance, mais pas comme on l'escomptait.
Déjà Blow Your Trumpets Gabriel, qui tournait depuis quelque temps sur la toile, annonçait un changement de la vision du groupe depuis Evangelion. Behemoth sonne le cor de chasse et vous aurez beau fuir ou vous cacher, impossible de leur échapper. Pourtant, lors de la première écoute, on retrouve leur son lourd et reconnaissable entre mille mais avec sa pointe de nouveautés intelligemment amenées et mêlées à l'agressivité quasi-constante de cet album. Chaque instrument est mis en avant comme sur le très violent Amen où la basse d'Orion vient résonner face au martèlement incessant d'Inferno sur sa batterie. Les riffs, en apparence aussi massifs qu'auparavant, se transforment et tendent vers un continu typiquement black metal. Les musiciens nous prennent aux tripes et, comme si ça ne suffisait pas, Nergal, qui fait preuve d'une dextérité vocale impressionnante, nous assaille de ses paroles délicieusement blasphématoires tel un serpent qui crache son venin (Messe Noire).
Malgré tout cela, le son de Behemoth, comme son esthétique, est bien plus posé et épuré qu'il a pu l'être dans le passé, ne serait-ce que par sa production parfaitement soignée et percutante. The Satanist, entre autres par son morceau éponyme et ses nombreux cuivres, marque un nouveau tournant dans la carrière du groupe, pour le meilleur.
Les leaders de la scène blackened death metal nous offrent un opus aux multiples facettes avec un groove très marqué qui différencie chaque morceau. Alors qu'on est face à leur disque le plus black depuis leur revirement death en 2002 avec Zos Kia Cultus (Here And Beyond), on se retrouve en présence de compositions à la hauteur jamais atteinte chez la formation polonaise (Ben Sahar). Une étonnante cohabitation entre tous ces titres qui, à terme, se complètent. C'est dire à quel point cet album à la particularité de ne jamais se répéter, tout en gardant un rythme dantesque. Que ce soit du typé "single" Ora Pro Nobis Lucifer avec son refrain terriblement accrocheur, au technique mais décousu In The Absence Ov Light, jusqu'à l'incroyable final de O Father O Satan O Sun! dépassant même un certain Lucifer par sa grandeur. Chacun d'eux apporte sa pierre à l'édifice qui marquera The Satanist comme un album résolument à part dans la discographie du groupe.
Il me vient alors une question. Les Polonais auraient-ils passé un pacte avec le diable pour tirer leur leader d'une mort certaine, en échange de quoi ils leur fallait nous déverser noirceur et apocalypse à travers ce The Satanist? Si tel est le cas, le contract est respecté.
Behemoth au top de sa forme avec un album vraiment bon qui frole la perfection avec ces musiques culte et magnifique, ora pro nobis, messe noir, o father, blow your trumpet...
Tout simplement bon et le meilleur du groupe, que ce soit en live ou en studio, ce groupe est vraiment enorme.