Certaines rencontres d’artistes donnent lieu à de nouvelles pages. Ce fut le cas de Braque et Picasso qui accouchèrent du cubisme par le jeu de leurs observations réciproques. A l’inverse Basquiat et Warhol ne parvinrent pas à fusionner réellement et peignirent des toiles qui se contentaient de juxtaposer leur style. Beau Navire est en entre les deux.
Car, que ce soit par sa Demo ou par ce Life Moves, Beau Navire renvoie du fond de sa cale un son qu’on ne saurait ignorer, un son qui rappelle les deux entités qui constituent le combo. Ainsi, l’hystérie vocale verse irrémédiablement du côté d’I Wrote Haikus ("Croscosmia") tandis que la tension des instruments atteste de la présence évidente de Loma Prieta ("March Of 03"). Le cachet perso déposé en bas de la missive, les membres de chaque formation se retrouvent dans l’horizon visée. L’ambition est toujours de fracturer le sol, d’enchainer les plans furieux, d’évoquer le déluge par la mitraille ("Whisper"). Alors clairement, on en prend plein la ganache, sans temps mort, dans une coque emo-violence quasi sans ornements, qui ne plie pas le mat d’un iota face à la tempête rythmique et qui s’évertue à agiter une voile déchirée et frénétique ("Fitting Pieces").
Au rang des nouveautés sur le pont, la jolie dérive lumineuse des guitares façon Suis la Lune sur l’épilogue de "Whisper", accompagnée d’une emotisation appréciable du tempo. Le reste est un pavillon relativement classique. Aussi, pour ceux qui n’ont jamais entendu aucun de ces deux groupes, la vague de fond de Beau Navire leur remuera à coup sûr les tripes et fera bien boire des tasses par litrons. Pour les plus rompus aux habituels traversées des embarcations screamoïques en revanche, de l’amarrage à l’arrivage, l’odyssée aura peut-être un air de déjà-vu.
A écouter : "Whisper"