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Biographie

Battles

Formé en 2003, Battles n’est que l’union musicale d’individus très expérimentés de la scène New-Yorkaise de musiques expérimentales. On compte dans ses rangs le batteur John Stanier (ex-Helmet, Tomahawk), Ian Williams, ancien guitariste des légendaires Don Caballero, et Tyondai Braxton, fils du poly instrumentiste de jazz Anthony Braxton, ayant officié pour Lynx avec Dave Konopka, aussi de la partie. Battles sort rapidement après sa formation de premiers enregistrements prometteurs via les Ep EP C et B EP, qui seront compilés en 2006 par Warp Records sur ce qui sera vendu comme étant le premier album de la formation. En réalité, le premier véritable album du combo, Mirrored, ne sort qu’en 2007, toujours chez Warp Records, et bénéficie immédiatement d’un buzz bien pensé du label anglais qui a bien compris que Battles avait tout à fait sa place parmi les meilleures formations expérimentales de la planète. En mélangeant des influences plus que variées à la sauce math-rock survitaminé, le groupe s’affirme comme une unicité et  donc comme un groupe qui promet d’ores et déjà.

Tyondai Braxton quitte le groupe avant la sortie du deuxième album Gloss Drop en 2011, enregistré en trio donc, mais augmenté de quelques voix connues des milieux indépendants (Matias AguayoGary NumanKazu MakinoYamantaka Eye). Cet objet aura droit à un remix baptisé Dross Glop sorti l'année suivante. Un troisième album débarque en 2015, La Di Da Di, toujours fidèlement distribué par Warp Records. Il faudra patienter jusqu'en 2019, pour poser l'oreille sur Juice B Crypts, quatrième disque et premier en duo, puisque Dave Konopka s'en est allé lui aussi. Reste donc le noyau dur, Stanier + Williams, ici entouré à nouveau par une batterie d'invités (Shabazz PalacesXenia RubinosSal PrincipatoTune-Yards, etc).

Juice B Crypts ( 2019 )

Battles ne se compose aujourd’hui que de deux protagonistes, et pas des moindres puisqu’il s’agit des « cerveaux » Ian Williams (guitare, machines) et John Stanier (batterie), mais persévère et continue d’avancer vers l’inconnu. Fruit de cette persévérance Juice B Crypts remet en effet le désormais duo sur le pas droit chemin de la création, après un La Di Da Divertissant mais un brin redondant.

Peut-être que le fait de réduire le nombre de musiciens fait baisser proportionnellement les tensions au sein d’un groupe et encourage la créativité, ou bien peut-être est-ce le choix d’inviter de nouveau des personnes extérieures à participer à la teuf. Ou les deux. Quoi qu’il en soit Battles retrouve ici ses tripes et nous submerge de sa classe de manière plus ramassée, ce qui n’est sans doute pas un mal. Le champ laissé par le « manque » d’instruments est nécessairement investi par les machines, plus bavardes mais bénéficiant d’un regain d’inspiration, dès le frénétique Ambulance. Les invités ne tardent pas à s’exprimer vocalement ou instrumentalement : la voix délicieuse de Xenia Rubinos sur l’electro-jungle perturbée de They Played It TwiceJon Anderson et Prairie WWWW sur l’acidulé et halluciné Sugar FootSal Principato qui exulte sur l’euphorique et festif Titanium 2 Step, ou encore Shabazz Palaces qui posent leur flow langoureux sur le groove irrésistible de IZM.

A part ça le cyclique Fort Greene Park (dont le clip vaut le détour, comme tous ceux du groupe) nous enjaille par sa mélancolie heureuse, et Juice B Crypts nous fait profiter de sa fausse cacophonie électronique, où Stanier se contente de se faire plaisir sur ses pauvres fûts qui n’ont rien demandé. Ceci avant de nous terminer en deux parties sur Last Supper On Shasta en compagnie des Tune-Yards (projet de la femme-orchestre Merrill Garbus), dans une véritable orgie à plusieurs niveaux de lecture, où les voix haut perchées de la première partie donnent le relais en seconde à une grosse ligne de basse percutée de plein fouet par les cymbales et machines d’un tandem en grande forme, et de conclure dans la plus grande sobriété avec des notes de piano quasi enfantines.

On ne savait pas trop à quoi s’attendre avec ce Battles en duo, sans s’en inquiéter des masses non plus, vu le niveau des deux restants. Et manifestement Juice B Crypts brille autant par une originalité d’écriture complètement retrouvée que des invités judicieusement sélectionnés afin de sublimer les compositions. Un jus au moins aussi bon et vitaminé que Gloss Drop.

Fort Greene Park en clip sur tontube.

A écouter : et à déguster comme un bon jus frais.

La Di Da Di ( 2015 )

On a encore en tête les mélodies vigoureuses de Mirrored, ses rythmes pétés mais gavés de feeling, et son renouvèlement permanent, à travers des titres tels que Race In, Atlas ou Tonto, véritables pépites qui devenaient de magnifiques gourmandises une fois jouées sur scène. On se repasse encore le plus coloré Gloss Drop, bien qu’il ait subit l’amputation d’un de ses membres (Tyondai Braxton), il développait lui aussi de lumineuses idées, soutenues par des vocalistes promptement intégrés aux compositions. Mais l’heure du retour au tout instrumental a sonné pour John Stanier, Ian Williams et Dave Konopka, le nom de l’objet en question ne s’en cache d’ailleurs pas.

Une saveur de Mirrored se fait justement ressentir en ouverture avec The Yabba, empreint de nappes synthétiques, de plans accidentés, mais l’ensemble paraît plus simple à appréhender, bien que ce troisième album contienne son lot de surprises, tout en restant assez homogène. Battles expérimente ici l’aspect minimaliste de sa musique, vise à remplir les espaces en dosant ses intentions, à la recherche d’un équilibre entre complexité et immédiateté. La Di Da Di est sans doute l’album le plus dansant du groupe, des titres comme Dot Net ou Summer Simmer aguichent en ce sens pour mieux nous inciter à y retourner et y déceler de nouvelles sonorités, insondables au premier essai. On est là au cœur de la chimie Battles, mise à nu, explorant des racines africaines plus que jamais présentes, enrobées de ce voile synthétique, force et faiblesse du trio, faisant quelquefois trop disparaître la viscéralité au profit de la performance. Hormis ça, force est d’admettre que ces mecs taquinent toujours sévèrement de leurs instruments et ne sont jamais à court d’idées, preuve en sont les remuants Non-Violence et Dot Com, coulés dans le même moule qu’un Atlas, agrémentés de trouvailles sucrées, baignées dans une ambiance générale assez industrielle, voire mécanique parfois. Une certaine froideur qui donne un intéressant contraste sur les compositions rythmiquement chaleureuses, telle Flora > Fauna qu’on aurait souhaité plus longue.

Battles trace sa route, expérimente peinard, et malgré quelques agacements succincts à l’écoute de ce La Di Da Di, parvient à rester ingénieux, imprévisible et surtout cohérent. Le trio demeure nonchalamment au-dessus de la mêlée par son identité forte et une maitrise instrumentale hors-norme. Attention tout de même à ne pas trop se mordre la queue à l'avenir.

A écouter : au p'tit déj.
16 / 20
3 commentaires (16.33/20).
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Gloss Drop ( 2011 )

Après un Mirrored magistral, paru en 2007, redéfinissant  les contours d’un math-rock qui commençait un brin à se mordre le bout de la queue, Battles est de retour en 2011 sous forme de trio (John Stanier et sa cymbale côtoyant les cieux derrière les fûts, Ian Williams à la six cordes et aux claviers, Dave Konopka à la basse), sans Tyondai Braxton donc, qui a décidé de suivre son propre chemin musical. L’absence de Braxton, considéré par certains comme étant le leader naturel du groupe (certainement parce qu’il chantait) ne modifie en rien la trajectoire empruntée par le premier disque.

Avec ce Gloss Drop, arborant un artwork un tantinet vomitif mais esthétiquement intéressant (faisant apparaître une matière étrange ni liquide, ni solide), les trois musiciens au talent qui n’est plus à démontrer livrent ici une recette instrumentale basée sur les mêmes ingrédients que précédemment, c’est-à-dire un soupçon de math-rock, un zeste d’afrobeat, le tout saupoudré d’electro déviante, comme on pourrait le dire dans le jargon cuisinier.
En entrée, nous avons un délicieux morceau d’afrobeat avec Africastle, aux textures froides et chaudes, éléments electro contrastés regorgeant de détails. Suivi du single aux allures de dessert puisqu’il s’agit d’Ice Cream, un vrai bonbon pour le coup, incluant la voix popisante de Matias Aguayo. S’ensuit Futura, rythmique reggae accélérée et parfois triturée, agrémentée de claviers métalliques et sautillants.
La suite coule de source avec un Inchworm qui revient sur de l’afrobeat  teinté de chaleur et hypnotique, un Wall Street qui pousse davantage vers la transe avec ses claviers tour à tour hyperactifs et psychédéliques, ainsi que sa rythmique tribale à souhait, ou encore un My Machines chanté par Gary Numan fricotant avec l’indus. Puissant.
Pour le dessert donc, Dominican Fade, comme son nom l’indique, nous emmène dans les caraïbes, histoire de nous dépayser et pour mieux enchaîner sur le troisième morceau chanté de l’album, Sweetie and Shag par la voix fiévreuse de Kazu Makino dans un délire cartoonesque.
Après un interlude un peu cheap (Toddler), vient la cacophonie guillerette de Rolls Bayce et White Electric, morceau progressif, dissonant et entraînant, rappelant vaguement Don Caballero.
En guise de digestif, on s’enfilera un Sundome mystique aux accents orientaux et vidéo-ludiques chanté par la voix complètement hallucinée de Yamantaka Eye.

Addition : On a là un Battles reconnaissable, dans la continuité de Mirrored mais renouvelé et enrichi d’ingrédients électroniques (et autres effets) bien intégrés. L’absence de Tyondai Braxton n’entache pas les ambitions créatives des trois restants, on pourrait même presque dire qu’elle les renforce…

Battles est définitivement armé pour l’avenir.

A écouter : dans son entièreté.
17 / 20
14 commentaires (14.89/20).
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Mirrored ( 2007 )

Qu’on se le dise les mecs, quand on se dit un tant soit peu cultivé et ouvert en musique, il y a des trucs qu’on se doit d’écouter, parce que ça fait bien, qu’on peut briller avec fierté dans ses activités socialo intellectuelles en étant dans le coup, ou mieux encore, avoir une longueur d’avance sur ceux qui ne sont pas à la page. La classe non ? Mais pas si fréquent dès lors que l’on parle d’actualité. Heureusement, Battles est là pour vous. Ce phénomène là, c’est un peu cela, le groupe intello arty du moment qui en jette un max, un peu dingue sur les bords, pas opportuniste pour un son (allez !) et même plutôt intelligent quand on a un peu de bagage culturel pour pouvoir l’analyser. Battles donc, en plus de ne pas être qu’un simple coup de sang marketing voyant de la scène indépendante (puisqu’il va falloir compter avec ce genre d’opérations désormais), est une entité qui vaut franchement le détour au milieu des désormais nombreuses mais discrètes formations d’une scène mathrock très intéressante mais toujours jeune.

Passons le côté anecdotique des différents curriculum vitae des membres du groupe (composé d’un ancien Don Caballero, un ancien Helmet –également passé par les rangs de Tomahawk- et un ancien Lynx, formation de free jazz) puisque après tout, Battles sera bientôt bien plus culte que n’importe lequel de ces groupes (Don quoi vous dites ?). Mirrored lance la discographie d’artistes qui font déjà bien parler d’eux tant pour leur passé que pour leur présent. Juste un ep à leur actif regroupant divers essais musicaux saugrenus, qui montraient déjà les facultés intellectuelles engendrées par l’union de ces zouaves, moult concerts à la réputation folle furieuse, les new-yorkais (d’où pouvaient-ils venir d’autre d’ailleurs avec une musique pareille ?) déboulent avec un premier album complètement déjanté, intelligent et frais.

Sur Mirrored, le quatuor n’a peur de rien, bien décidé à bousculer l’ordre établi sans pour autant proposer une musique prétentieuse. Cette liberté se lit dans la fraîcheur que contient ce premier album. Même si les rythmiques imbriquées les unes dans les autres donnent un résultat d’une complexité bien rare, les titres donnent envie de virevolter en rythme, sauter gaiement dans des ambiances et des sonorités tarabiscotées, de surcroît sur des tempos bien soutenus. Le surréalisme d’une musique cokée jusqu’à l’os est poussé à tel point que la somme de détails grouillant atteint dès le premier titre une sorte de normalité qui régit le disque de fond en comble. En somme, tout échappe chez Battles à une logique musicale commune, et chaque titre contribue à la construction d’une morphologie dont seuls ses membres possèdent la clé. A des bases rythmiques dérobées à un Davon Che vieillissant, le combo entortille des boucles tant instrumentales qu’électroniques ou vocales, qui forment la plupart du temps un micmac saugrenu mais très plaisant dans ses sonorités. Le pire dans tout ça, c’est que  Mirrored n'a rien d'ennuyeux, y compris et surtout lorsque sa digestion est bien entamée, et où l’on continue à y découvrir des trésors dans la masse grouillante de détails qu’il contient. Tout y est complexe, trépidant, guilleret, tout est emboîté grâce à des algorithmes saugrenus et illogiques et l’anatomie musicale commune en est mise à mal à tel point que l'on ne comprend plus sur certains passages où elle a bien pu passer tant les phrases rythmiques sont nombreuses à jouer en même temps.

Au final, difficile de décrire mieux que cela la musique de Battles sur son premier disque. Aux frontières de l’electro, de la pop, et du jazz, sur une grosse base mathrock, Mirrored pourrait être rapproché de l’éparpillement qu’a pu avoir un Disco Volante (Mr. Bungle), la cohérence en plus, ou plus récemment du Blessphemy d’ An Albatross pour sa folie et son énergie, mais le jeu des comparaisons n’est pas bien utile ici. Battles est Battles, une entité complètement jetée et qui du coup en jette, un groupe pour nerds avides de musique alternative et intello, et qui pourtant par sa fraîcheur et sa légèreté dressera à n’en point douter l’oreille des plus ouverts amateurs de rock indé.

A écouter : en r�solvant un Rubix Cube