Pourquoi écoute-t-on de la musique ? Beaucoup de raisons savent offrir une réponse
pertinente ; parce que la musique est catchy, parce que les paroles
reflètent une émotion qui nous parle, pour danser, pour passer le temps … et bon nombre d’autres
raisons toutes aussi valables (ou pas) les unes que les autres. Et bien pour Old Smoke de Barishi, non seulement aucune des raisons citées précédemment ne
semblent s’appliquer (si tu sais danser sur Barishi, ouvre une chaine youtube
et apprête toi à comptabiliser des millions de vues qui t’apporteront gloire et
renommée internationale) mais une nouvelle réponse inédite vient s’ajouter à la
liste : être entravé et ne pas avoir d’autre choix que d’écouter.
C’est réellement ce qui semble se produire lors de la
lecture du deuxième opus du trio du venu du Vermont. Composé de six morceaux dont trois font plus
de dix minutes, cet album est littéralement envoûtant. Le premier morceau a ici pour vocation de
lentement mais surement poser ses sangles de maintien insidieusement sur votre
personne pour vous maintenir dans le reste de l’album sans que vous ne puissiez y faire quoi que ce soit. Ainsi privé de liberté, la musique s’empare de votre
esprit et vous impose à sa guise son univers oppressif, mélancolique et torturé
et tandis que vous êtes malmenés à travers les cahots des riffs se succédant,
vous ne pouvez que retenir votre souffle quant à l’épreuve que vous vivez.
Après deux autres morceaux de dix et six minutes, une bouffée d’air de deux
minutes permet de reprendre une peu sa respiration avant de replonger pour une
nouvelle épreuve de six minutes trente, surement la plus intense ici, et le dernier
titre qui donne son nom à l’album met treize minutes à dénouer les liens qui
vous maintenaient jusqu’à lors et vous rendre peu à peu vos facultés dans une
apothéose libératrice.
Intense épreuve mais on y revient volontiers, de par la
qualité de ce qu’elle propose, par son style bien à part, et par l’éclectisme
auquel elle fait référence. En effet, difficile de trouver un groupe, ou un
style qui s’approche clairement de ce qui a lieu ici, même les précédents
albums du groupe ne ressemblent que très peu à Old Smoke. Disons pour illustrer
que l’on trouve des mélodies et des développements de celles-ci comme Mastodon
sait le faire, notamment pour le caractère psyché de la progression, une
ambiance oppressive comme sait la poser Imperial Triumphant avec son black
metal jazzy implacable, et une ésothérie lente et pessimiste, parfois à peine
palpable mais bel et bien présente un peu comme High on Fire ou surement 90 %
des bons groupes de sludge savent faire.
Les mélodies et leur
développement sont principalement véhiculées par les guitares. Ici, outre bien
évidemment marquer le rythme, la batterie a quasiment pour unique vocation de mettre en avant le
jeu des cordes. Cette dernière reste d’ailleurs bien en arrière dans le mix
final contrairement à l’immense majorité de ce qui se fait en metal de nos
jours. Le vocaliste réalise quant à lui une performance vraiment remarquable de
par les émotions qu’il parvient à transmettre avec sa voix d’outre tombe dont
les murmures plein d’effets viennent résonner depuis tous les cotés de cette
cage sonore qu’est Barishi. Bien souvent on n’a pas l’impression d’entendre du
chant, de la guitare, de la basse et de la batterie, mais d’avoir à faire à un
tout organique, qui est cohérent avec ce qu’il est et qui se meut et réagit comme
une seule et unique entité naturelle et démoniaque.
Entre perdition, souffrance et plaisir, on ne reste pas
indifférent de cette expérience qu’est Old Smoke et la myriade d’états
successifs et simultanés dans laquelle on est plongés. A la fois compréhensible
et mystérieux, on a juste ce qu’il faut
pour glisser tranquillement dans cet univers envoûtant et à part que nous
propose Barishi.
A écouter : Blood Aurora, Entombed in Gold Forever