Des guitares stridentes, tel un chant de sirènes maléfiques surgies d'un monde oublié, s'élèvent dans un éther crépusculaire pour ouvrir ce premier album de Bacchus. Et l'enchantement extraordinaire exercé par l'aura trouble de cette musique se perpétuera au long des jours sombres de l'hiver.
Les irlandais s'adonnent à un dark crust épique, furieux et sauvage qui se décline en assauts successifs, percutants et incisifs ; qui s'épanche en des rythmes plus lents et lourds, oppressants, et s'envole en de magnifiques mélodies gorgées de tristesse et d'émotion, scintillantes et froides comme le givre ; déborde en de vastes horizons atmosphériques aux ambiances tragiques et lugubres et perlent des larmes pétrifiées à jamais sur nos joues livides.
Un album tissé de ténèbres et de limbes brumeuses tel un immense voile d'obscurité, reflet de l'incertitude du lendemain.
Errance en des landes stériles et gelées au cœur balayé de cinglantes tempêtes où s'ancre l'anxieuse et douloureuse sensation d'abandon et de solitude.
Plongée dans un hiver sans fin, terrible et glacial, où le poids de l'angoisse, de plus en plus prégnant se transforme lentement en sourde terreur.
Résurgences de peurs ataviques diffuses, dans ce pénible voyage vers une indicible horreur comme s'il s'agissait de rencontrer l'effrayante Cailleach, puissante et séculaire déesse celte, magistralement représentée par l'artwork (Glyn Scrawled Smyth), personnification de la vieillesse, du déclin et de la mort.
Un album pour dire l’inexorable marche vers la déchéance inéluctable de l'homme ; l'homme face à sa faiblesse et à son implacable destin, perdu dans un monde violent à la beauté incompréhensible dont il sort irrémédiablement et éternellement vaincu.
Bacchus fait preuve d'une inspiration prodigieuse et sécrète une musique d'une extrême richesse aux influences diverses marquée par le crust sombre de His Hero Is Gone et les mélodies oniriques d'Alpinist mais où se perçoit aisément l'appartenance à la scène irlandaise (Easpa Measa, Divisions Ruin, The Dagda). Un premier album à la noirceur profonde, où se croisent d'antiques frayeurs et des questionnements actuels non moins préoccupants, et une musique d'une force exceptionnelle qui fait de ce s/t l'un des meilleurs albums de l'année.
Le titre "Parasite" est en écoute sur Bandcamp.
A écouter : En intégralité