Il existe des groupes fort méconnus dont les oeuvres et les prestations marquent à jamais leur époque d'une quelconque manière. Les allemands de B.Abuse font sans aucun doute parti de ces formations. Acteurs de la scène underground européenne depuis le début des années 90, ils nous touchent tant par leur musique tout simplement monstrueuse que par leur imagerie chargée de symboles entre Max Ernst, Tetsuo et Tool version (plus) glauque mettant en avant des corps dénaturés et torturés (pervertis) par des structures métalliques.

B.Abuse réédite aujourd'hui leur immense LP, Misery is the rhythm of the world sorti en 2005 en version CD pour le plus grand bien de tous. Les 4 titres s'étendent sur plus de 40 minutes et explorent avec grande classe une multitude de styles de manière très personnelle. A la manière de Neurosis, les allemands parviennent à imposer une atmosphère glauque, brûlante et introspective remplie de sens. D'un rythme pachydermique piochant dans le post-hardcore et le sludge, la musique de B.Abuse sait s'étendre vers un post-rock tendu et mélodique que Mogwaï et Labradford ne renieraient pas.
Ici les notes parlent d'elles même, ne laissant que peu de place aux vocalises  corrosives et hurlées façon screamo majoritairement prononcées en allemand et aux quelques discours assez énigmatiques (dont un en français).
"Propellerblume flieg", "Und das ende", "Kurz" et "Misery is the rhythm of the world" passent d'une traite sans qu'on puisse vraiment distinguer le passage de l'un à l'autre tant les transitions sont triviales. L'oeuvre des allemands forme un ensemble compact, sombre, dont l'étrangeté attire inexorablement. Entre sludge, doom, screamo hardcore, rock déstructuré, post rock de luxe, B.Abuse pose son empreinte indélébile sur quiconque se donne la peine d'y prêter oreille.

Si ce disque était sorti sur Southern ou HydraHead Recording, il aurait sans doute fait couler bien plus d'encre. Hélas / heureusement (selon) il ne sera sans doute pas distribué au-delà des 1000 copies déjà pressées. A bon entendeur.