Biographie

Art Zoyd

Fondé en 1969 à Valenciennes, le groupe délivre d’abord un rock progressif influencé par Zappa. Malheureusement, après un unique 45T Sangria, le groupe se sépare jusqu’en 1971, année où l’arrivée de G. Hourbette et T. Zaboïtzeff reforme le groupe. Les musiciens délaissent le rock pour se recentrer sur un ensemble plus atypique : 2 violons, une basse et une trompette.
 L’année 1976 voit la sortie du premier LP de Art Zoyd, offrant au groupe la chance de tourner avec Magma à travers la France. En 1978, ils rejoignent le collectif Rock In Opposition (Univers Zero, Fred Frith, …)
 De 1980 à 1984, le groupe tourne à travers toute l’Europe sous l’étiquette « Art Rock ». Durant cette période, le chorégraphe Roland Petit, leur commande un ballet : Le Mariage du Ciel et de l’Enfer. Ce spectacle sera repris à travers toute la France par le groupe, permettant à ce dernier d’offrir une nouvelle vision de la musique plus diversifiée, mêlant autant d’instruments que possibles (électriques, voix, bandes, …).
 Le groupe continue de livrer sa musique sous forme de musiques de films (Nosferatu en 1988, Faust en 1993, Häxan en 1995,…), alliant musique et visuel lors de leurs nombreuses représentations.
 Malheureusement, en 1997, T. Zaboïtzeff quitte le groupe. Le groupe s’associe cependant à l’Orchestre National de Lille pour le projet Dangereuses Visions.
 En 2000, Art Zoyd lance le projet Expériences de Vol. Les morceaux sont d’abord créés sur scène puis enregistrés en studio avec l’aide des musiciens de Musiques Nouvelles. 2001, Art Zoyd se relance dans la musique de films avec Metropolis (de Fritz Lang) à l’occasion de la sortie de la version restaurée du film. Cette création permet l’introduction de Kasper T. Toeplitz au sein de la formation. Le groupe se lance de plus en plus dans la recherche musicale
 En 2004, Art Zoyd lance la première opérette pour robots : Armageddon, avec l’aide d’un roboticien et de Musiques Nouvelles. Deux ans plus tard suit l’oratorio électronique Le Champ des Larmes, mêlant musique et vidéo.

 2007 à 2009 seront des années très riches pour Art Zoyd, avec deux concerts pyrotechniques géants à Valenciennes, une fantaisie dramatique entremelant passé et futur à travers la vidéo et les instruments (Eyecatcher – L’homme à la caméra), puis la création de La Chute de la Maison Usher et enfin un opéra KAIRO, basé sur le roman de Kiyoshi Kurosawa.

Le Champ Des Larmes ( 2006 )

Le Champ Des Larmes. Surréaliste par le nom et la musique, Art Zoyd consacre ainsi un disque à l'un des éléments naturel les plus présents et nécessaire : l'eau. Après une série de disques consacrés à des bandes originales de vieux films, Art Zoyd s'attaque à un nouveau pavé, un album consacré à un élément. Alors qu'en est-il de ces 10 titres qui tourbillonnent sur la platine ?

L'eau. Elément naturel composé de deux molécules d'Hydrogène et d'une d'Oxygène. Et Art Zoyd se lance dans un oratorio mêlant donc musique et vidéo. Le groupe va donc construire le disque autour du spectacle donné. Toutes les phases de l'eau y passent : on se sent porté par le courant et immergé dans Fleuve / Bruit1, assis au bord de la mer un soir d'été sur Eclats de Souffle ou face au feu, élément opposé à l'eau, sur Incendium. Les instruments semblent chacun désordonnés, sans fil conducteur ni sens propre, mais au final, l'assemblage de tout ces élément donne cette sensation de se retrouver entouré de liquide. En effet, l'électronique semble à nouveau s'effacer au profit des percussions, sans pour autant retourner dans les premiers amours du groupe. Les quelques sons autres (des voix sur Murmur Fulminis) sonnent distordus, non distincts, augmentant cette impression d'immersion. Parfois, les notes deviennent dérangeantes, créant un malaise dont l'origine peut paraitre inconnue (le son strident sur Fleuve de Pluie / Fleuve Bruit 2 ou les percussions énigmatiques sur Achron Le Fleuve Obscur). Ceci crée une dimension étrange, comme si l'eau était peuplée de mystérieuses créatures, ou alors simple déformations par l'eau de bruits extérieurs ? Tout prend une autre dimension, la moindre note peut paraître inquiétante. Expérience éprouvante car hormis cette sensation d'eau, les morceaux se succèdent naturellement, avec une transition toujours coulante, mais toutes les compositions sont riches, et peut-être tellement différentes et courtes qu'on ne prend pleinement conscience de l'une que déjà la suivante débute, détruisant les repères. Spectacle composé pour allier musique et vidéo, il manque la seconde partie pour ressentir l'ampleur du travail.


Beaucoup plus difficile d'accès que ses prédécesseurs et à la fois plus simple, Le Champ Des Larmes se ressent. Il est juste nécessaire de se laisser porter par les sons, courant phonique basé plus sur la perception qu'autre chose. La sensation d’Art Rock est bien présente, et au final, les avis seront tranchés, Bruit ou Musique ? Il n'en reste qu'Art Zoyd signe ici, pour les adeptes de ce style (ou même les curieux), un album prenant et complet.

A écouter : La nuit, au casque, les yeux fermés
17.5 / 20
1 commentaire (17/20).
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Nosferatu ( 1988 )

Dans le cadre de sa réappropriation des bandes sonores de vieux films (Faust, Metropolis, ...), Art Zoyd a été amené à travailler en premier sur le Nosferatu de Murnau. Œuvre de 1922, culte de par son traitement de l'histoire, romantisme épuré à travers chaque image, aussi bien que par son acteur principal par lequel le vampire apparait comme un être humain apeuré et non un monstre sanguinaire...

Art Zoyd reste avant tout un groupe expérimental, et chacun des 20 morceaux qui composent Nosferatu s'en ressent. Que ce soit La Peste (avec sa voix parlant au dessus de sons tirés de la faune et de la flore (bruit de ruisseau, chants d'oiseaux, ...)), Rumeurs (où les notes résonnent telles des voix indistinctes s'échangeant des propos lointains), où Le château (imaginez vous seul, la nuit, dans les ruines d'un château d'écosse et laissez vous bercer par l'inquiétude dégagée par le moindre bruit), sur près de 70 minutes de bruits, notes et voix, on peux voir défiler le film devant nos yeux. Non pas un film comme le Dracula de Coppola, mais bien le Nosferatu de Murnau, avec son absence de paroles, son image défraichie et ses acteurs si expressifs...

Chaque morceau correspond à une étape du film, Le Voyage de Harker, Le maître Arrive, La Peste, … autant de noms qui évoquent, pendant quelques minutes, quelques morceaux de pellicules. Et à l’image du film, la musique est terrifiante (Le Château), grandiloquente (Marées), mystérieuse (Beffroi). Ne vous imaginez pas que Nosferatu est un album qui se laisse écouter, loin de là. C’est plutôt une expérience sonore à part entière, qui se savoure délicatement, qui s’écoute en noir et blanc… Le groupe continue dans le virage amorcé par Le Mariage du Ciel et de L’Enfer, avec cette volonté d’utiliser tout instrument, tout bruit, qui lui passe à portée de main (voix, bandes, percussions, vents, …).

Certaines compositions vont même au-delà du film, comme Rumeurs I, II & III. On ne peut parler de morceaux simples, mais plutôt d’un assemblage de sons épars. La voix, sur Rumeurs III, chantée dans un dialecte mystérieux, donne cette sensation d’impersonnalité, de rumeurs à proprement parler. Nosferatu, à l’image du vampire du film, se révèle monstrueux, taillé au burin. Des bruits, semblables à des cris de douleurs, résonnent, montrant la solitude et le désespoir du personnage. Bien loin d’être un album illustrant le film, ces compositions possèdent leur propre personnalité, celle que le groupe lui a insufflée à travers sa compréhension du film.

Art Zoyd n'offre pas qu'un ensemble de morceaux à écouter légèrement, mais bien une nouvelle vision du film. Oeuvre intemporelle, à l'image du long-métrage, Nosferatu n'en reste pas moins un chef d'œuvre dans la discographie d'Art Zoyd, pourtant déjà excellente. Car finalement, Nosferatu ne vampirise-t'il pas ses victimes pour en extraire leur précieux fluide, comme Art Zoyd nous aspire notre âme lors de l'écoute de Nosferatu ?

A écouter : En 1922

Le Mariage du Ciel et de L’Enfer ( 1985 )

Le Mariage Du Ciel et de l’Enfer est à la base un ballet commandé à Art Zoyd par Roland Petit. Cependant loin de n’être que le complément sonore de ce ballet, Art Zoyd a su délivrer à sa musique une personnalité, un ensemble de sentiments allant jusqu’à en faire une œuvre indépendante, débordant d’émotions. A cette époque, le groupe ne s’est encore pas attaqué à la musique de films (Nosferatu, Faust, …), mais ce premier pas d’une création basée sur un spectacle visuel ouvre le chemin suivi par le groupe les années suivantes. Mais Art Zoyd reste avant tout une expérience sonore unique…

Tout au long d’environ 70 minutes, l’auditeur se retrouver tiraillé, harcelé entre les deux facettes sauvages des 9 compositions qui s’unissent l’une à l’autre avec une sensualité presque séductrice. Dès les premières notes, éclats enfantins capturés sur la bande, on peut ressentir cette dualité présente, ce combat de chaque partie pour préserver son existence : cordes aériennes et sons cristallins se frottent à l’inquiétude amenée par cet Enfer. Chaque morceau dégage une ambiance particulière. Lorsque Sortie 134 Part 1 débute, ce sont les portes de la réalité qui se ferment. Le Ciel fait son apparition, grâce à quelques notes éclatantes préservant de la bestialité de l’Enfer à venir, bénédiction de ces voix angéliques parvenant à l’oreille de l’auditeur. Cryogenese - Reve Artificiel ne serait point un rêve, mais plutôt un cauchemar, descente aux enfers du voyageur de l’imaginaire avec ce coté étouffant, presque paranoïaque… quand en surgissent les derniers sons, une respiration haletante, apeurée et plaintive se fait entendre, comme si finalement le rêve n’en était plus un. Les notes se succèdent, rires imprudents sur Io 1, cris apeurés sur Io 2 ou voix fantomatiques sur Io 3. Les deux mouvances correspondent aux mots échangés par les mariés. Facilement identifiables, ils précédent la marche nuptiale et l’union amenée par les deux derniers morceaux. Et lorsque des voix résonnent, ce ne sont pas des cris de joie, mais plutôt le brouhaha fêtant l’événement imaginé par Art Zoyd. Sur la fin de Cryogenese - Les Portes Du Futur, lorsque les notes sortent droit d’un film d’horreur des années 30, l’Enfer se veut puissant, ouvrant le dernier chapitre de ce Mariage Du Ciel et de l’Enfer.

Le point le plus inquiétant reste ces rires d’enfants disséminés sur Le Mariage Du Ciel et de l’Enfer. Hors contexte, ils seraient rassurants, source de joie et de bonheur, mais lorsque ils résonnent ici, le coté intriguant en ressort. Fantômes sonores d’une allégresse disparue, emportés par l’Enfer, ils créent une tension palpable, échos d’un plaisir rongé par ce malaise sonore… Et lorsque les dernières notes fuient, ce ne sont pas pour se réfugier dans des contrées imaginaires, mais pour annoncer que deux êtres se sont unis en grande pompe… Ce Ciel et cet Enfer ne sont pas uniquement nommés, mais sont aussi présents dans chaque mouvement, se mariant et s’emportant dans un enchevêtrement de sons à l’image du monde dont ils sont issus.

Art Zoyd livre ici un disque majeur, mariant parfaitement les multiples instruments utilisés afin de construire ce ballet. Loin de n’être qu’une musique d’accompagnement des danseurs, Le Mariage Du Ciel et de l’Enfer dégage un sentiment profond de dualité, de recherche mais surtout de mystère… A se demander si l’Enfer n’aurait pas détruit le Ciel lors de cette union…

Tracklist : 1. sortie 134, part 1 - 2. Cryogenèse, rêve artificiel - 3. Io 1 - 4. Io 2 - 5. Io 3 - 6. Mouvance 2 - 7. Mouvance 1 - 8. Cryogenèse, les portes du futur - 9. Sortie 134, part 2

 

A noter que le Mariage du Ciel et de L'Enfer est aussi une oeuvre de William Blake.

A écouter : Pour rêver...

Musique pour l’odyssée ( 1979 )

1979, pendant qu'AC/DC sort son culte Highway To Hell, Art Zoyd livre Musique pour L'Odyssée. L'un sort un chef d'oeuvre de Hard Rock, l'autre un excellent album d'Art Rock. Loin encore du coté sombre de Nosferatu, ou des expérimentations de Marathonnerre (ou les plus récentes, bruitistes, de Le champ des Larmes), Musique pour L'Odyssée utilise encore le premier schéma du groupe : basse, violons et trompette, pour 3 morceaux : Bruit, Silence-Bruit, Repos, Musique pour l'Odyssée et Trio 'Lettre d'Automne" et 34 minutes d'une musique emportant l'auditeur au-delà des frontières...

Bruit, Silence-Bruit, Repos ouvre l'album, des notes de violons se glissant jusqu'aux oreilles, suivies par le reste des instruments, emportant le voyageur sur son passage pour un voyage onirique, odyssée où l'auditeur prend le rôle d'Ulysse. Parfois seul, un instrument s'égare, mais les pèlerins se regroupent, avancent, rencontrent d'autres instruments... Chaque instrument a sa propre personnalité, et les compositions font transparaitre cette sensation, créent des lieux par leur présence ou non. L'omniprésence des violons, mais aussi la manière dont les notes sont jouées, créée cette sensation d'un périple continu, sans arrêt. Musique pour l'Odyssée serait un peu la descente aux enfers du héros Grec. Inquiétant, mystérieux, oppressant, complètement déstructuré (aux alentours de 3 minutes). Quand les voix viennent se mêler, ce sont les des mots indistincts, un langage inconnu, directement sorti des entrailles de l'enfer... Les sons, plus graves, sombres, accroissent l'anxiété, préfigurant par moment ce qui sera Nosferatu (situation énigmatique, peu rassurante, notes stridentes). Enfin, Trio "Lettre d'automne", possède cette mélancolie d'automne, mais avec un brin d'espoir. Les notes sont fatiguées, épuisées, tombent doucement comme les feuilles d'un arbre, tandis que le soleil disparait peu à peu... Lorsque les notes s'accélèrent, cela pourrait être le vent qui se lève, de plus en plus fort. Ici la vie disparait peu à peu, les sons sont frémissants, quittés par leur source, pour finalement s'éteindre. L'Odyssée, au-delà du voyage, peut aussi être l'histoire de la vie...

On pourrait penser, au vu des instruments présents, à un album répétitif, parfois vide, mais bien au contraire, comme un paysage, même s'il ressemble à un autre, en est toujours différents, Musique pour l'Odyssée est tout sauf répétitif. Sans être forcément ardu à assimiler, Il n'en est pas moins un album qui ne se révèle pas en quelques écoutes... Chaque spectateur interprète cet album comme il le souhaite, créée son propre voyage, illustre mentalement la musique par ses pérégrinations...

2ème véritable album pour Art Zoyd, et déjà le groupe signe un concept saisissant. Transportant l'auditeur grâce aux quelques instruments, les 3 pavés frémissent, se complètent, transportent... Comme toujours, Art Zoyd va au-delà de la musique, utilisant les films comme support pour certains albums (Faust, Metropolis), ou le spectacle (Le Mariage du Ciel et de l'Enfer, Kairo), mais pour d'autres, comme Musique Pour L'Odyssée, simplement le subconscient... A écouter donc en se laissant porter par la musique...

A écouter : En lisant l'Odyssée