Âmes sensibles, passez votre chemin. Cinq ans après "Dead Man Walking", véritable parpaing jeté dans la mare hardcore de l'époque, Arkangel refait surface avec "Hope You Die By Overdose" et sa carnassière pochette. Le décor est planté, pour ainsi dire. Si l'on envisage aisément que le groupe ait affûté ses riffs pour une saignée auditive, l'artwork prend néanmoins une toute autre signification quand on connaît le dénigrement dont ont fait l'objet les bruxellois de la part de certains "coreux". Leurs influences étant jugées trop "métalliques", leurs détracteurs peuvent ainsi revêtir l'apparence de ce boucher aiguisant ses ustensiles pour mieux procéder à une découpe en règle. Il convient donc de s'attarder plus amplement sur le contenu pour arriver enfin à trancher la question.
Force est de constater que d'entrée de jeu, Arkangel nous prend par surprise puisque "You Had To Go" constitue une plage d'intro acoustique apaisée, bien loin de l'état d'esprit guerrier avec lequel on aborde le disque. Mais que l'on se rassure, "Annihilating Your Peace" reprend tout ce qui fait la force du combo, à savoir un hardcore rentre-dedans combiné à de fortes influences provenant de Slayer. Si de plus en plus de groupes métal new school se réclament ouvertement du hardcore, notamment au sein de la scène us émergeante, Arkangel est probablement celui qui en conserve au mieux l'essence originelle. L'intégrité prend une place prépondérante dans les textes de Baldur, tout comme certaines préoccupations d'ordre social, mais souvent abordées par le biais de la violence. Il est donc peu surprenant de retrouver Moulès au micro sur "Let Your Unloved Parts Get Known", figure emblématique du hardcore belge ayant officié au sein des Backstabbers, et plus récemment sur le projet Broken Clown auquel participe Kirby. Ce titre est véritablement taillé pour le pit, débutant par un riff saccadé et tranchant qui laisse le champ libre à l'impulsivité de Baldur. Puis s'enchaîne l'explosif "How We See The World", qui vient confirmer ce que l'on présageait déjà, à savoir que le métal prend une plus grande ampleur dans les compositions d'Arkangel. Les guitares sont proches de la frénésie, répondant parfaitement à cette implacable double pédale ainsi qu'aux hurlements bestiaux du chant. Bien que ne jouant pas dans un registre extrême, il se dégage une nervosité oppressante, voir déstabilisante de ces compositions. "Then" se place dans cette optique, saisissant l'auditeur à la gorge avec un riff que ne renierait pas Kerry King. Baldur se fait même accompagné par Stephen de Kickback au chant, signe on ne peut plus explicite de la dureté que cultivent les deux groupes.
Qu'on se le dise, Arkangel n'en a pas finit avec nos jugulaires. L'usine à riffs dévastateurs reprend du service sur "Fallen Angels We Are", titre qui incorpore des sonorités death entrecoupées de terribles mosh-parts. Kirby ira même jusqu'à déclencher un solo façon Jeff Hanneman, rompant ainsi définitivement avec le cadre étroit des structures hardcore plus traditionnelles. Arkangel ne délaisse pas pour autant la période "Dead Man Walking", puisque "Joe Loves Junk" ou encore "Warpath 777" (sur lequel Stephen participe à nouveau) s'inscrivent scrupuleusement dans cette lignée. L'efficacité est de mise, la nuque réagit plus que jamais, bien qu'ils ne s'éloignent guère de leurs acquis. En dépit de ces flashbacks, "Hope You Die By Overdose" marque clairement la volonté du groupe d'explorer d'autres sensations. Cela se traduit notamment par l'hommage rendu au heavy old school des années 80 sur "The Little People", ou même l'accalmie relative instaurée sur "Who's Time Has Come" pour mieux procéder à un dernier pilonnage auditif. Le titre éponyme clôture l'album comme il a commencé, c'est-à-dire de manière assez surprenante. Arkangel se rapproche ici à merveille de la mouvance post-hardcore européenne, notamment dans l'aspect mélodique et mélancolique des guitares qui peuvent facilement rappeler Impure Wilhelmina. Ces sombres et instrumentales neuf minutes ne délaissent pas pour autant le fil conducteur de l'album qu'est l'agressivité, en raison de ces véhémentes et menaçantes voix d'enfants que l'on peut discerner en toile de fond.
"Hope You Die By Overdose" confirme donc les aspirations croissantes qu'entretient Arkangel vis à vis de la scène métal, en opérant une savante synthèse de ses influences thrash et d'éléments plus modernes. Mais si l'aspect répétitif que l'on reprochait à "Dead Man Walking" s'est grandement estompé, il est peu probable qu'une oreille non avertie puisse se contenter d'une seule écoute. Si vous regrettez la pugnacité du Slayer d'antan, cet album mettra sans conteste vos platines à feu et à sang.
Ecouter : How We See The World (dans la "sound station" en bas à droite de la page).
A écouter : How We See The World, Then, Fallen Angels We Are, Hope You Die By Overdose